Dernier rapport BlombergNEF « Tendances des investissements dans la transition énergétique »
Jamais le monde nâa autant investi dans la transition Ă©nergĂ©tique quâen 2022, lâaccĂ©lĂ©ration se poursuivra en 2023, mais ce nâest « presque rien » comparĂ© Ă ce qui va suivre !
Les renouvelables sont devenues un enjeu de compĂ©titivitĂ© Ă©conomique et de sĂ©curitĂ© dans le monde, en plus de la lutte la plus rapide contre le rĂ©chauffement climatique et qui lâaccĂ©lĂšre.
[b]Les investissements mondiaux dans la transition Ă©nergĂ©tique ont bondi en 2022 de 31% par rapport Ă lâan dernier, totalisant 1.100 milliards $ (contre 849 milliards en 2021), frĂŽlant dĂ©sormais le montant des investissements dĂ©diĂ©s aux Ă©nergies fossiles, lequel est aussi en hausse.
Graphique de la croissance mondiale des investissements dans la transition énergétique mondiale de 2004 à 2023
A multiplier par plus de 6 pour anticiper les investissements dâici 2040. La production renouvelable mondiale devrait augmenter dâun facteur 6 dâici 2040 et dâun facteur 2 en Europe. La loi de Moore confirme une baisse dâenviron 23% des prix Ă chaque doublement de capacitĂ©s [/b]
De plus nous avons assez de matĂ©riaux pour alimenter le monde via les Ă©nergies renouvelables qui sont les plus rapides Ă dĂ©carboner, les moins coĂ»teuses et les plus sĂ»res (Ă©tude parmi dâautres dâuniversitĂ©s amĂ©ricaines dont le MIT) :
Alors que les énergies renouvelables sont restées le secteur le plus important avec 495 milliards $ (+17% en glissement annuel), les transports électrifiés connaissent une croissance plus rapide, atteignant 466 milliards $ (+54 %)
Les infrastructures de recharge publiques ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun apport de 24 milliards $, tandis que prĂšs de 23 milliards $ ont Ă©tĂ© consacrĂ©s aux vĂ©hicules Ă©lectriques Ă deux et trois roues. Les bus Ă©lectriques ont reçu 15 milliards $, et les vĂ©hicules Ă©lectriques commerciaux tels que les camions ont reçu 8 milliards $.
Aussi, il est important de sâintĂ©resser aux deux plus petits secteurs dâinvestissement. Il sâagit du captage de carbone avec 6,3 milliards $ et de lâhydrogĂšne avec un peu plus dâun milliard $. Ils ont chacun connu une croissance significative ; la somme qui leur a Ă©tĂ© consacrĂ©e en 2022 a largement augmentĂ© par rapport Ă lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, ce qui reflĂšte un intĂ©rĂȘt grandissant pour ces technologies
Graphique des investissements par secteurs
« Les investissements dans les technologies dâĂ©nergie âč propre âș sont sur le point de dĂ©passer les investissements dans les combustibles fossiles, et ne reviendront pas en arriĂšre », commente Albert Cheung, responsable de lâanalyse mondiale chez BloombergNEF. « Ces investissements stimuleront la crĂ©ation dâemplois Ă court terme et contribueront Ă rĂ©pondre aux objectifs de sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique Ă moyen terme »
Les investissements de transition devront toutefois en moyenne atteindre « plus de 3 fois ce niveau, pour le reste de cette dĂ©cennie » pour ĂȘtre en voie dâatteindre la neutralitĂ© carbone en 2050.
BloombergNEF calcule quâil faudra dĂ©penser 4.550 milliards de dollars par an dans la transition Ă©nergĂ©tique et les investissements dans les rĂ©seaux dâici 2030. Mais il en faudra encore bien plus, 7.870 milliards de dollars chaque annĂ©e, dans la dĂ©cennie 2040, presque six fois plus quâen 2022.
Graphique des investissements par technologies et par pays
[b]La Chine est le premier contributeur, reprĂ©sentant quasi la moitiĂ© des investissements mondiaux dans la transition Ă©nergĂ©tique (546 milliards $), suivie par lâUnion europĂ©enne (180 milliards $, dont les trois quarts en Allemagne) et les Ătats-Unis (141 milliards $).
Dans lâUnion europĂ©enne, qui vise en moyenne environ 40% (Commission) Ă 45% (Parlement) dâĂ©nergies renouvelables dâici 2030 (contre 22% actuellement), lâAllemagne a dĂ©boursĂ© 55 milliards $, suivie par la France (29 milliards $), qui prend une place au classement au Royaume-Uni (28 milliards).
