La gestion active a t-elle encore un intérêt?

A partir du moment où vous balayez d’un revers de main l’intérêt du msci world sous prétexte qu’il existe un fonds qui fait mieux (cf votre réponse à gilles35), j’admets que j’ai du mal à prendre au sérieux votre opinion sur d’autres arguments, même s’ils sont plus censés je vous l’accorde volontiers !

Le cas de l’Ishares GlOBAL CLEAN ENERGY est très interessant, même si à mon sens non représentatif des etf en général car nous parlons d’une micro niche. Depuis l’article il y a eu du changement. En raison des craintes de sur-concentration et de liquidités, S&P a modifié son indice. Il y a plusieurs changements mais le plus visible c’est le passage de de 30 valeurs à 80. Le revers de la médaille c’est qu’en élargissant son périmètre de sélection et en diminuant les seuils d’exclusions, l’indice est moins « pur » qu’avant.

Cela montre que la gestion indicielle n’est pas forcément si passive que ça. Ici c’est un indice de niche mais même sur des indices larges la sélection s’opère généralement sur un panel de critères quantitatifs et non sur la seule capitalisation. Le choix de ces critères est une vision totalement subjective. Plus surprenant, sur certains indices c’est un comité qui a le dernier mot sur l’inclusion et l’exclusion des valeurs (il me semble que c’est le cas sur le S&P 500, un indice plus actif qu’on ne le croit).

Enfin pour être rigoureux sur la sémantique je rappelle que stricto sensu ETF n’est pas synonyme de gestion indicielle. C’est avant tout un véhicule et il est tout à fait possible d’y faire de la gestion 100% active, même si ce type d’etf est encore rare en europe.

Je rebondissais sur ce point précis car c’est un argument qui est TRES souvent utilisé (on cite le fonds actif X qui a eu une meilleure perf que le fonds passif Y (ou parfois l’inverse pour défendre la gestion passive d’ailleurs). Alors que cela n’a aucun intérêt dans ce débat.

Pour vous répondre succinctement sur le fond. Oui c’est un risque, mais je pense qu’on est encore très loin du point critique. Par ailleurs paradoxalement des anomalies sur les prix liées à la gestion passive auraient tendance à renforcer l’intérêt de la gestion active. Il existe donc des forces de rappel et rien ne dit qu’on atteindra ce point critique.

Edit : Je viens de lire la réponse de ZW98790 qui éclipse largement la mienne et que je partage totalement. Je pense que nous avons eu des lectures similaires. Merci pour ces posts de qualité et au plaisir de vous lire.

Je suis un peu plus nuancé sur les small cap. Ma référence est l’étude de Morningstar « Active vs passive » Europe que je préfère à SPIVA car ils se basent sur des fonds et non des indices (qui par définition n’ont pas de frais et ne sont pas investissables → pénalise artificiellement le taux de succès des fonds actifs sur les fonds passifs).

Sur la version à fin 2020, on a pour l’Europe small cap 60% et 32% de succès des fonds actifs à 5 et 10 ans, ça reste pas terrible mais c’est 3x mieux que dans la catégorie big caps. On retrouve également cet avantage dans toutes les autres catégorie où la comparaison est possible : Japon, US, UK, Suisse. Malheureusement rien sur la France.

Les meilleurs résultats sont sur l’UK midcap : 60 et surtout 70% de taux de succès à 5 et 10 ans !

Dernière remarque on ne peut en aucun cas tenter de calculer un taux de succès sur la liste des fonds présents dans une AV. Il y a plusieurs biais mais le principal c’est probablement l’énorme biais de sélection. En effet la plupart des assureurs / courtiers référencent les fonds ayant eu une bonne performance passée, puis déférencent ceux qui sous-performent.

Exemple concret sur ING vie, il y a 10 ans les fonds dispo étaient principalement value, ils ont depuis été ejectés et remplacés par des fonds growth :).

