Perspectives 2022

Robeco - Le défi des trois pics : une course contre la montre pour les marchés
LES NEWS 15 JUILLET 2022 patrimoine 24
L’inflation, les taux d’intĂ©rĂȘt et le dollar amĂ©ricain devront tous atteindre un pic cette annĂ©e pour que les marchĂ©s se calment, affirme Colin Graham, gĂ©rant multi-actifs.

Colin Graham Robeco

La croissance mondiale ne reprendra pas tant que les rĂ©centes flambĂ©es des prix et augmentations des taux d’intĂ©rĂȘt dĂ©cidĂ©es pour les combattre n’auront pas atteint leur point culminant, affirme Colin Graham. Ces deux Ă©lĂ©ments commenceraient alors Ă  affaiblir le dollar, dont la vigueur a accru le coĂ»t des Ă©changes internationaux et fait pression sur les Ă©conomies des marchĂ©s Ă©mergents.

À l’image du cĂ©lĂšbre dĂ©fi des trois pics nationaux au Royaume-Uni (le Three Peaks Challenge), durant lequel les randonneurs doivent atteindre les points culminants de l’Écosse, de l’Angleterre et du Pays de Galles dans un temps imparti, les trois pics Ă©conomiques devront ĂȘtre franchis au second semestre 2022 pour que les marchĂ©s puissent se stabiliser, indique Colin Graham.

Premier dĂ©fi : l’inflation

Le premier pic Ă  atteindre est celui de l’inflation, celle-ci s’étant dĂ©jĂ  envolĂ©e dans l’énergie et l’alimentation depuis la pandĂ©mie de Covid-19 et le dĂ©but du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Les prix ont augmentĂ© de 8,6 % aux États-Unis, un record depuis 1981, et de 8,1 % dans la zone euro, un niveau jamais atteint auparavant. Avant la pandĂ©mie, l’inflation Ă©voluait autour des 2 % depuis des annĂ©es.

« L’inflation est restĂ©e modĂ©rĂ©e pendant plus de quarante ans, depuis que Paul Volcker, alors prĂ©sident de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale amĂ©ricaine, a domptĂ© l’inflation galopante dans le pays (20 %) et rĂ©tabli la crĂ©dibilitĂ© de la banque centrale au dĂ©but des annĂ©es 1980 », relate Colin Graham, responsable des stratĂ©gies multi-actifs chez Robeco.

« Nous savons que les banques centrales peuvent contrĂŽler l’inflation en augmentant les taux d’intĂ©rĂȘt, ce qui rĂ©duit la formation de crĂ©dit (la fin de l’argent gratuit) et ralentit le marchĂ© immobilier (la fin des renĂ©gociations rentables de prĂȘts immobiliers). Tout cela combinĂ© contribue Ă  rĂ©duire la demande agrĂ©gĂ©e et Ă  accroĂźtre le chĂŽmage.

Un tel ralentissement de l’économie sera essentiel pour atteindre le pic d’inflation, mĂȘme si nous savons que l’outil Ă©moussĂ© des taux d’intĂ©rĂȘt Ă©cartĂšlera les investisseurs entre la crainte d’un resserrement trop important susceptible de provoquer une rĂ©cession et la crainte d’un resserrement pas assez important. Affaire Ă  suivre, donc. »

Aux États-Unis, l’inflation atteint des records depuis 1981, mĂȘme lorsqu’on exclut les prix de l’énergie et de l’alimentation. Source : Bloomberg

L’inflation se traduit d’abord par l’augmentation des prix dans les magasins, mais elle affecte Ă©galement les marchĂ©s des actions et des obligations. Si elle ne peut ĂȘtre rĂ©percutĂ©e, elle Ă©rode les profits des entreprises tout en rĂ©duisant la valeur des obligations Ă  long terme.

« L’augmentation des prix Ă©nergĂ©tiques a des rĂ©percussions dans toute l’économie, tant pour les entreprises que pour les consommateurs. Elle agit comme une taxe sur la croissance et rĂ©duit la demande de services et d’autres biens », analyse Colin Graham. « En outre, l’incertitude accrue concernant les rĂ©sultats des entreprises et leur capacitĂ© Ă  rĂ©percuter la hausse des coĂ»ts des intrants (coĂ»ts salariaux et de la dette, notamment) pour conserver leurs marges contribuera Ă  la volatilitĂ© des actions et des obligations high yield.

