Ăoliennes : les mensonges du vent
Lâaudience spectaculaire dâun documentaire en ligne montre quâil manquait un inventaire grand public des dĂ©ceptions liĂ©es Ă lâĂ©olien. Surtout dans un pays dont 80 % de lâĂ©lectricitĂ© est dĂ©jĂ dĂ©carbonĂ©e
« ĂOLIENNES : DU RĂVE AUX RĂALITĂS » Documentaire de 1 h 58 par Charles Thimon, produit par Documentaire et vĂ©ritĂ©.
Le documentaire intitulĂ© Ăoliennes : du rĂȘve aux rĂ©alitĂ©s connaĂźt un succĂšs viral sur internet. Avec prĂšs de 200 000 spectateurs en trois semaines, il se rapproche dâune audience moyenne sur une chaĂźne nationale. Le doc Ă©colo Demain, de MĂ©lanie Laurent et CĂ©dric Dion, devenu culte depuis, avait aussi osĂ© une levĂ©e des fonds en dehors de toute participation dâune chaĂźne publique ou privĂ©e. Celui de Charles Thimon nâest pas anti-Ă©colo, mais anti-Ă©olien. Avec 200 000 euros, une vingtaine dâintervenants, un travail prĂ©cis dâanalyse des donnĂ©es chiffrĂ©es, et un format trĂšs long (2 h), il nous fait entrer avec talent dans les arcanes dâune duperie collective. Charles Thimon a Ă©tĂ© frappĂ© par le contraste entre ces maturitĂ©s majestueuses dans des dĂ©cors de rĂȘve, ces rentes distribuĂ©es aux propriĂ©taires privĂ©s ou aux collectivitĂ©s locales et leurs rĂ©sultats plus que dĂ©cevants. Il nâest pas le seul : la colĂšre contre les Ă©oliennes a animĂ© les Ă©lections rĂ©gionales et dĂ©partementales. Les cas de la montagne Sainte-Victoire, de la baie de Somme et de Saint-Brieuc, et bien dâautres, sont rĂ©guliĂšrement traitĂ©s dans les mĂ©dias. Il ne sâagit pas dâailleurs de rejeter lâĂ©olien par principe. Personne ne dira quâil nâest pas une source intĂ©ressante dâĂ©nergie dans des pays peu habitĂ©s qui bĂ©nĂ©ficient de bons rĂ©gimes de vents.
En revanche, sont-elles vraiment nĂ©cessaires dans un pays densĂ©ment peuplĂ©, dont les paysages sont un atout patrimonial et touristique, et qui ont dĂ©veloppĂ© sans accrocs depuis soixante ans une Ă©lectricitĂ© propre ? La rĂ©ponse est non ! Lâexception française Ă©tait pourtant criante : elle produisait une Ă©lectricitĂ© dĂ©carbonĂ©e Ă bas coĂ»t, grĂące au nuclĂ©aire et Ă lâhydroĂ©lectrique. Pourquoi fallait-il quâelle monte dans cette galĂšre ?« On a rhabillĂ© en âpolitique climatiqueâ une subvention massive dâĂ©oliennes et de panneaux solaires dont le rĂ©sultat est nul, puisque cette Ă©lectricitĂ© se substitue Ă une autre, le nuclĂ©aire, qui produit deux fois moins de CO2 sur lâensemble de son cycle de vie. Un tel aveuglement aboutit par exemple Ă ne pas se demander si ces milliards ne seraient pas beaucoup plus efficaces sâils Ă©taient consacrĂ©s Ă lâisolation des bĂątiments, Ă lâagriculture ou aux transports », commente Charles Thimon. Ce documentaire ouvertement Ă charge - et pourquoi ne le serait-il pas, quand on voit sans cesse des documentaires Ă charge sur les chaĂźnes du service public ? - dress donc un bilan nĂ©gatif, et pas seulement pour la France. La liste est longue : nuisances sonores, effets sur la pollution des sols et des fonds marins, mauvais bilan carbone, prix dopĂ©, Ă©nergie instable produite Ă partir de composants importĂ©s du bout du monde, chaĂźnes dâinvestissements opaques et opportunistes.