C’est en effet plutôt du « bon sens » qui me fait constater ça (au delà du concept général de « reversion to the mean »).
Quand un fonds small est crée, son encours est faible, il peut prendre plus de risque et opérer sur les valeurs les plus risqués qui sont de fait les plus volatiles et surtout les moins liquides dans l’univers small caps.
Si le fonds survit et obtient de bon résultats, il grossit car il attire les investisseurs : il se doit de réduire sa volatilité (pour éviter les sorties de capital et donc les ventes forcées à son niveau) mais surtout il ne peut plus opérer sur les small les moins liquides (qui sont les plus risquées et les plus performantes).
L’exemple type : Echiquier Entrepreneur, créé en 2013, excellentes performances au départ, parmi les meilleures. Aujourd’hui, pratiquement 700Me d’encours, depuis 2020 il y a une commission de souscription de 5% pour « freiner » les encours (hors assurance vie), et performances tout juste moyennes depuis 3 ans.

Bonjour

En ce qui concerne le dernier point, pour simplifier le raisonnement dans les grandes lignes, le jour où la gestion active aura disparu (ce qui n’arrivera vraisemblablement jamais, l’homme étant par nature un « alpha seeker » qui recherchera toujours à faire mieux que le voisin, et le marketing de l’industrie financière arrivera toujours à exploiter l’ignorance de millions d’épargnants), et bien le marché deviendra de fait inefficient, ce qui permettra donc à un gérant actif de trouver ces inefficiences de pricing, et donc de battre le marché … mais pas longtemps car il y aura de nouveau concurrence entre ceux qui referont de la gestion active, et le marché redeviendra presque efficient (il ne l’est jamais totalement).

Si vous voulez creuser le sujet, vous pouvez chercher tout ce qui est lié au « Grossman-Stiglitz Paradox ».
L’excellente chaîne YouTube de Ben Felix (Common Sense Investing) avait une très bonne vidéo sur le sujet, comme d’habitude.
Si vous maîtrisez l’anglais, vous trouverez de nombreux « débats » sur ce sujet sur le forum des bogleheads.

Pour en revenir au premier message de la file, c’est une ficelle marketing bien connu de faire croire que lors des épisodes de forte volatilité, la gestion active sera capable de faire de la « tactical asset allocation » et du « market timing » pour faire mieux que du simple buy and hold en fonds indiciels.

Malheureusement pour ceux qui croient encore à ces chimères, le SPIVA Scorecard de 2020, année de forte volatilité avec la crise covid, a encore démontré le contraire.

Le « price discovery » est en effet essentiellement assuré par le volume de trading effectué par la gestion active.

Mais ce n’est pas la question que vous posiez et à laquelle j’ai essayé de vous répondre, à savoir que se passerait-il si tout le monde devenait « passif ».

L’extrait que vous avez copié est tourné de façon tendancieuse, car le trading actif est aussi effectué pour « compte propre ». Il n’y a pas forcément un investisseur particulier qui paye les frais d’un trader actif, et qui par conséquent serait le dindon de la farce au bénéfice de « parasites » qui seraient les investisseurs passifs.

L’intérêt de l’investisseur particulier est de capter le maximum de la performance des marchés. Pour cela, il doit réduire au maximum tous les frais qu’il paye. Il ne tient qu’à la gestion active de réduire ses frais pour mieux servir l’investisseur particulier, cela lui permettant mathématiquement de se rapprocher de la performance du marché (qui est la somme de tous les actions de trading, les investisseurs obtenant cela moins les frais). C’était exactement le combat de toute une vie de J. Bogle et qu’il a explicité dans « Common Sense on Mutual Funds ».

Mais la gestion active ne le fait pas, ou peu, et c’est bien normal tant le business est « juteux » et le public moyen mal informé.

