Vontobel - Vigilance requise : Investir avec prudence en 2022
LES NEWS 17 DĂCEMBRE 2021
Alors que 2021 touche Ă sa fin, les marchĂ©s se situent Ă un tournant. De plus en plus de voix sâĂ©lĂšvent pour remettre en question la nature rĂ©ellement transitoire de lâinflation. Des incertitudes entourent Ă©galement la trajectoire de la croissance Ă©conomique et la capacitĂ© des marchĂ©s actions Ă continuer Ă enchaĂźner de nouveaux sommets. Quatre spĂ©cialistes Vontobel de lâinvestissement exposent les dĂ©fis Ă venir et Ă©voquent les options qui sâoffrent Ă prĂ©sent aux investisseurs en actions et en obligations. Pour saisir les opportunitĂ©s que 2022 leur rĂ©serve, les investisseurs devront trouver le bon dosage entre prudence et appĂ©tit pour le risque.
Christel Rendu de Lint, Deputy Head of Investments, Vontobel : Aux Etats-Unis, lâinflation se situe autour de 6,2%, un niveau qui nâavait plus Ă©tĂ© observĂ© depuis les annĂ©es 1980. Comment vont Ă©voluer, Ă votre avis, lâinflation et le cycle Ă©conomique ?
Mark Holman, CEO de la boutique TwentyFour Asset Management de Vontobel, Portfolio Manager : Lâinflation a dĂ©jouĂ© toutes les prĂ©visions Ă©laborĂ©es lâan dernier, mĂȘme les plus agressives : les niveaux sont nettement plus Ă©levĂ©s quâattendu et la hausse des prix sâavĂšre finalement plus tenace. Plus important encore, lâinflation se situe au-delĂ des niveaux qui conviennent aux banques centrales dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale. La Fed fait clairement de lâemploi sa prioritĂ© et elle est prĂȘte, dans cette optique, Ă fermer les yeux sur
Mondher Bettaieb Loriot, Head of Corporate Bonds, Vontobel : En ce qui concerne les obligations dâentreprises, nous demeurons relativement confiants dans la mesure oĂč les indicateurs suggĂšrent une inflation transitoire. Soyons clairs, le terme « transitoire » - au sens oĂč lâentend le prĂ©sident de la Fed Jerome Powell - signifie que les niveaux dâinflation actuels nâauront au final pas dâincidence durable et ne modifieront pas la trajectoire de la faible inflation, voire de la dĂ©sinflation, que nous avons connue ces 25 derniĂšres annĂ©es.
Christel Rendu de Lint : Matt, quelles sont les implications pour les actions ?
Matthew Benkendorf, Chief Investment Officer, boutique Quality Growth, Senior Portfolio Manager, Vontobel : La patience est de mise, mĂȘme si les investisseurs en actions font gĂ©nĂ©ralement preuve de nos jours dâune certaine impatience. Je penche pour la thĂšse de lâinflation transitoire, car câest bien dans ce sens que sâorientent la majoritĂ© des Ă©lĂ©ments. Il appartient Ă ceux qui dĂ©fendent le scĂ©nario dâune inflation non transitoire de nous prouver le contraire.
Christel Rendu de Lint: Dan, Ă quel point ĂȘtes-vous patient sâagissant de lâinflation ? Et comment positionnerez-vous votre portefeuille dans le contexte dâune solution multi-actifs ?
Dan Scott, Chief Investment Officer, Head of Impact & Thematics, Vontobel : Je suis assez patient. Que lâinflation soit transitoire ou non, nous sommes tous dâaccord pour dire quâelle sâavĂšre plus tenace que nous ne le pensions il y a 12 mois de cela. Ce qui importe, câest que les banques centrales ont fait savoir quâelles ne rĂ©agiraient pas dans lâurgence. Elles veulent en fait que la reprise du marchĂ© de lâemploi soit plus ferme, dans la mesure oĂč les salaires rĂ©els et les chiffres absolus de lâemploi ne sont pas encore revenus aux niveaux observĂ©s avant le Covid.
Dans cet environnement caractĂ©risĂ© par des taux relativement bas, nous nous tournons vers les actions pour obtenir des rendements et vers dâautres classes dâactifs pour contribuer Ă amortir la volatilitĂ©. Nous ne nous attendons pas Ă ce que le crĂ©dit investment grade ou les obligations dâEtat dĂ©gagent des rendements importants, mĂȘme si nous percevons quelques opportunitĂ©s sur le marchĂ© de la dette des marchĂ©s Ă©mergents (libellĂ©e en devise forte).