En 2022 la production nuclĂ©aire et hydroĂ©lectrique a diminuĂ© de 185 TWh, ce qui Ă©quivaut Ă 7 % de la production totale de lâUE.
Une croissance record de lâĂ©nergie solaire et Ă©olienne a Ă©tĂ© le grand succĂšs de lâUE. La production dâĂ©nergie solaire est celle qui a augmentĂ© le plus rapidement en 2022, avec une croissance de 24 % qui a permis dâĂ©viter 10 milliards dâeuros de coĂ»ts de gaz.
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Les Pays-Bas sont bien en tĂȘte du classement, ayant produit 14 % de leur Ă©lectricitĂ© Ă partir du soleil. Leur politique est bien conçue puisquâils encouragent le solaire rĂ©sidentiel. Ils ont dĂ©passĂ© lâEspagne, naturellement plus ensoleillĂ©e, qui suit dĂ©sormais la GrĂšce, la Hongrie et Chypre dans le classement des cinq premiers pays de lâUE pour la part de lâĂ©nergie solaire dans la production dâĂ©lectricitĂ©.
TĂȘte de file europĂ©enne des Ă©nergies renouvelables, lâAllemagne (avec 46% de consommation dâĂ©nergies renouvelables en 2022), entend Ă©galement avoir une influence internationale. Elle a annoncĂ© ĂȘtre prĂȘte Ă engager un total de 200 millions dâeuros dans la prĂ©servation de lâenvironnement au BrĂ©sil, Amazonie comprise, en marge de la visite Ă Brasilia du chancelier Olaf Scholz, premier dirigeant occidental reçu par le nouveau prĂ©sident Lula. LâAllemagne veut contribuer avec le BrĂ©sil Ă la prĂ©servation des forĂȘts « aprĂšs les annĂ©es difficiles de lâĂšre Bolsonaro ».
La France, mauvaise Ă©lĂšve de lâUE, doit monter en puissance
La France devrait continuer Ă monter en puissance. Pour rĂ©ussir la transition Ă©nergĂ©tique, 60 Ă 70 milliards dâeuros supplĂ©mentaires par an sont nĂ©cessaires, a chiffrĂ© le ministre de lâĂconomie Bruno Le Maire.
Il a appelĂ© les collectivitĂ©s et les acteurs privĂ©s Ă participer Ă lâeffort financier, estimant que « lâĂtat peut en porter une partie mais pas la totalitĂ© » et quâil devait jouer le rĂŽle de « levier de lâinvestissement privĂ©. Câest tout lâobjet du projet de loi que je prĂ©senterai en mai », a indiquĂ© le ministre.
DĂ©but janvier, lors de ses vĆux aux acteurs Ă©conomiques, il avait indiquĂ© vouloir faire de la France « la premiĂšre nation industrielle verte dâEurope », par le biais dâun futur projet de loi accĂ©lĂ©rant la crĂ©ation de nouveaux sites industriels et incitant Ă la dĂ©carbonation.
[b]Cependant la France doit doubler son effort pour réduire ses émissions de carbone si elle veut atteindre ses objectifs en 2030 désormais quasi impossibles à atteindre (33% de renouvelables), ce qui va lui coûter cher en importations de substitution. Son retard correspond notamment à un déficit de 70 TWh / par an dans le seul domaine de la chaleur renouvelable permettant de remplacer entre autres gaz et fuel.
Elle devrait investir de lâordre de 30 milliards dâeuros de plus par an pour atteindre ses objectifs de dĂ©carbonation. LâIDDRI par exemple relĂšve que le coĂ»t de lâinaction sâĂ©lĂšverait Ă 6, voire 9 milliards dâeuros en importation de gaz chaque annĂ©e (au prix moyen du gaz compris entre 100 et 150 euros le MWh), ce Ă quoi il faut ajouter entre autres les coĂ»ts croissants du nuclĂ©aire.[/b]
[b]Mauvaise Ă©lĂšve, elle freine de plus Ă 40% les objectifs de 45% dâĂ©nergies renouvelables globales votĂ©s par le Parlement europĂ©en et de REPowerEU Ă horizon 2030 en rĂ©ponse Ă la guerre en Ukraine, ce qui ne peut ĂȘtre que nuisible en termes industriels, climatique, dâindĂ©pendance Ă©nergĂ©tique et de surcoĂ»ts dâimportation dâĂ©nergies fossiles, dont une partie provient encore indirectement de Russie et lui permet de financer la guerre en Ukraine tout comme dâenrichir des intermĂ©diaires.