Je ne cherche à convaincre personne, je n’ai plus le temps de le faire (surtout que cela fait des années que je le fait).
Quelqu’un de curieux et d’intéressé (et qui sait bien lire l’anglais) trouvera suffisamment d’éléments dans la recherche académique et dans les données à long terme pour se rendre à l’évidence. Et il finira par suivre le conseil que les plus grands investisseurs, Buffet en tête, répètent toujours : l’investisseur particulier doit s’en tenir au fonds indiciels, point.

Car il n’y a rien de pire que de faire ce que font trop de gens font, à savoir être séduit par les performances récentes d’un fonds actif (sans savoir si cela est dû à des compétences, à de la chance ou à des éléments de marchés), rentrer sur ce fonds puis être déçu au bout d’un certains temps et passer sur un autre fonds aux récentes bonnes performances. L’investisseur passe ainsi son temps à rentrer sur un fonds APRES ses bonnes performances (il achète « haut ») et il en sort APRES des mauvaises performances (il vend "bas) et répète ça sur 20 ou 30 ans. Sa performance aurait été sans commune mesure avec un fonds indiciel sur la durée en buy and hold et en faisant un DCA sur le long terme.

La question n’est pas de savoir si certains fonds font mieux que les indices (et encore faut-il comparer à l’indice qui correspond réellement aux actions en portefeuille et non pas au benchmark indiqué dans le DICI), certains y arrivent sur une durée T (généralement sur 3 ou 5 ans, sur 10 ans il y en a très peu, sur 20 ans il n’y en a pas), la question est de savoir comment choisir A L’AVANCE sur quel fonds il faut miser et QUAND il faut changer pour un AUTRE fonds. Ceci étant strictement impossible à faire, la supériorité de la gestion passive indicielle est incontestable.

Et pour finir, pour en revenir à votre question qui m’a fait réagir, le jour où l’essentiel du trading (et non du stock) sera assuré par la gestion passive, c’est justement à ce moment là que la gestion active pourra tirer son épingle du jeu pour tirer parti d’un marché devenu moins efficient dans son pricing discovery. Mais je tiens à rassurer tout le monde, on en est encore TRES TRES loin, et cela n’arrivera jamais vu les intérêts en jeu la désinformation entretenue par tous ceux dont le train de vie dépend des frais qu’ils prélèvent aux investisseurs particuliers.

Ce qui est surtout désolant c’est quand on lit une nouvelle dans l’article en question : « les ETFs font monter les prix ».
Combien de fois je dois expliquer que non, le fonds indiciel ne doit pas acheter des titres quand leur valeur monte pour coller à l’indice, ce qui par effet boule de neige ferait toujours monter le cours.
C’est faire preuve d’une profonde méconnaissance de ce qu’est un indice et de comment il est calculé (le plus souvent en « capi weighted »).

Quand le cours d’une action monte, son poids dans l’indice augmente et l’indice monte et cela se reflète dans la valeur du fonds indiciel qui aussi voit sa valeur totale augmenter par construction indicielle SANS AVOIR BESOIN D’ACHETER de nouveaux titres !

Si je peux me permettre, c’est malheureusement une erreur de croire cela (qui est un des nombreux mythe entretenu par ceux qui vivent de la gestion active).
Comme je l’avais dit dans mon premier message, le SPIVA report de 2020 (année de forte volatilité) l’a encore démontré et Larry Swedroe (dont tout le monde devrait lire au moins un des livres) l’avait déjà pointé du doigt à la mi-année.

Sur les smalls caps, si on prend l’exemple de l’europe et des fonds disponibles chez Linxea, on voit effectivement des fonds actifs qui battent les indices MSCI Europe Small ou MSCI EMU Small sur 5 ans, sur 10 ans il y en a déjà moins, mais il y en a vous avez raison. La problématique reste toujours la même : comment savoir aujourd’hui le fonds sur lequel il va falloir miser dans les 10 prochaines années ?