Mais la conjuration des antinuclĂ©aires nâavait rien de plus pressĂ© que de tourner la page de cette Ă©nergie, qui a sauvĂ© la France de la tyrannie des hydrocarbures. Les orateurs de lâĂ©cologie, citĂ©s dans le documentaire, font de lâĂ©olien et du solaire la vitrine dâun nouveau modĂšle de sociĂ©tĂ©. Ces nouvelles Ă©nergies sont censĂ©es ouvrir sur des territoires autogĂ©rĂ©s, chacun pilotant en toute transparence (le mot est sacrĂ© !) son Ă©olienne et ses panneaux solaires. Le tout sans risque et sans pollution. Face Ă cette image idyllique, digne des bergers de lâArcadie, lâĂ©nergie nuclĂ©aire Ă©tait⊠le mouton noir. Mais les dĂ©fauts des Ă©nergies renouvelables sont peu Ă peu apparus. Et les qualitĂ©s du nuclĂ©aire redeviennent dicibles. Par exemple, celle-ci : les 56 rĂ©acteurs sont rĂ©partis sur 18 sites dĂ©jĂ construits, et « ils utilisent 400 fois moins dâespace que lâĂ©olien pour une mĂȘme puissance ». Charles Thimon prĂ©cise quâil ne reçoit aucun subside des lobbys du nuclĂ©aire.
LâĂ©cologie radicale prĂ©sente le nuclĂ©aire comme lâincarnation malĂ©fique dâune sociĂ©tĂ© opaque, technocratique, hiĂ©rarchique et centralisĂ©e. Telle est la cohĂ©rence du dogme vert : Ă un nouveau modĂšle politique, un nouveau mode de production de lâĂ©nergie. Cette opposition symĂ©trique des deux mondes est digne dâun jardin Ă la française. Mais elle est trompeuse sur toute la ligne. La gestion des Ă©oliennes est opaque, affairiste, et relĂšve de lâarbitraire administratif. Leur montĂ©e en puissance est aussi la preuve dâune inconscience collective qui confine Ă la folie. Elle suppose que la sociĂ©tĂ© de la « sobriĂ©tĂ© heureuse » sâaccommode des coupures de courant Ă toute heure du jour et de la nuit, et quâelle institue la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique en un nouvel art de vivre. Chacun imagine bien quâil en rĂ©sulterait un chaos social gĂ©nĂ©ralisĂ©. LâĂ©olien est une Ă©nergie dâappoint, mais ne peut en aucun cas prĂ©tendre se substituer au nuclĂ©aire ou, malheureusement, au charbon.
Or il y a des moyens dâĂ©viter la politique du pire en assumant le chemin dĂ©jĂ tracĂ© par lâatome. Par rejet du nuclĂ©aire, par mimĂ©tisme avec les pays du Nord - mais pas tous, la SuĂšde, la NorvĂšge et lâAngleterre sont pronuclĂ©aires -, par peur de rater la prochaine rĂ©volution Ă©nergĂ©tique et ses marchĂ©s dâexportation, les gouvernements français ont cĂ©dĂ© aux sirĂšnes de lâĂ©olien et du solaire. Ils avaient raison de vouloir profiter de lâĂ©mergence dâune nouvelle industrie afin dâexporter dans les pays demandeurs, mais la Chine les a pris de vitesse. Nous savons dĂ©sormais que les gĂ©nĂ©raliser en France, en revanche, nâĂ©tait pas une bonne idĂ©e.
Aujourdâhui lâopinion rĂ©apprend Ă peu Ă peu Ă peser de maniĂšre objective les avantages et les risques du nuclĂ©aire. Il est donc plus que temps de se dĂ©faire de lâatome honteux. Charles Thimon a raison dâinsister sur le fait que nous avons avec lâAllemagne une dĂ©monstration en grandeur rĂ©elle de lâĂ©chec dâune transition Ă©nergĂ©tique reposant sur le renouvelable. « LâĂ©lectricitĂ© y coĂ»te deux fois plus cher quâen France, mais les Ă©missions de gaz Ă effet de serre ne diminuent pas, car cette Ă©nergie intermittente suppose le concours de centrales Ă charbon », explique trĂšs bien Jean-Marc Jancovici, lâun des interviewĂ©s. LâAllemagne a dĂ©jĂ investi 500 milliards dâeuros dans un modĂšle qui nâest pas viable, dâautant plus quâil faut prendre en compte la vraie neutralitĂ© carbone, en mesurant aussi les quantitĂ©s de C02 Ă©mises ailleurs pour produire les Ă©oliennes importĂ©es de Chine.
En 1950, lâEurope a commencĂ© par une convergence franco-allemande sur lâĂ©nergie. La mise en commun des bassins houillers de la Ruhr et de la Sarre a permis Ă la France de se reconstruire plus vite, et, en Ă©change, lâAllemagne a accĂ©lĂ©rĂ© son retour dans la famille europĂ©enne. Cette idĂ©e dâun engrenage dâintĂ©rĂȘts diffĂ©rents mais complĂ©mentaires est aujourdâhui gravement en panne en matiĂšre de politique Ă©nergĂ©tique. LâAllemagne continue de batailler contre lâatome au niveau europĂ©en, tout en soutenant lâimportation du gaz russe. Il est temps de lui dire que son obsession antinuclĂ©aire est son problĂšme et quâil reste notre solution.
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