De plus la France a Ă©tĂ© la principale importatrice de GNL russe en Europe en 2022. Lâimportation de gaz destinĂ© Ă la production dâĂ©lectricitĂ© a considĂ©rablement augmentĂ© lâan dernier pour compenser un manque de pluie qui a rĂ©duit la production hydroĂ©lectrique et les pannes dans les centrales nuclĂ©aires.[/b]
MalgrĂ© une forte diminution depuis prĂšs dâun an, plus dâun quart des importations de gazole par lâEurope venait toujours de Russie dĂ©but 2023, selon des donnĂ©es de suivi des pĂ©troliers dans le monde analysĂ©es par le spĂ©cialiste S&P Global.
[b]La France qui importait pour quelques 44 milliards dâeuros dâĂ©nergies fossiles en 2021, et qui a peu progressĂ© sur ce plan depuis plusieurs dĂ©cennies, devrait voir cette facture Ă©nergĂ©tique dĂ©passer les 100 milliards dâeuros pour 2022, un quasi quadruplement en deux ans que confirme Nicolas Goldberg, senior manager Ă©nergie chez Columbus Consulting.
Cette facture reprĂ©senterait donc entre 4 et 4,5% du produit intĂ©rieur brut de la France Ă©valuĂ© Ă 2 352 milliards dâeuros pour 2022 selon lâINSEE.
Ce nâest pas rien comme consĂ©quence de mauvais choix de diversification Ă©nergĂ©tique Ă temps, mĂȘme rapportĂ© aux quelques 3.000 milliards dâeuros de dette (113% du PIB) et qui font de la France le pays le plus endettĂ© dâEurope. Une situation dâautant plus prĂ©occupante que, compte tenu de la hausse des taux dâintĂ©rĂȘt, la charge de la dette a bondi, de 35 milliards en 2021 Ă 50 milliards en 2022. Ă cela sâajoute un dĂ©ficit commercial de plus de 160 milliards dâeuros pour 2022. La France est le seul pays de lâUnion europĂ©enne Ă connaĂźtre un solde commercial nĂ©gatif au sein du marchĂ© unique, et le seul qui ne compense pas ce dĂ©ficit par des excĂ©dents hors UE. Et comme on dĂ©tient aussi le record en matiĂšre de dĂ©pense publique et de taux de prĂ©lĂšvements obligatoires, les marges de manĆuvre sont quasi inexistantes (sauf Ă se serrer la ceinture)[/b]
[b]Perspectives 2023
BNEF prĂ©voit que les ajouts de capacitĂ© dâĂ©nergie propre augmenteront dâau moins 18 % en 2023, faisant fi des problĂšmes de chaĂźne dâapprovisionnement et des retards dâinterconnexion pour atteindre un nouveau record historique de plus de 450 GW
[/b]
Les Ă©nergies âč propres âș sont plus compĂ©titives que jamais en termes de coĂ»ts, car les prix des combustibles fossiles restent Ă©levĂ©s et les coĂ»ts des Ă©nergies renouvelables reprennent leur dĂ©clin Ă long terme, avec une baisse de 6,3 % du coĂ»t moyen nivelĂ© mondial de lâĂ©olien terrestre entre le premier et le deuxiĂšme semestre 2022, de 10,2 % pour lâĂ©olien en mer et de 1,7 % pour le photovoltaĂŻque Ă axe fixe. Les contraintes de la chaĂźne dâapprovisionnement sâattĂ©nuent et les prix des principaux intrants sont en baisse. Les ventes de vĂ©hicules Ă©lectriques continuent dâaugmenter et devraient atteindre 13 millions en 2023, contre environ 10 millions en 2022 (davantage si lâon inclut les bus et les vĂ©hicules moyens/lourds).
LâhydrogĂšne âč propre âș sera compĂ©titif en termes de coĂ»ts plus tĂŽt que prĂ©vu, grĂące Ă la hausse des prix des combustibles fossiles.
LâUnion europĂ©enne est parvenue Ă un accord sur le programme Fit for 55, RePowerEU et le mĂ©canisme dâajustement aux frontiĂšres du carbone, prĂ©parant ainsi le terrain pour une dĂ©carbonisation plus rapide dans lâensemble du bloc.