Sachant que dans l’univers des Small Caps, il y a souvent beaucoup de turn over à la tête des fonds et cela affecte grandement le style de gestion (et en plus, vous ne savez pas qui a fait la performance passée et quand il va partir de la société). Et surtout les small caps étant par définition moins liquide, un fonds avec petit encours peu prendre plus de risques sur des micro caps, ce qui peut booster son track record, mais dès que son encours va grossir (car les investisseurs particuliers vont être attirés par les performances passées), il ne pourra plus opérer sur les mêmes valeurs car il aura trop d’argent à gérer. Typiquement, c’est que l’on voit sur bon nombre de fonds small caps : de très bonnes performances les 5 premières années quand le fonds est crée, puis des performances moyennes de 5 à 10 ans, puis des performances médiocres ensuite (et des comme ça, vous en avez plein dans le palmarès XRay de Linxea).

Effectivement, sur les Smalls Caps en Europe, les scores active vs. passive sont plus nuancés.
On a globalement une « meilleure » performance des fonds à moyen terme par rapport à l’univers large caps, qui lui est très efficient.
Et il faut, comme vous le remarquez, être très attentif au « survivorship bias » qui peut grandement fausser les résultats.

Mais la problématique générale reste la même : comment identifier 5 ans à l’avance le ou les fonds qui feront mieux que l’indice dans 5 ans …
Surtout que les fonds small caps sont très sensible à la problématique de la hausse des encours sous gestion qui vient pénaliser leur style de gestion : dans la grande majorité des cas, la « bonne » performance des fonds small arrive lors des premières années d’existence du fonds quand son encours est faible.
Et c’est malheureusement quand il commence à apparaitre dans les palmarès 3/5 ans, attirant de fait les investisseurs, que son encours grossit et qu’il commence à sous performer …

Bonjour

Pour répondre à vos divers commentaires en bleu dans l’ordre:

  • Oui nous sommes d’accord :slight_smile:
  • Non je parle des particuliers & des institutionnels qui font du trading pour eux (pour leur propre compte), sans « commercialiser » leur gestion et leur performance. Dans ce cas là, il y a bien trading actif (et donc price discovery) mais pas d’épargnant qui paye pour cela par le biais de frais de gestion qu’il subirait pour être investi dans ces fonds.
  • Je ne suis pas d’accord, tout travail PRODUCTIF ou EFFICIENT mérite salaire : dans la mesure où la gestion active délivre en majorité une performance sur le long terme qui est inférieure au marché (et donc à la gestion passive), il n’y a aucune raison qu’elle facture ces frais élevés (qui sont eux même directement la cause de la sous performance). Enfin c’est le raisonnement si on se place du côté des intérêts du « petit investisseur » bien entendu.
  • La volatilité est effectivement à considérer, mais qu’elle soit sur un fonds actif ou passif, elle sera là et c’est un des gros enjeu de l’investissement boursier à long terme : connaitre sa tolérance à cette volatilité et construire son allocation d’actifs en fonction. Tant que l’on n’a pas vécu un vrai krach long, toutes ces notions sont abstraites … et malheureusement, c’est le comportement de l’investisseur en bear market qui fait toute la différence sur la durée.
  • Pour ma part, je ne « crois » pas à des choses en ce qui concerne mon portefeuille d’investissement, je considère les études académiques, l’évidence mathématique et ainsi que les statistiques long terme. Et j’en reviens toujours à la même conclusion après des années de pratique : W Buffet (qui à plus de 90 ans d’expérience) a raison quand il conseille à l’immense majorité des investisseurs privés de s’en tenir aux fonds indiciels et donc à la gestion passive.

Bonjour,

Il faut des « adeptes » de la gestion active pour financer la gestion passive des autres (dont je suis).

Et ce que vous dites est aussi valable pour certaines formes d’ultralibéralisme et de capitalisme…

Perso je ne cible que le MSCI World.

Un truc simple, fiable, qui rapporte, sans suivi particulier.

