La clause bénéficiaire en 10 questions (1/2)
L’assurance vie permet de transmettre du patrimoine dans un cadre fiscal attractif. Encore faut-il que la clause bénéficiaire de votre contrat soit correctement renseignée. Nos conseils pour optimiser sa rédaction. Premier volet.
1 – Que vaut la clause standard des contrats ?
Tout contrat d’assurance vie contient une clause type indiquant : « À mon décès, le capital sera versé à mon conjoint, à défaut mes enfants, nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut mes héritiers ». Cochez-la et le capital sera payé dans cet ordre à votre mort. A priori, ce déroulé s’accorde aux volontés de la majorité des ménages, à savoir protéger la personne avec qui l’on vit. Pour l’assureur, le conjoint survivant est facilement identifiable. Et s’il était décédé, le capital irait aux enfants. Tout est même prévu, y compris la représentation d’un enfant prédécédé. Bref, cette clause est un gage de tranquillité d’esprit. Pour autant, elle va s’avérer inadaptée dans bien des situations. Sachez d’abord que juridiquement, le conjoint est la personne avec laquelle on était mariée au jour du décès. Sont de facto exclus les personnes pacsées ou vivant en concubinage. Si vous souhaitez gratifier des tiers, la clause type est aussi complètement hors-jeu. En réalité, même dans un cadre dit « classique » – couple marié avec enfants – elle pourra être contre-productive. Est-il bien nécessaire de laisser tout le capital au conjoint survivant, qui aura souvent un âge avancé, sachant aussi qu’il est exonéré de droits de succession ? De priver les enfants d’un capital pour payer les droits de succession ? Bref, prudence. Plus de 80% des souscripteurs d’assurances vie optent pour la clause standard aux dires des compagnies : ont-ils vraiment bien pesé le pour et le contre de leur choix ?
2 – Puis-je écrire ma propre clause bénéficiaire ?
Oui ! Tout détenteur majeur d’une assurance vie – sauf cas des majeurs incapables sous tutelle ou curatelle – peut passer outre la clause standard et formuler lui-même sa clause bénéficiaire. En pratique, c’est à faire sur le bulletin d’adhésion du contrat, mais il est aussi possible d’adresser une lettre à l’assureur pour ce faire. Que peut-on y écrire ?
Hormis pour les mineurs ou majeurs incapables (question 10), vous pouvez désigner bénéficiaire qui bon vous semble : votre conjoint, vos enfants, votre sœur, votre ami, votre amante, votre boulanger, une association, une mairie, etc. Plusieurs bénéficiaires peuvent aussi être indiqués. Seules interdictions formulées par le Code civil : gratifier un personnel soignant qui vous suit pour une maladie dont vous pourriez mourir, tout comme les ministres du culte (prêtre, pasteur, rabbin, imam, etc.). Évitez aussi les nominations contraires « aux bonnes mœurs », par exemple en désignant le concubin adultère avec la motivation de rémunérer cette relation. Votre liberté ne s’arrête pas cette désignation. Vous pouvez aussi répartir la transmission du capital entre plusieurs bénéficiaires. Imaginons que vous souhaitiez gratifier votre conjoint, mais aussi vos deux enfants. Il sera alors possible d’opter pour une répartition en pourcentage : mon conjoint pour 50 % du capital et mes deux enfants pour 25 % chacun. Sachant que ces pourcentages sont tout à fait malléables, qu’aucune égalité n’est requise entre les enfants, etc. Autre solution : vous savez que votre capital vaudra au moins 80 000 euros. Vous pouvez alors indiquer : 50 000 euros pour mon conjoint, le reliquat pour mes deux enfants par parts égales. Tout est possible à condition que le solde de la répartition soit de 100% du capital.
Le champ des possibles est encore plus large avec les clauses à options ou démembrées. L’important est d’utiliser cette liberté à bon escient, en évitant certaines chausse-trappes ou subtilités juridiques de la clause bénéficiaire. A noter : si le souscripteur et l’assuré du contrat sont deux personnes différentes, ce qui est possible (bien que peu fréquent), le souscripteur doit obtenir l’accord de l’assuré pour désigner ou modifier le bénéficiaire des capitaux décès. Et si le souscripteur décède avant l’assuré alors que le contrat n’est pas dénoué, le contrat est bloqué jusqu’au décès de l’assuré concernant les rachats mais aussi la désignation des bénéficiaires.
3 – Dois-je désigner les bénéficiaires par leur identité ou qualité ?
Tout dépend. Sachez que les deux solutions sont autorisées par le Code des assurances. Indiquer l’identité des personnes permet une précision sans faille, à condition que cette désignation nominative soit complète avec, outre le nom et prénom usuel, la date et le lieu de naissance, l’adresse, éventuellement le numéro de Sécurité sociale, etc. Il faudra aussi actualiser la clause dans le temps. Exemple : en cas de divorce, conserver une désignation nominative conduira au paiement du capital à son ex-conjoint. La désignation par qualité en précisant « mon conjoint non séparé de corps et non divorcé » ou « mon conjoint non engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps » sera préférable, puisque « l’assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l’exigibilité » (art. L.132-8 du Code des assurances).