Au plan Ă©nergĂ©tique lâannĂ©e 2023 est en passe de devenir encore plus propre que lâannĂ©e derniĂšre. La production fossile pourrait chuter de 20 % dans lâUE. Il est clair que nous y vivons les derniers jours du charbon et le gaz se dirige encore plus vite vers la sortie. LâinsĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique a catalysĂ© plutĂŽt que fait dĂ©railler la transition Ă©lectrique de lâUnion europĂ©enne.
Ailleurs, le BrĂ©sil a Ă©jectĂ© son prĂ©sident sortant, hostile Ă lâAmazonie, les Australiens ont continuĂ© Ă voter pour une action climatique plus rapide, et lâIndonĂ©sie et le ViĂȘt Nam attirent les financements internationaux avec leurs plans de dĂ©carbonisation accĂ©lĂ©rĂ©e.
[b]Ainsi, si 2023 marque le dĂ©but dâune nouvelle Ăšre dans la transition vers une Ă©conomie Ă faible Ă©mission de carbone, il ne sâagira pas dâune Ăšre caractĂ©risĂ©e par un quelconque ralentissement. Bien au contraire, la transition ne fera que sâaccĂ©lĂ©rer et sâĂ©tendre. Mais cette accĂ©lĂ©ration se fera dans un contexte profondĂ©ment modifiĂ©, caractĂ©risĂ© par 4 nouvelles dynamiques :
- des pays en concurrence,
- une sécurité énergétique à toute épreuve,
- une transition plus transactionnelle
- et lâimpĂ©ratif de livraison[/b]
Ă mesure que lâopportunitĂ© du « zĂ©ro » net se prĂ©cise (le New Energy Outlook BNEF Ă©value lâopportunitĂ© dâinvestissement Ă 194 000 milliards $ dâici Ă 2050), les pays cherchent Ă juste titre des moyens de capter la valeur de la transition vers les Ă©nergies âč propres âș, de lâextraction et du raffinage des matiĂšres premiĂšres au dĂ©veloppement, Ă la fabrication et au dĂ©ploiement des technologies. Les Ătats-Unis, lâUnion europĂ©enne et la Chine se livrent dĂ©sormais une concurrence beaucoup plus explicite pour les emplois, la valeur Ă©conomique, le leadership technologique et la domination de la chaĂźne dâapprovisionnement dans le domaine des Ă©nergies âč propres âș et dâautres technologies, tant pour des raisons Ă©conomiques que de sĂ©curitĂ©. Dâautres pays cherchent Ă©galement Ă obtenir leur part du gĂąteau de cette Ă©conomie, notamment lâInde. Lâaccent mis sur les emplois nationaux entraĂźne des tendances protectionnistes et, de plus en plus, la politique commerciale relative aux technologies et aux produits de base dans le domaine de lâĂ©nergie ne sera plus un sujet de discussion.
Les pays ont essayĂ© diffĂ©rentes approches : de la restriction des exportations de matiĂšres premiĂšres Ă la promotion des investissements nationaux dans le raffinage et la fabrication (IndonĂ©sie), en passant par les barriĂšres Ă lâimportation et les programmes dâappels dâoffres pour allouer des subventions Ă la fabrication de produits solaires (Inde). Mais la loi sur la rĂ©duction de lâinflation est probablement le plus grand exemple. Les subventions proposĂ©es, dont certaines sont explicitement destinĂ©es aux technologies fabriquĂ©es aux Ătats-Unis et dans les pays ayant conclu un « accord de libre-Ă©change », fausseront les rĂšgles du jeu, risquant dâattirer les investissements dâautres marchĂ©s et de mĂ©contenter les partenaires commerciaux.
LâUnion europĂ©enne a dĂ©jĂ fait part de son mĂ©contentement, alors mĂȘme quâelle sâefforce de stimuler les perspectives de son propre secteur manufacturier des Ă©nergies propres ; les Ătats-Unis envisagent dâautoriser les VE importĂ©s Ă bĂ©nĂ©ficier de crĂ©dits dâimpĂŽt aprĂšs que des partenaires commerciaux tels que la CorĂ©e du Sud ont fait part de leurs prĂ©occupations ; la NorvĂšge et lâAustralie ont Ă©mis des objections aux crĂ©dits dâimpĂŽt sur lâhydrogĂšne de lâIRA, qui pourraient fausser tout futur marchĂ© international de lâhydrogĂšne. Pour sa part, le mĂ©canisme dâajustement aux frontiĂšres du carbone de lâUE, qui vise Ă empĂȘcher les fuites de carbone, fait lâobjet de critiques similaires et suscitera des politiques copiĂ©es sur dâautres marchĂ©s.
