Des batteries Ă lâaluminium pour stocker plus dâĂ©nergie que celles au lithium
Une technologie israĂ©lienne permet de multiplier la densitĂ© dâĂ©nergie des batteries, au prix dâune recharge complexe. MARC CHERKI Aviv Tzidon, prĂ©sident et cofondateur de Phinergy, prĂ©sente une batterie qui utilise de lâoxygĂšne, de lâeau et de lâaluminium. Aviv Tzidon, prĂ©sident et cofondateur de Phinergy, une jeune entreprise israĂ©lienne dâune cinquantaine de salariĂ©s, est certain dâavoir créé la mĂ©thode la plus efficace pour restituer de lâĂ©nergie. LâĂ©quipement quâil propose utilise de lâeau, lâoxygĂšne de lâair et de lâaluminium.
Cette solution technique permet dâobtenir une densitĂ© dâĂ©nergie qui dĂ©passe largement ce que peuvent faire les meilleures batteries lithium-ion actuelles, et pourrait en thĂ©orie doubler ou tripler lâautonomie des vĂ©hicules Ă©lectriques actuels. Mais cette performance sâobtient au prix dâun gros inconvĂ©nient : le fonctionnement dĂ©truit lâĂ©lectrode en aluminium, quâil faut changer Ă chaque cycle. Un problĂšme que lâentreprise israĂ©lienne affirme avoir rĂ©ussi Ă contourner. ĂNERGIE La stratĂ©gie a Ă©voluĂ© au fil du temps. AprĂšs avoir envisagĂ© dâutiliser sa batterie pour remplacer celles au lithium (lithium-ion ou lithium-mĂ©tal polymĂšre) de lâindustrie automobile, il assure ne plus viser en prioritĂ© ce marchĂ©. Car « il y a trop de rĂ©sistance pour lâaccepter. Mais les 26/06/2018 2/3 constructeurs dâautomobiles y reviendront ! » promet-il.
Mais les amĂ©liorations des batteries au lithium ont Ă©tĂ© si fulgurantes ces derniĂšres dĂ©cennies, notamment pour ce que les experts appellent la « densitĂ© Ă©nergĂ©tique » - la quantitĂ© dâĂ©nergie emmagasinĂ©e par kilo de batterie -, quâelles ont permis dâaugmenter lâautonomie des voitures hybrides ou 100 % Ă©lectriques. Des amĂ©liorations obtenues grĂące Ă la miniaturisation effectuĂ©e pour les objets nomades, tels les smartphones et les ordinateurs portables. Surtout, la plupart de ces batteries au lithium peuvent effectuer plusieurs milliers de cycles de charges et de dĂ©charges. Ce nâest pas le cas des batteries Ă lâaluminium. MĂȘme si elles ont dâautres avantages. « Notre batterie a une densitĂ© Ă©nergĂ©tique deux Ă trois fois supĂ©rieure Ă celle du lithium-ion », martĂšle le prĂ©sident de Phinergy. Philippe Barboux, professeur et chercheur Ă lâInstitut de recherche de chimie-Paris et du CNRS, confirme que, « Ă conditions Ă©gales, il est vrai quâune batterie aluminium-air pourrait faire de 2 Ă 4 fois mieux quâune batterie lithium-ion ». Et dâestimer que « ce que fait Phinergy, est Ă mon avis trĂšs bien ».
Lâentreprise israĂ©lienne a une approche originale pour contourner la courte durĂ©e de vie du dispositif. La rĂ©action Ă©lectrochimique consomme lâaluminium. Le mĂ©tal finit par sâassocier avec des ions (hydroxyde) dans lâeau de la batterie. Une fois la batterie dĂ©chargĂ©e, il faut changer la plaque dâaluminium et vidanger le liquide : ce qui consiste Ă effectuer une sorte de recharge mĂ©canique. « Au moyen dâune petite rĂ©action chimique, nous pouvons rĂ©cupĂ©rer lâaluminium hydroxyde (Al(OH)3), trĂšs demandĂ© en chimie fine. Il sâagit dâun retardateur de feu qui entre dans la composition de certains plastiques. De plus, cette molĂ©cule est utilisĂ©e comme colorant », ajoute Aviv Tzidon. Applications stationnaires plutĂŽt que mobiles Toutefois, beaucoup dâĂ©nergie est nĂ©cessaire pour fabriquer lâaluminium et lâextraire du minerai (bauxite), chauffĂ© Ă plus de 1000 °C. « Il faudrait pouvoir recycler lâaluminium en solution pour fabriquer des nouvelles plaques et crĂ©er un cercle vertueux », commente Philippe Barboux, qui prĂ©cise que « les coĂ»ts de logistique seraient considĂ©rables pour remplacer les plaques dâaluminium ». Ă cause de cette limite, lâentreprise vise dâabord des applications stationnaires plutĂŽt que mobiles. « Le premier marchĂ© visĂ© est celui de lâĂ©nergie de secours des stations de base de tĂ©lĂ©phonie mobile (les antennes relais, NDLR) qui doivent ĂȘtre alimentĂ©es en courant pendant une dizaine 26/06/2018 3/3 dâheures, mĂȘme en cas de coupure du rĂ©seau Ă©lectrique », ajoute le fondateur de Phinergy. Des nĂ©gociations sont conduites avec des opĂ©rateurs.
Dâautres projets sont envisagĂ©s dans la mobilitĂ©. De grandes villes dâInde et de Chine, oĂč les populations doivent souvent respirer un air trĂšs polluĂ©, sont intĂ©ressĂ©es par ce procĂ©dĂ©. Un accord a Ă©tĂ© conclu avec Indian Oil Corporation, premier groupe pĂ©trolier en Inde, qui dispose « dâun rĂ©seau de 25 000 stations Ă essence. Câest une opportunitĂ© pour quâelles prĂ©parent lâaprĂšs-pĂ©trole et effectuent la maintenance », ajoute Aviv Tzidon.
De plus, des bus Ă©lectriques indiens devraient utiliser la technologie israĂ©lienne vers 2020. Et, en fĂ©vrier dernier, le sidĂ©rurgiste chinois Yunnan Aluminium a lancĂ© la construction dâune usine pour fabriquer des plaques dâaluminium. « Ils produiront lâĂ©quivalent de 2 GWh pour un investissement de 128 millions de dollars, dont un tiers exclusivement pour nous », explique le PDG israĂ©lien. MalgrĂ© ses nombreux projets, Phinergy, qui a dĂ©butĂ© ses recherches il y a neuf ans, nâa pas encore rĂ©alisĂ© de chiffre dâaffaires.