La Fed ayant cessĂ© d’utiliser l’indice des prix des dĂ©penses de consommation privĂ©es (PCE « core », qui exclut l’énergie et l’alimentation) comme seule mesure de l’inflation gĂ©nĂ©rale, on peut espĂ©rer un pic d’inflation au troisiĂšme trimestre 2022. »

DeuxiĂšme dĂ©fi : les taux d’intĂ©rĂȘt amĂ©ricains

Le deuxiĂšme dĂ©fi est celui des taux d’intĂ©rĂȘt, qui augmentent dans le monde entier pour lutter contre l’inflation. Ces hausses rendent les coĂ»ts d’emprunt plus Ă©levĂ©s, ce qui diminue le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais cela a aussi des effets secondaires, notamment celui d’accroĂźtre la valeur du dollar amĂ©ricain, dĂ©jĂ  Ă©levĂ©e.

« Les Fed funds devraient atteindre 3,5 %, contre 1,75 % fin juin, ce qui reprĂ©senterait la plus forte hausse annuelle depuis 1980 », commente Colin Graham. « En 1994, lorsque nous avons connu ce que l’on appelle communĂ©ment un « atterrissage en douceur Â» organisĂ©, les taux amĂ©ricains avaient grimpĂ© Ă  2,5 %. Le cycle de resserrement actuel est donc plus difficile, car l’économie a besoin de cette fonction de rĂ©action.

Selon nous, les pics qu’atteindront les diverses donnĂ©es d’inflation indiqueront que les pressions inflationnistes sont Ă  la baisse et que les augmentations de taux ont un effet sur l’économie. Pour le second semestre, nous anticipons des perspectives plus rassurantes en matiĂšre de conditions financiĂšres : nous pensons que les anticipations de taux baisseront et que le taux cible des Fed funds n’atteindra pas la barre des 3,75 % telle que suggĂ©rĂ©e par le marchĂ© d’ici Ă  la fin de l’annĂ©e.

Toutes choses Ă©gales par ailleurs, ce consensus de marchĂ© supposerait une courbe des taux inversĂ©e et des indicateurs de rĂ©cession devenant plus concordants et concluants. Dans notre scĂ©nario de base, nous ne prĂ©voyons pas de rĂ©cession amĂ©ricaine dans les 12 prochains mois, mĂȘme si ce pourrait ĂȘtre le cas en Chine, au Japon et en Europe. »

TroisiÚme défi : le dollar américain

Le troisiÚme défi concerne le dollar américain, qui a atteint son plus haut niveau depuis 20 ans face aux grandes devises mondiales. Habituellement considéré comme un refuge en période de trouble, un dollar fort accroßt les prix des matiÚres premiÚres libellées dans cette devise et pénalise les marchés émergents exportateurs qui ont besoin de financements en dollars.

« Compte tenu de l’augmentation des anticipations de taux et d’inflation, nous pouvons sĂ©rieusement nous attendre Ă  une hausse du billet vert aussi », indique Colin Graham. « Mais nous ne savons pas si elle se produira avant, pendant ou aprĂšs les deux autres pics. Nous devons cependant surveiller le billet vert car cette devise attire l’ensemble le plus divers de traders et de dĂ©tenteurs qui ne cherchent pas Ă  maximiser des profits.

Pour le moment, les principaux moteurs du dollar amĂ©ricain sont positifs, Ă  savoir les diffĂ©rentiels de taux d’intĂ©rĂȘt, les diffĂ©rentiels de croissance et les entrĂ©es de capitaux dans les valeurs refuges. À mesure que la croissance ralentit et que les prĂ©visions de taux diminuent, le dollar devrait s’affaiblir. »

AnalyseComment analyser le krach boursier actuelLa prĂ©cĂ©dente correction boursiĂšre Ă©tait liĂ©e Ă  la pandĂ©mie de COVID. Celle que nous connaissons aujourd’hui a un « moteur » plus cyclique.
Jocelyn JovĂšne21.06.2022Font-Size
Dans quel type de marchĂ© baissier (« bear market ») sommes-nous entrĂ©s cette fois-ci ? Reprenant la grille de lecture Ă©tablie pour Ă©valuer l’état des marchĂ©s financiers, les stratĂ©gistes de Goldman Sachs ont livrĂ© ce mardi leur analyse de la correction boursiĂšre actuelle, qui a vu les indices boursiers mondiaux chuter de plus de 20% depuis leurs plus hauts, en dĂ©but d’annĂ©e.

2020, 2008
En 2020, la banque d’affaires caractĂ©risait le marchĂ© baissier de « event driven », car liĂ© Ă  la pandĂ©mie de COVID-19.

Cette pandĂ©mie, en provoquant un ensemble de mesures de confinement Ă  travers le monde, avait entraĂźnĂ© une rĂ©cession, puis un rebond de l’activitĂ© grĂące aux politiques de soutien Ă  l’activitĂ© et Ă  l’intervention massive des banques centrales Ă  travers le monde.