Matthew Benkendorf : La forte performance des marchĂ©s actions a Ă©tĂ© tirĂ©e par la confiance, les investisseurs ayant choisi de se concentrer sur le cĂŽtĂ© positif de signaux pourtant contradictoires. Les banques, par exemple, ont connu une annĂ©e faste du fait des anticipations de pentification de la courbe des taux, mais cela ne concorde pas avec les valorisations Ă©levĂ©es de nombreuses entreprises Ă forte croissance et non rentables. Nous tablons sur un regain de volatilitĂ© et dâincertitude, quand bien mĂȘme nous parviendrions Ă sortir de la crise sanitaire. Les investisseurs doivent cesser de se concentrer sur le court terme, par exemple sur la prochaine introduction en bourse mĂ©diatisĂ©e, et se rappeler que lâinvestissement exige de la patience et du temps. LâĂ©ventail des scĂ©narios possibles est beaucoup plus large que ce Ă quoi les investisseurs se prĂ©parent actuellement. La fĂȘte continue, mais je conseille aux investisseurs de consommer avec modĂ©ration.
Christel Rendu de Lint : Mark, comment envisagez-vous les portefeuilles obligataires dans lâimmĂ©diat ?
Mark Holman : Je ne suis pas totalement convaincu par la thĂšse de lâinflation transitoire. Il existe suffisamment dâĂ©lĂ©ments suggĂ©rant que lâinflation va perdurer. Les anomalies que nous observons aujourdâhui - 6% de croissance, 6% dâinflation et les niveaux actuels des rendements obligataires - ne sont pas viables. Et lâinflation est actuellement en train de grignoter la richesse.
Jamais auparavant nous nâavions eu autant dâinterventions gouvernementales et dâassouplissement quantitatif, ni des taux dâintĂ©rĂȘt aussi bas. Nous pensons que la Fed commencera Ă durcir sa politique monĂ©taire plus tĂŽt que ne le pensent les investisseurs en 2022, probablement au milieu de lâannĂ©e. Mais dans de nombreux cas, le cycle sera le mĂȘme que par le passĂ©. Il y aura des pressions en faveur de taux dâintĂ©rĂȘt plus Ă©levĂ©s, ce qui tend Ă se traduire par des rendements supĂ©rieurs. Mais les sommets ne seront atteints que bien aprĂšs le dĂ©but du cycle de hausse des taux.
Les produits obligataires vous donnent accĂšs Ă de nombreux secteurs et zones gĂ©ographiques, mais les portefeuilles ont tendance Ă se concentrer soit sur les emprunts dâEtat, soit sur les obligations dâentreprise. Un portefeuille dâemprunts dâEtat sans couverture pourrait poser problĂšme, de sorte que les investisseurs devraient se couvrir sâils en ont la possibilitĂ©. Si tel nâest pas le cas, ils doivent diversifier leur portefeuille en profitant de la grande diversitĂ© de lâunivers obligataire.
Cela fait plus de 30 ans que jâinvestis sur les marchĂ©s obligataires et les fondamentaux des obligations dâentreprise mâont rarement paru aussi favorables. Ils justifient les valorisations. Dans le segment du haut rendement amĂ©ricain, le taux de dĂ©faut, Ă moins de 1%, est tout bonnement stupĂ©fiant, et il en va de mĂȘme en Europe. Les taux de dĂ©faut Ă©volueront trĂšs lentement et il y aura probablement plus de rĂ©visions Ă la hausse quâĂ la baisse des notes de crĂ©dit. Cela dit, je pense quâen 2022 les choix de titres seront limitĂ©s. Les investisseurs devraient pouvoir sâexposer dans une certaine mesure au risque de crĂ©dit, mais devraient Ă©galement aborder lâannĂ©e Ă venir avec beaucoup de luciditĂ© - comme Matt lâa prĂ©cisĂ© Ă juste titre, il faut consommer avec modĂ©ration.
Christel Rendu de Lint : Mondher, dans quelle mesure ĂȘtes-vous prĂ©occupĂ© par le risque dâune erreur politique de la part de la Fed ? Et quelles sont vos prĂ©visions pour les marchĂ©s obligataires ?