Le BNEF a Ă©crit par le passĂ© sur lâimportance du libre-Ă©change pour rĂ©duire les obstacles Ă lâadoption de technologies âč propres âș, et certaines des politiques mises en Ćuvre au cours de cette pĂ©riode sâavĂ©reront contre-productives ou augmenteront les coĂ»ts. Par exemple, les analystes BNEF de lâĂ©nergie solaire estiment que le coĂ»t de la mise en place dâune chaĂźne dâapprovisionnement pour la fabrication de panneaux photovoltaĂŻques en Europe ou aux Ătats-Unis, du polysilicium aux modules, serait dâenviron 560 millions $ par gigawatt de capacitĂ© de production annuelle, contre 145 millions $ seulement en Chine.
Mais un monde dans lequel les pays se font concurrence pour tirer profit de la transition Ă©nergĂ©tique pourrait bien ĂȘtre un monde qui se rapproche plus rapidement de lâobjectif « zĂ©ro », malgrĂ© les inefficacitĂ©s qui en dĂ©coulent.
Le nouveau trilemme : la sécurité, une priorité
La volatilitĂ© des marchĂ©s mondiaux de lâĂ©nergie persistera en 2023, et les responsables politiques, en particulier (mais pas seulement) en Europe, passeront une grande partie de lâannĂ©e 2023 Ă essayer de maintenir les coĂ»ts de lâĂ©nergie Ă un niveau bas, tant pour les citoyens que pour les entreprises.
Dans cette nouvelle Ăšre de la transition Ă©nergĂ©tique, câest la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique, et non la durabilitĂ©, qui sera mise en avant. Dans lâancien « trilemme Ă©nergĂ©tique », le caractĂšre abordable et la sĂ©curitĂ© de lâĂ©nergie faisaient partie dâun tout - les combustibles fossiles Ă©taient considĂ©rĂ©s comme fiables et abordables - et câest la durabilitĂ© qui Ă©tait mise en avant.
Aujourdâhui, nous vivons dans un monde oĂč lâĂ©nergie propre est lâoption abordable, et oĂč la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique a un prix plus Ă©levĂ©.
La bonne nouvelle, câest que le dĂ©ploiement de lâĂ©nergie âč propre âș favorise Ă©galement la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique et que la recherche dâune plus grande sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique conduira en fin de compte Ă une transition plus rapide.
Cependant, pour le secteur privĂ©, le tableau est beaucoup plus complexe. La concurrence accrue entre les pays, reprĂ©sente Ă la fois un risque politique important et une opportunitĂ© de faire pression pour obtenir un plus grand soutien de la part des gouvernements rĂ©ceptifs. ParallĂšlement, les diffĂ©rences de prix de lâĂ©nergie entre les rĂ©gions conduiront Ă©galement Ă des dĂ©cisions stratĂ©giques dĂ©licates, notamment pour les entreprises des secteurs Ă forte intensitĂ© Ă©nergĂ©tique. Lâexemple de BASF, qui a rĂ©duit ses activitĂ©s en Europe, en partie Ă cause des coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques Ă©levĂ©s, a dĂ©jĂ attirĂ© lâattention de beaucoup. Northvolt, chouchou de la scĂšne europĂ©enne des batteries, envisage Ă©galement un rééquilibrage vers les Ătats-Unis, Ă la fois en raison des prix Ă©levĂ©s de lâĂ©nergie en Europe et de lâattrait de lâIRA.
Transitions « transactionnelles »
LâĂšre des gains faciles en matiĂšre dâambition climatique internationale, lorsque les pays faisaient la queue pour augmenter leurs objectifs climatiques, est peut-ĂȘtre terminĂ©e pour lâinstant, puisque la plupart des pays dĂ©veloppĂ©s ont mis en place des objectifs ambitieux de rĂ©duction des Ă©missions. Cependant, il reste encore beaucoup dâambition Ă dĂ©bloquer, notamment dans les marchĂ©s Ă©mergents et les Ă©conomies en dĂ©veloppement. La Chine, lâInde et lâIndonĂ©sie dĂ©passent toutes facilement leurs objectifs climatiques pour 2030, mĂȘme si elles ne suivent que la trajectoire la moins coĂ»teuse (largement basĂ© sur le dĂ©ploiement Ă©conomique des Ă©nergies renouvelables et lâadoption des vĂ©hicules Ă©lectriques par les consommateurs). En dâautres termes, ces pays devraient ĂȘtre en mesure dâaccroĂźtre leur ambition climatique sans encourir de coĂ»ts supplĂ©mentaires.