La crise financiĂšre de 2008 et la correction boursiĂšre correspondait Ă  un « bear market » structurel, car liĂ© Ă  une problĂ©matique de dĂ©sendettement des agents Ă©conomiques aprĂšs une bulle immobiliĂšre aux Etats-Unis et dans d’autres pays dĂ©veloppĂ©s (Espagne, Royaume-Uni).

L’effet du cycle
La correction boursiĂšre actuelle serait plutĂŽt caractĂ©ristique d’un « bear market » cyclique, donc liĂ© au cycle de l’économie, avec un choc de l’offre, une inflation plus forte que prĂ©vu et une normalisation des politiques monĂ©taires qui s’accĂ©lĂšre aprĂšs avoir tardĂ© Ă  rĂ©agir.

« Le principal moteur d’un marchĂ© baissier cyclique est que l’inflation et les taux d’intĂ©rĂȘt montent et que les marchĂ©s intĂšgrent un risque de rĂ©cession », observe Goldman Sachs.

Les différentes « bear markets » depuis 1995

bear markets

Source : Goldman Sachs

Forte baisse
Pour l’équipe de stratĂ©gistes de la banque amĂ©ricaine dirigĂ©e par Peter Oppenheimer, les « bear markets » sont gĂ©nĂ©ralement caractĂ©risĂ©s par une baisse de 30% depuis le dernier plus haut des marchĂ©s actions.

En termes de valorisation, le niveau des prix actuel est « plus cohĂ©rent avec une rĂ©cession modĂ©rĂ©e que la moyenne ou qu’une rĂ©cession plus profonde, ce qui pourrait exposer [certains marchĂ©s] Ă  de nouvelles dĂ©tĂ©riorations des anticipations. »

Sans surprise, ces marchĂ©s baissiers liĂ©s au cycle s’arrĂȘtent lorsque l’environnement Ă©conomique cesse de se dĂ©tĂ©riorer.

Cela ne veut pas dire que les nouvelles Ă©conomiques s’amĂ©liorent du jour au lendemain. En effet, certains indicateurs Ă©conomiques n’évoluent pas au mĂȘme rythme (le taux de chĂŽmage par exemple est un indicateur retardĂ© ; d’autres indicateurs, dits avancĂ©s, permettent Ă  l’inverse de suivre l’évolution des anticipations des agents Ă©conomiques).

Point bas
« Le point bas d’un bear market vient gĂ©nĂ©ralement 6-9 mois avant le point bas des bĂ©nĂ©fices par action, et 1-2 trimestres avant que le point bas de l’économie une fois passĂ© le point haut en termes d’inflation », Ă©crivent les analystes de Goldman Sachs.

Bien sûr, chaque marché baissier à ses propres caractéristiques.

La correction boursiĂšre actuelle rĂ©sulte d’abord dans un choc d’offre, les mesures de relance et la bonne santĂ© des mĂ©nages ayant conduit Ă  un rebond de la demande, alors qu’au mĂȘme moment les problĂšmes d’approvisionnement, les difficultĂ©s de recrutement ont pesĂ© sur de nombreux secteurs d’activitĂ©.

Tout ceci s’est traduit par un mouvement de hausse des prix plus durable que prĂ©vu initialement par les autoritĂ©s monĂ©taires.

Ces difficultĂ©s n’ont pas encore affectĂ© les prĂ©visions de rĂ©sultats et la saison des publications des trimestres Ă  venir sera sans doute un rĂ©vĂ©lateur de l’ampleur des difficultĂ©s auxquelles les entreprises sont confrontĂ©es.

Ceci devrait logiquement se traduire par un mouvement de rĂ©vision en baisse des estimations de rĂ©sultats, et offrir peut-ĂȘtre un second souffle Ă  la phase de baisse des marchĂ©s.

Mais le point bas des marchés semble ne pas encore avoir été atteint.

© Morningstar, 2022 - L’information contenue dans ce document est Ă  vocation pĂ©dagogique et fournie Ă  titre d’information UNIQUEMENT. Il n’a pas vocation et ne devrait pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une invitation ou un encouragement Ă  acheter ou vendre les titres citĂ©s. Tout commentaire relĂšve de l’opinion de son auteur et ne devrait pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une recommandation personnalisĂ©e. L’information de ce document ne devrait pas ĂȘtre l’unique source conduisant Ă  prendre une dĂ©cision d’investissement. Veillez Ă  contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute dĂ©cision d’investissement.

