Pour alimenter la discussion, à lire en complément de l’article sur les ETF de Quantalys partagé par jrb2 et en se souvenant que 15% de l’indice MSCI World est aujourd’hui composée de 6 entreprises technologiques américaines (GAFAM + Tesla) et 66% sont investis aux USA. On peut légitimement craindre qu’avec l’augmentation de la part des ETF qui deviendront bientôt majoritaires aux USA et plus tard en Europe, les bulles pas forcément induites mais très probablement alimentées par les ETF ne restent pas limitées aux seules indices peu liquides. La gestion active raisonnée a encore un rôle de régulation à jouer je pense.
[b]Quand les ETFs alimentent les bulles boursières
Boursorama TRIBUNE LIBRE•03/02/2021
Par Laurent Chaudeurge, Gérant de fonds et Thibaut Thuaire, Responsable de la recherche ETF
Aux États-Unis, où sont nés les ETFs, ces fonds qui répliquent les indices boursiers, les investisseurs-particuliers les pratiquent de longue date. En France, ils les ont découvert en 2020, ou presque : le nombre de particuliers ayant échangé ce type de produit d’investissement a bondi, tout à coup, d’un tiers l’an dernier, selon les dernières statistiques de l’Autorité des Marchés Financiers.
Pour beaucoup de ces particuliers, un ETF suit un indice, qu’il soit global ou sectoriel, voilà tout. Le « tracker », autre nom pour ce produit financier, n’a pas d’effet sur les valeurs composant cet indice. En réalité, à mesure que les ETFs augmentent leur collecte et prennent donc un poids conséquent, cette « neutralité » disparaît progressivement. En achetant les valeurs pour suivre fidèlement les indices qu’ils répliquent, ces fonds sont devenus des actionnaires de taille non négligeable. Le pourcentage du capital des sociétés détenus par l’ensemble des ETFs est passé de 1% en 2005 à plus de 7% aujourd’hui, selon les estimations de BDL Capital Management, qui a conçu son propre outil de suivi de l’activité des ETFs dans son univers d’investissement, les actions européennes.
Les ETFs ont contribué à la flambée des valeurs « énergies renouvelables »
Devenant des actionnaires importants, les trackers influent de plus en plus sur les cours des valeurs sous-jacentes. Cela s’est vu récemment dans le domaine des énergies renouvelables, où ils ont largement contribué à la flambée des cours boursiers, durant le mois de décembre 2020. Avec un mouvement autoalimenté : les ETFs font monter les prix, ce qui attire une nouvelle collecte, qui provoque une hausse supplémentaire.
L’ETF « iShares Clean Energy » de Blackrock, a ainsi collecté 2 milliards de dollars au cours de ce seul mois de décembre, et 3,2 milliards depuis début novembre. L’autre fonds important dans ce secteur, « Invesco Solar ETF » a, lui, collecté 1,6 milliard de dollars sur la même période. Or, pour investir, les gestionnaires ne disposent que d’un éventail restreint de valeurs, s’agissant d’un secteur d’activité émergent. Et les entreprises sont encore, souvent, de taille modeste. Ainsi, le portefeuille de « iShares Clean Energy » ne comprend que 30 valeurs. Du coup, la collecte de l’ETF, dès qu’elle est investie, dope immédiatement les cours.
Trois entreprises fortement impactées en Europe
En Europe, trois entreprises ont été fortement impactées par ce fonds. Il s’agit de Verbund, EDPR et Neoen. Les cours des deux dernières ont grimpé de 45% au cours du seul mois de décembre, d’où l’apparition d’une véritable bulle boursière. Pour ces entreprises, l’ETF a contribué à hauteur de 20% au volume quotidien échangé en bourse, pendant un mois. Or une contribution supérieure à 5% des titres échangés suffit à impacter les cours de bourse, sur ce genre de titres peu liquides. Mieux : dans deux entreprises, Powercell et Encavis, cet ETF de Blackrock est devenu le deuxième actionnaire.
Jamais, de tels impacts n’avaient été constatés. Les ETFs n’ont sans doute pas été à l’origine de la hausse des cours des valeur « énergie renouvelable ». Celle-ci tient d’abord à l’élection de George Biden aux Etats-Unis -un chaud partisan, on le sait, de la transition énergétique- et à la victoire du parti démocrate au Sénat américain. Mais s’ils ne créent pas l’engouement boursier, les ETFs l’amplifient fortement. Et bien sûr, ils peuvent être à l’origine, réciproquement, d’une chute brutale des cours dans certains secteurs.
Voilà pourquoi il apparaît aujourd’hui indispensable de suivre de près leur activité, et d’abord les flux entrants.
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