Les Ă©conomies en dĂ©veloppement ont depuis longtemps fait savoir quâun financement international adĂ©quat permettrait de dĂ©bloquer des actions plus importantes, en mettant lâaccent sur la rĂ©alisation de lâobjectif de 100 milliards $ par an pour le financement du climat. Cet objectif doit encore ĂȘtre atteint le plus rapidement possible. En parallĂšle, lâĂ©mergence des partenariats pour la transition Ă©nergĂ©tique semble ĂȘtre une voie efficace pour crĂ©er une dynamique, avec des accords bienvenus jusquâĂ prĂ©sent en Afrique du Sud (8,5 milliards $), en IndonĂ©sie (20 milliards $) et au Vietnam (15,5 milliards $). Chacun de ces partenariats fournira des prĂȘts et des subventions pour accĂ©lĂ©rer la transition vers lâabandon du charbon et la rĂ©alisation des objectifs en matiĂšre dâĂ©nergies renouvelables et de rĂ©duction des Ă©missions.
Mais ces partenariats font Ă©galement planer le spectre dâune approche plus transactionnelle de la transition Ă©nergĂ©tique mondiale dans les annĂ©es Ă venir - un test plus explicite du type « montrez-moi lâargent » Ă passer avant que les Ă©conomies en dĂ©veloppement nâacceptent dâaller plus vite. MĂȘme si nous cĂ©lĂ©brons Ă juste titre ces nouveaux partenariats, il est important de se rappeler que les accords pays par pays ne nous permettront pas Ă eux seuls dâatteindre nos objectifs climatiques Ă temps. Ils doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un complĂ©ment aux efforts permanents dĂ©ployĂ©s par les secteurs, les entreprises et, bien sĂ»r, les pays, pour réévaluer sans cesse ce qui est possible et revoir leurs objectifs Ă la hausse.
LâimpĂ©ratif de livraison
Avant tout, la nouvelle Ăšre de la transition Ă©nergĂ©tique doit ĂȘtre et sera axĂ©e sur une mise en Ćuvre rapide. Il y a un an, lâinvestissement total dans la transition Ă©nergĂ©tique mondiale avait atteint 0,75 trillion de dollars en 2021 et il devait passer Ă environ 4 trillions de dollars par an au cours de cette dĂ©cennie. Le total de 2022 aura Ă©tĂ© une Ă©norme augmentation par rapport Ă 2021 mais ne sera pas encore proche du niveau requis.
[b]La transition va sâaccĂ©lĂ©rer. Le capital est lĂ (bien quâil soit plus cher quâauparavant), et les dĂ©cideurs politiques dĂ©laissent la vision et les objectifs pour se concentrer sur lâexĂ©cution et la livraison. Les signes sont bons pour 2023 et au-delĂ .
La mise en Ćuvre de lâIRA et de lâInfrastructure Act commence dĂ©jĂ Ă stimuler les investissements aux Ătats-Unis. Le Canada introduit ses propres crĂ©dits dâimpĂŽt pour les technologies dâĂ©nergie propre. Les fonctionnaires indonĂ©siens sâaffairent Ă la mise en Ćuvre du JETP. Le Conseil europĂ©en a adoptĂ© des rĂšgles pour accĂ©lĂ©rer lâoctroi de permis pour les Ă©nergies renouvelables, un goulot dâĂ©tranglement critique. [/b]
Les objectifs en matiĂšre de vĂ©hicules Ă Ă©mission zĂ©ro couvrent dĂ©sormais 40 % du marchĂ© mondial de lâautomobile
Ce quâil faut maintenant, câest un effort constant pour Ă©liminer les obstacles Ă la transition, et la mise en Ćuvre de politiques pragmatiques permettant dâatteindre les objectifs que nous avons fixĂ©s. Une plus grande concurrence entre les pays pourrait en effet y contribuer : câest le signe que les pays perçoivent plus clairement que jamais les possibilitĂ©s offertes par la transition Ă©nergĂ©tique et quâils se prĂ©parent Ă prendre leur part du gĂąteau.
[b]Il a Ă©tĂ© dit quâil faudrait quelque chose dâanalogue Ă une mobilisation en temps de guerre pour rĂ©ussir Ă lutter contre le changement climatique. Câest peut-ĂȘtre ce Ă quoi nous commençons Ă assister.
Rapport BNEF complet :[/b]
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