AnalyseCapitulation des marchés : de quoi parle-t-on ?Lorsque les Bourses perdent plus de 20%, quels indicateurs sont regardés par les professionnels pour déterminer si le point bas des marchés est proche?
Jocelyn JovĂšne23.05.2022Font-Size
tradert

En dehors du NASDAQ Composite, qui affiche une baisse de 29% sur ses plus hauts de novembre, et des marchĂ©s Ă©mergents qui perdent 19,5%, les marchĂ©s mondiaux, notamment l’indice S&P 500 (-18,1%) et le CAC 40 (-17,4%) se rapprochent Ă  nouveau d’une baisse de 20% qui caractĂ©rise une correction boursiĂšre.

Lorsque de telles phases de correction surviennent, les stratĂ©gistes et gĂ©rants de portefeuilles cherchent souvent Ă  dĂ©terminer le moment oĂč les marchĂ©s « capitulent », c’est-Ă -dire une situation oĂč les flux vendeurs « s’épuisent » et qui constitue le prĂ©ambule Ă  un rebond durable des marchĂ©s.

Les investisseurs cherchent en fait Ă  dĂ©terminer un point de retournement – ce que chez Morningstar nous considĂ©rons comme une perte de temps dans une perspective de long terme car il nous semble plus important de focaliser son attention sur les fondamentaux et la valorisation, plutĂŽt que de chercher Ă  prĂ©voir ce que va faire le marchĂ© (voir les principes d’investissement de Morningstar Investment Management).

Pour les investisseurs qui chercheraient à déterminer si « capitulation » des marchés il y a, voici quelques indicateurs financiers suivis par certains stratégistes.

Un premier indicateur qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© porte sur la collecte des fonds.

Selon des donnĂ©es citĂ©es par la banque Jefferies, la dĂ©collecte des fonds actions a atteint 46 milliards de dollars au cours des six derniĂšres semaines, chiffre que l’on peut comparer aux 91 miliards de dollars de dĂ©collecte constatĂ©s entre le 20 fĂ©vrier et le 25 mars 2020, en pleine correction boursiĂšre liĂ©e au COVID (les marchĂ©s avaient alors plongĂ© de 34% en six semaines).

D’autres indicateurs techniques, comme les achats avec effet de levier, le positionnement des acheteurs spĂ©culatifs ou le pourcentage de titres ayant atteint des plus hauts sur l’ensemble des valeurs cotĂ©es indiquent Ă©galement un pessimisme certain des investisseurs (voir graphiques ci-aprĂšs), confirmĂ© par une rĂ©cente enquĂȘte d’opinion.

Il y a Ă©galement le niveau de valorisation des actions. Celui-ci a fortement reculĂ© en raison de la remontĂ©e des taux d’intĂ©rĂȘt et des incertitudes sur les perspectives de croissance de l’économie et des profits des entreprises.

Mais il est encore loin des niveaux les plus extrĂȘmes observĂ©s lors des prĂ©cĂ©dents krachs boursiers. A 17x les rĂ©sultats attendus Ă  12 mois, le P/E de l’indice S&P 500 est encore bien au-dessus des multiples de 8,8x, 10,1x, 13,8x ou 13,4x observĂ©s respectivement aux points bas de la crise financiĂšre de 2008 (20 novembre), de la crise de la dette en zone euro (3 octobre 2011), de la correction de fin 2018 (25 dĂ©cembre) ou de la pandĂ©mie de COVID (23 mars 2020).

Comment gérer un tel environnement ? Dans un post sur son blog « Big Picture », Barry Ritholtz, co-fondateur de la société de gestion Ritholtz Wealth Management, fait dix recommandations aux investisseurs.

Parmi ces dix recommandations, certaines nous semblent particuliĂšrement pertinentes.

Ritholtz conseille ainsi de constituer des positions de maniĂšre progressive et pas en une seule fois, pour se prĂ©munir du risque d’erreur dans l’anticipation d’un point bas de marchĂ©.

Il conseille de recherche des asymĂ©tries, c’est-Ă -dire des positions oĂč le risque de baisse supplĂ©mentaire est bien plus faible que le potentiel de rebond.

Il recommande Ă©galement d’éviter d’utiliser des options ou l’effet de levier. « Les pros utilisent les options pour gĂ©rer leurs risques – essentiellement dĂ©finir Ă  l’avance le niveau de pertes » qu’ils sont prĂȘts Ă  supporter, Ă©crit-il.

Il rappelle enfin que parier sur la baisse (« shorter » en anglais) est une activité trÚs risquée.

Enfin, un conseil en phase avec les recommandations de Morningstar : avoir un plan pour le long terme et s’y tenir.

Les dĂ©viations et phases de volatilitĂ© des marchĂ©s doivent toujours ĂȘtre perçues comme des moments oĂč des opportunitĂ©s Ă©mergent et sont achetables Ă  bon compte, comme nous le soulignons rĂ©guliĂšrement sur ce site.