Concernant les enfants et petits-enfants, opter pour une désignation nominative vous imposera à chaque naissance la réactualisation de la désignation, si vous souhaitez gratifier tous vos descendants. La désignation « mes enfants, nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut… » est plus simple, non ? Quoi qu’il en soit, ne combinez pas identité et qualité dans la clause, car si les deux ne coïncident plus au jour de votre décès, l’assureur ne pourra pas trancher. Exemple à éviter : « mon conjoint Mme Y sous condition qu’elle soit encore mon conjoint au jour du décès ».
4 – Pourrai-je modifier cette clause bénéficiaire ultérieurement ?
Oui, ce qui devrait vous rassurer. Les assureurs conseillent de revoir cette clause de manière régulière, tous les deux à trois ans. Soyons direct : dès que votre situation familiale, vos objectifs ou votre patrimoine évoluent, il est impératif de s’y pencher pour vérifier que son contenu correspond toujours à votre volonté. Idem en cas de changement de la réglementation, par exemple fiscale. A tout moment, vous avez toute liberté pour modifier autant de fois que voulu votre clause bénéficiaire (sauf cas spécifique de l’acceptation par le bénéficiaire). Comment s’y prendre ? Pour changer de clause, avertissez l’assureur par lettre recommandée avec avis de réception. Et relancez jusqu’à enregistrement de la modification, précisant que cette clause annule l’ancienne. Car si l’assureur n’a pas été informé du changement, nul ne pourra lui reprocher d’avoir versé les capitaux aux bénéficiaires désignés dans la clause antérieure.
5 – Quels sont les pièges de la clause bénéficiaire ?
La liste est longue. Premier d’entre eux, l’ambiguïté. Une clause bénéficiaire imprécise voire confuse dans son écriture ou l’identification des personnes sera potentiellement source de conflits avec l’assureur et la famille. Voilà pourquoi certains vous conseilleront de recourir à la clause standard pour éviter tout déboire. Deuxième chausse-trappe : ne pas avoir prévu la représentation d’un bénéficiaire prédécédé. Contrairement aux règles successorales, l’assurance-vie ne prévoit pas la représentation. Dès lors, en cas de prédécès d’un enfant bénéficiaire, son enfant(s) ne percevra rien, sauf à prévoir la représentation en écrivant toujours « mes enfants vivants ou représentés ». Exemple : Pierre a souscrit un contrat en désignant comme bénéficiaires « mes deux filles Jeanne et Caroline par parts égales, à défaut mes héritiers ». Par malheur, Jeanne décède avant son père. Au décès de Pierre, le capital sera alors totalement transmis à sa fille Caroline. En revanche, si Pierre avait écrit la clause suivante : « Mes deux filles, vivants ou représentées, par parts égales, à défaut mes héritiers », les capitaux décès auraient cette fois été répartis entre Caroline pour moitié et les enfants de Jeanne pour l’autre moitié.
Déroulons encore la liste. Il faut aussi faire attention à prévoir plusieurs rangs dans la rédaction de votre clause bénéficiaire. D’où l’indication de « à défaut », avec pour clore la clause : « à défaut mes héritiers ». Sur ce point, ces derniers toucheront les capitaux en proportion de leurs parts héréditaires. Ensuite, la mise à jour de votre clause bénéficiaire n’est bien sûr pas à prendre à la légère, d’autant que vous pouvez facilement modifier son contenu. Voici un exemple invitant à se pencher sur le contenu de sa (ses) clause(s) bénéficiaire : le changement de régime matrimonial. Soit un couple marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et passant en communauté universelle avec clause d’attribution intégrale. N’est-il pas opportun dans une telle situation de revoir sa clause en désignant le(s) enfant(s) comme bénéficiaire(s) de premier rang plutôt que le conjoint survivant qui recevra déjà l’intégralité du patrimoine (sans ouverture de succession) ? Une façon de les aider quand même, avec les avantages fiscaux de l’assurance vie à la clé (abattement de 152 500 euros par bénéficiaire pour le capital issu de versements avant 70 ans).
Reste à ne pas limiter l’analyse au contenu stricto-sensu de la clause bénéficiaire. Ce n’est finalement qu’un outil au service de la transmission de votre patrimoine. Par la désignation des bénéficiaires, il vaudra donc mieux respecter les règles de la quotité disponible pour ne pas léser ses héritiers. Autrement dit, si vous souhaitez gratifier avec votre assurance-vie des personnes non héritières, ne prenez pas sur la part de votre patrimoine devant légalement revenir à vos héritiers. Dans la même ligne, évitez d’utiliser l’assurance-vie comme un outil d’évasion fiscale manifeste ou comme un moyen d’échapper à vos créanciers.
Mieux Vivre Votre Argent