Et qui n’est pas vraiment mis en avant (sujet tabou semble-t-il, c’est contraire à bien des intérêts un truc à peu de frais et qui marche bien).

Rien de bien significatif entre les deux sur 10 ans.
Pas de quoi justifier la différence de frais qu’on ne retrouve donc pas dans les performances de COMGEST d’après vos vérifications.

Ensuite il y a des cas où vous ne vendrez jamais puisque le produit donne satisfaction et que vous avez d’autres possibilités de couvrir vos besoins.
Donc la volatilité importe peu si vous ne sortez pas.

Je suis d’accord pour dire que ce qui s’est passé pour avec l’index « S&P Global Clean Energy Index » n’est pas représentatif des ETF mais laisse présager, à mon avis, ce qui peut se passer sur d’autres indices pas si petites que ça à une plus grande échelle, avec beaucoup plus d’ETF et plus de collecte. Le fait qu’il s’agissait d’une « micro niche » a manifestement amplifié encore plus le mouvement. Les 2 ETF ont pu collecter tout de même 4,8 milliards de $ en l’espace de 2 mois seulement.

A ma connaissance, actuellement il y a 75 valeurs au lieu de 30 dans cette indice. La médaille a peut-être un autre revers également… L’effet d’attraction pour d’autres ETF et d’autres investisseurs par ricochet. N’oublions pas qu’aujourd’hui il y a environ 8000 ETF dans le monde. Il n’y a pas autant d’indices je suppose. Il n’y a pas qu’un seul ETF par indice.

La sélection des valeurs composantes d’une indice se fait surement sur des critères que je suis loin de connaitre et de maitriser. Ceci étant dit, la modification de la composition des indices ne rend pas plus active la gestion des ETF. Ils continuent à suivre passivement l’indice en amplifiant le mouvement parfois avec des effets de levier.

Enfin, je suis bien d’accord qu’on utilise un peu abusivement le terme d’ETF comme synonyme de la gestion passive. Il n’y a pas que les ETF qui font de la gestion passive et, comme vous le précisez justement, il y a de plus en plus d’ETF qui commencent à faire de la gestion active notamment de l’autre côté de l’Atlantique mais une grande majorité des ETF restent encore en gestion passive je crois. D’où l’amalgame…

Pour terminer, je rejoins avvel pour rappeler que ce forum est une chance pour beaucoup d’entre nous et surtout une richesse et une aide précieuses puisque nombre d’entre nous, nous ne sommes que des particuliers et non des pro de la finance. Nous avons surement des avis, des à priori, des points de vues, des connaissances, des expériences, des intérêts, des patrimoines, des objectifs, des âges etc etc bien différents. L’important c’est de pouvoir continuer à échanger, sans à priori ni de jugement et tout en restant civils. Je suis sûr qu’il y a une majorité de lecteur dans ce forum qui n’y participent que de façon passive, en lisant seulement les partages, alors que sur un forum de ce genre, la richesse vient aussi du nombre de participants. Faisons en sorte que la participation progresse. Et pas l’inverse.

Je voulais remercier aussi **Bruno **qui, avec ses partages quotidiens multiples et variés, initie souvent le débat qui nous incite à nous renseigner sur internet et d’échanger et d’ouvrir nos horizons.

Les 7% dont vous évoquez, concernant la bourse française ou c’est une généralité? Je suppose qu’il y a une différence entre l’Europe et les USA…

Pour alimenter la discussion, à lire en complément de l’article sur les ETF de Quantalys partagé par jrb2 et en se souvenant que 15% de l’indice MSCI World est aujourd’hui composée de 6 entreprises technologiques américaines (GAFAM + Tesla) et 66% sont investis aux USA. On peut légitimement craindre qu’avec l’augmentation de la part des ETF qui deviendront bientôt majoritaires aux USA et plus tard en Europe, les bulles pas forcément induites mais très probablement alimentées par les ETF ne restent pas limitées aux seules indices peu liquides. La gestion active raisonnée a encore un rôle de régulation à jouer je pense.