Mondher Bettaieb Loriot : En toute franchise, je ne suis pas inquiet. MalgrĂ© la publication de quelques statistiques dâinflation Ă©levĂ©es, le mystĂšre reste entier : les rendements rĂ©els sont toujours nĂ©gatifs. Nous traversons une rĂ©volution numĂ©rique, avec une population vieillissante et des niveaux dâendettement croissants, qui sont autant de phĂ©nomĂšnes perturbateurs. Les banquiers centraux nâont pas dâautre choix que de se montrer patients, mĂȘme si les chiffres dâinflation sont Ă©levĂ©s. Il faut remonter Ă la guerre civile aux Etats-Unis, ou Ă la Grande DĂ©pression, pour trouver des Ă©vĂ©nements ayant occasionnĂ© des rendements aussi nĂ©gatifs. Câest assez inĂ©dit. Nous restons nĂ©anmoins satisfaits du cadre fourni par les banquiers centraux.
Je ne serais pas surpris que les rendements des emprunts dâEtat aient encore baissĂ© dâici la fin de lâannĂ©e prochaine. Selon les prĂ©visions du consensus, la croissance devrait se situer fin 2022 autour de 2% - soit son niveau dâavant la pandĂ©mie - tandis que lâinflation devrait elle aussi ĂȘtre revenue autour de 2% dâici lĂ . Nous sommes par ailleurs relativement loin du plein emploi, de sorte que le scĂ©nario de base table sur un premier relĂšvement des taux de la Fed en 2023. Et une fois le cycle dĂ©butĂ©, les hausses de taux ne seront pas importantes. Le contexte reste ainsi favorable aux obligations dâentreprises investment grade. Les spreads sont peut-ĂȘtre un peu Ă©troits, mais ils sont justifiĂ©s par le faible niveau des taux de dĂ©faut. De plus, les obligations dâentreprises ont tendance Ă se montrer beaucoup moins volatiles que les autres actifs Ă risque.
Des opportunitĂ©s trĂšs intĂ©ressantes subsistent, comme les obligations AT1 des banques, les Ă©missions subordonnĂ©es des compagnies dâassurance, les titres hybrides dâentreprises et les obligations notĂ©es BB. Et il ne faut pas oublier les obligations dâentreprises investment grade pĂ©riphĂ©riques, qui rĂ©munĂšrent un peu mieux le risque. Le portefeuille de la BCE reste bien garni et la banque centrale achĂšte toujours les titres des pays pĂ©riphĂ©riques lorsquâils sont en difficultĂ©. Donc, bien sĂ»r, il y a du bruit, mais les obligations dâentreprises sont un peu moins volatiles, et le scĂ©nario de base semble ĂȘtre acceptable.
Christel Rendu de Lint : Cela fait longtemps quâil ne sâest pas passĂ© grand-chose sur les marchĂ©s des changes mais ils semblent sâĂȘtre rĂ©veillĂ©s en cette fin dâannĂ©e. Dan, quel est votre point de vue Ă ce sujet ?
Dan Scott : Face Ă lâaccumulation de la dette, la solution consiste Ă recourir Ă lâinflation. De ce point de vue, les banques centrales se livrent Ă une course vers le bas. Il existe ensuite une poignĂ©e de monnaies refuges qui sont des « gagnantes » relatives. Selon nos modĂšles financiers, lâeuro est fondamentalement sous-Ă©valuĂ©. Toutefois, nous Ă©voquons la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©forme structurelle en Europe - dans des domaines tels que les marchĂ©s du travail et les rĂ©gimes fiscaux - depuis bien avant la crise financiĂšre mondiale, et rien ne sâest produit. Cette situation ralentit la croissance en pĂ©riode de reprise et explique le niveau infĂ©rieur de la croissance europĂ©enne vis-Ă -vis de son homologue amĂ©ricaine.
Nous appliquons une double surpondération des actions américaines, car nous avons le sentiment que la croissance des bénéfices des entreprises américaines compense trÚs largement tout affaiblissement du dollar américain pondéré des échanges commerciaux. Dans le cas des investisseurs qui optent pour des portefeuilles multi-actifs, le change ajoute une couche supplémentaire de complexité. Il ne faut cependant pas oublier que rester investi est le meilleur moyen de se protéger de la dévaluation de la richesse qui survient pendant ces périodes inflationnistes.