[b]Quand les ETFs alimentent les bulles boursières
Boursorama TRIBUNE LIBRE•03/02/2021

Par Laurent Chaudeurge, Gérant de fonds et Thibaut Thuaire, Responsable de la recherche ETF

Aux États-Unis, où sont nés les ETFs, ces fonds qui répliquent les indices boursiers, les investisseurs-particuliers les pratiquent de longue date. En France, ils les ont découvert en 2020, ou presque : le nombre de particuliers ayant échangé ce type de produit d’investissement a bondi, tout à coup, d’un tiers l’an dernier, selon les dernières statistiques de l’Autorité des Marchés Financiers.

Pour beaucoup de ces particuliers, un ETF suit un indice, qu’il soit global ou sectoriel, voilà tout. Le « tracker », autre nom pour ce produit financier, n’a pas d’effet sur les valeurs composant cet indice. En réalité, à mesure que les ETFs augmentent leur collecte et prennent donc un poids conséquent, cette « neutralité » disparaît progressivement. En achetant les valeurs pour suivre fidèlement les indices qu’ils répliquent, ces fonds sont devenus des actionnaires de taille non négligeable. Le pourcentage du capital des sociétés détenus par l’ensemble des ETFs est passé de 1% en 2005 à plus de 7% aujourd’hui, selon les estimations de BDL Capital Management, qui a conçu son propre outil de suivi de l’activité des ETFs dans son univers d’investissement, les actions européennes.

Les ETFs ont contribué à la flambée des valeurs « énergies renouvelables »

Devenant des actionnaires importants, les trackers influent de plus en plus sur les cours des valeurs sous-jacentes. Cela s’est vu récemment dans le domaine des énergies renouvelables, où ils ont largement contribué à la flambée des cours boursiers, durant le mois de décembre 2020. Avec un mouvement autoalimenté : les ETFs font monter les prix, ce qui attire une nouvelle collecte, qui provoque une hausse supplémentaire.

L’ETF « iShares Clean Energy » de Blackrock, a ainsi collecté 2 milliards de dollars au cours de ce seul mois de décembre, et 3,2 milliards depuis début novembre. L’autre fonds important dans ce secteur, « Invesco Solar ETF » a, lui, collecté 1,6 milliard de dollars sur la même période. Or, pour investir, les gestionnaires ne disposent que d’un éventail restreint de valeurs, s’agissant d’un secteur d’activité émergent. Et les entreprises sont encore, souvent, de taille modeste. Ainsi, le portefeuille de « iShares Clean Energy » ne comprend que 30 valeurs. Du coup, la collecte de l’ETF, dès qu’elle est investie, dope immédiatement les cours.

Trois entreprises fortement impactées en Europe

En Europe, trois entreprises ont été fortement impactées par ce fonds. Il s’agit de Verbund, EDPR et Neoen. Les cours des deux dernières ont grimpé de 45% au cours du seul mois de décembre, d’où l’apparition d’une véritable bulle boursière. Pour ces entreprises, l’ETF a contribué à hauteur de 20% au volume quotidien échangé en bourse, pendant un mois. Or une contribution supérieure à 5% des titres échangés suffit à impacter les cours de bourse, sur ce genre de titres peu liquides. Mieux : dans deux entreprises, Powercell et Encavis, cet ETF de Blackrock est devenu le deuxième actionnaire.

Jamais, de tels impacts n’avaient été constatés. Les ETFs n’ont sans doute pas été à l’origine de la hausse des cours des valeur « énergie renouvelable ». Celle-ci tient d’abord à l’élection de George Biden aux Etats-Unis -un chaud partisan, on le sait, de la transition énergétique- et à la victoire du parti démocrate au Sénat américain. Mais s’ils ne créent pas l’engouement boursier, les ETFs l’amplifient fortement. Et bien sûr, ils peuvent être à l’origine, réciproquement, d’une chute brutale des cours dans certains secteurs.

Voilà pourquoi il apparaît aujourd’hui indispensable de suivre de près leur activité, et d’abord les flux entrants.
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Je ne suis pas sûr que la gestion passive aboutisse à « figer » le marché en le privant d’impulsions. Du moins pour l’insant et tant qu’elle n’est pas prépondérante de façon écrasante mais ça ne saurait tarder si sa croissance continue à ce rythme là: Presque 1 ETF par jour crée en Europe…
J’ai plutôt l’impression qu’au contraire, elle amplifie pour l’instant l’élan boursier du moment en auto-alimentant les bulles. En devenant prépondérante, elle risque de plus en plus de « figer la bourse dans son élan » tout en se décorrélant des fondamentaux des entreprises.

L’indice MSCI World est composée actuellement de 68% des actions USA dont 15% les GAFAM + Tesla. Si on y rajoute le Japon, le Royaume-Uni, le Canada, la France, la Suisse et l’Allemagne (22%), on peut dire que ces 7 pays composent plus de 90% de l’indice qui est censé être diversifiée et mondiale. Ou bien, si on reprend toutes les valeurs des pays de l’Union Européenne, elles ne pèsent que 11,5% dans l’indice contre 15% pour les GAFAM… sans parler de la Chine qui ne pèse que 0,05%.

Pour être un peu provocateur , imaginons un instant qu’à l’instant T les choses se passent très mal pour Apple qui capitalise 3000 milliards de $ (bien plus que la totalité du CAC 40) et qu’il se retrouve en grande difficulté. D’ailleurs, je m’interroge aussi sur le rôle des ETF sur cette ascension fulgurante: 1000 milliards en 2018, 2000 milliards en 2020 et seulement 16 mois pour atteindre 3000 milliards de capitalisation.

Imaginons maintenant aussi qu’au même moment, la « bataille » entre les gestions actives et passives soit gagnée par les ETF en marginalisant l’encours des fonds à gestion active qui aurait capitulé. Que se passerait-il? Qui ferait baisser la valorisation d’Apple? L’entreprise ayant fait faillite, ne continuerait-elle pas à être acheté par les fonds de gestion passive? Si je pousse le bouchon un peu loin, elle ne pourrait même plus tomber en faillite tant que les ETF continuent à en acheter massivement…

J’ai volontairement caricaturisé mais cela commence déjà être le cas pour les indices plus modestes et moins liquides qui sont massivement et continuellement investies par les ETF sans prendre en considération la santé des entreprises la composant ainsi que leur capacité de digérer une croissance fulgurante induite par l’engouement boursière amplifié par la gestion passive.

La recherche de la performance nous motive tous, mais elle ne devrait pas l’être à n’importe quel prix. Le capitalisme à ses défauts et faiblesses souvent insoupçonnés. C’est un peu comme pour le climat. Nous ne pouvons pas tous devenir des militants écologiques ni vivre avec zéro empreinte carbone etc mais nous pouvons certainement avoir une attitude raisonnée et raisonnable pour contribuer à l’équilibre. Je crois encore par exemple, en la capacité des PME françaises et européennes innovantes dans l’économie verte mais je me méfie aussi de ces « petites indices peu liquides » qui risquent d’être « victimes » des ETF géants. Je préfère donc la gestion active en réservant une toute petite part aux ETF…

Oui, le « trillion » correspond à « 1000 milliards » dans la terminologie anglo-saxonne.
L’exemple d’Apple que j’avais cité correspond donc à 3 trillions (3000 milliards) de $ de capitalisation avec 50% d’augmentation de capital en 16 mois…
A comparer aussi au PIB 2020 de la France : 2,6 trillions de $ (2600 milliards)…