DNCA : Le mot de conjoncture
Paris, le 7 octobre 2011
Madame, Monsieur,
Vous trouverez quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion quâil a semblĂ© opportun de vous soumettre sur lâenvironnement dans lequel nous Ă©voluons actuellement.
Le ralentissement de la croissance est dĂ©sormais certain car toutes les Ă©conomies sont, y compris en Chine, confrontĂ©es aux bulles dâendettement
Pris dans un engrenage diabolique - crise de la dette publique conduisant Ă une crise financiĂšre, qui dĂ©gĂ©nĂšre en crise Ă©conomique - les marchĂ©s sâaffolent Ă lâidĂ©e dâun retour possible de la rĂ©cession. Certes, si les derniĂšres prĂ©visions dessinent de plus en plus nettement un scĂ©nario de fort ralentissement conjoncturel, la brutale cassure dâactivitĂ©s vĂ©cue aprĂšs la faillite de la Banque Lehman ne paraĂźt pas, Ă ce stade, ĂȘtre lâhypothĂšse dominante pour lâĂ©conomie rĂ©elle. Ainsi, la croissance mondiale est toujours attendue Ă au moins 3% cette annĂ©e contre une anticipation supĂ©rieure Ă 4% en dĂ©but dâannĂ©e. Ce chiffre masque cependant de grandes disparitĂ©s dans les zones. LâEurope et les Etats-Unis devraient connaĂźtre des croissances de PIB proches de 1-1,5% pendant que les pays Ă©mergents afficheront toujours des progressions proches de 9%. Les politiques monĂ©taires du monde entier devraient continuer de soutenir ce fragile chemin de croissance et tenter pour les pays Ă©mergents de juguler une inflation devenue difficilement contrĂŽlable.
Le mouvement de dĂ©sendettement global des Ă©conomies, commencĂ© en 2009, est entrĂ© dans une nouvelle phase critique depuis lâannonce du plan de sauvetage de la GrĂšce. Si lâEurope est dĂ©jĂ sous le feu des projecteurs depuis mai 2010 et les Etats-Unis depuis lâĂ©pisode tragique du relĂšvement du seuil du plafonnement de la dette publique en juillet, ce sont dĂ©sormais les pays Ă©mergents qui inquiĂštent. Ainsi, en Chine, les plateformes de financement locales porteraient aujourdâhui 1 250 Md⏠de dettes garanties implicitement par lâEtat, soit plus dâun tiers des rĂ©serves de change chinoises. Par ailleurs, la bulle immobiliĂšre chinoise menace une Ă©conomie qui continue de croĂźtre Ă une vive allure avec une inflation proche de 6%. Au BrĂ©sil, la Banque Centrale, inquiĂšte du ralentissement, a dĂ©jĂ baissĂ© son taux de 50 points de base Ă 12%. LâInde est, quant Ă elle, toujours confrontĂ©e Ă la problĂ©matique de lâinflation alimentaire. La baisse rĂ©cente du prix des matiĂšres premiĂšres nâest aujourdâhui pas encore suffisante pour attĂ©nuer les pressions inflationnistes dans ces pays Ă©mergents qui bĂ©nĂ©ficient heureusement encore pour le monde dĂ©veloppĂ© dâune bonne trajectoire de croissance Ă©conomique.
Les obligations dâentreprise sur des maturitĂ©s courtes demeurent les placements Ă privilĂ©gier
Dans une crise dâendettement gĂ©nĂ©ralisĂ©, les marchĂ©s obligataires se retrouvent naturellement dans une situation de dislocation affichant des paradoxes de valorisation historiques. Dâun cĂŽtĂ©, les Etats surendettĂ©s voient leur taux sâenvoler comme en Espagne et en Italie. De lâautre, des Etats, pourtant aussi confrontĂ©s Ă lâendettement et au dĂ©ficit budgĂ©taire structurels (les Etats-Unis) ou dâautres appelĂ©s Ă renflouer leurs voisins impĂ©cunieux (lâAllemagne, la France) peuvent actuellement financer leurs dĂ©ficits Ă des taux trĂšs bas. Au pire de la crise, les taux allemands Ă 2 et 10 ans ont ainsi atteint les niveaux historiques de 0,4% et 1,7%. Avec une anticipation dâinflation Ă 2%, ces placements procurent un rendement rĂ©el nĂ©gatif, un coĂ»t que certains investisseurs acceptent de payer pour une apparente « sĂ©curitĂ© ».
Le marchĂ© primaire du crĂ©dit continue de fonctionner au ralenti Ă lâavantage des entreprises disposant des meilleures signatures. Danone a ainsi pu lancer avec succĂšs une Ă©mission Ă 5 ans au taux de 2,6% et Sanofi a empruntĂ© en dollar Ă 1,20% sur une Ă©chĂ©ance 2014. A lâinverse, le marchĂ© est restĂ© fermĂ© au secteur financier considĂ©rĂ© comme menacĂ© par lâaggravation de la crise des dettes souveraines. Dans la catĂ©gorie des entreprises moins bien notĂ©es, Peugeot est lâun des rares Ă©metteurs Ă avoir rĂ©alisĂ© une opĂ©ration depuis la fin du mois de juin (7% de rendement pour une durĂ©e de 4 ans et demi). La catĂ©gorie high yield offre des rendements attractifs aprĂšs la forte correction subie au mois dâaoĂ»t (ex : Heidelbergcement Ă 9,5% sur une maturitĂ© 2018). Lâincertitude sur lâĂ©volution de la courbe des taux dans un contexte de cycle Ă©conomique dĂ©primĂ© milite pour des investissements obligataires concentrĂ©s sur des maturitĂ©s courtes et des couples rendement-risque Ă©quilibrĂ©s.
Les marchĂ©s actions demeurent la classe dâactifs risquĂ©s affichant la plus forte dĂ©cote notamment en Europe
Dans un contexte de panique gĂ©nĂ©ralisĂ©e, lâappel Ă lâinvestissement dans des actifs risquĂ©s devient inaudible. Pourtant, ce sont les phases de volatilitĂ© extrĂȘmes et la fuite vers les actifs prĂ©tendus, Ă tort parfois, comme des refuges, qui crĂ©ent les conditions dâun investissement rĂ©munĂ©rateur Ă moyen terme sur des classes dâactifs comme les actions. Pour les investisseurs, il apparait aujourdâhui plus rassurant dâinvestir dans lâor, lâimmobilier et les obligations souveraines allemande et amĂ©ricaine ou de laisser leurs avoirs en trĂ©sorerie dans les banques, dont ils redoutent pourtant la faillite. La leçon de la perte sĂšche et immĂ©diate de 10% sur le taux de change du franc suisse contre lâ⏠nâa pas encore Ă©tĂ© retenue. Elle pourrait se renouveler toutefois sur lâor dont le cours est dĂ©jĂ passĂ© de 1900$ Ă 1 600$ en quelques semaines aprĂšs avoir Ă©tĂ© multipliĂ© par 6 depuis 2000.
MĂȘme si la rĂ©cession est un scĂ©nario quâon ne peut plus totalement exclure dans les pays dĂ©veloppĂ©s, la valorisation des actions affiche un niveau en absolu et en relatif faible notamment en Europe (PE 2011 proche de 8,5x). Sâil est indĂ©niable que des risques existent sur la croissance et sur la situation budgĂ©taire des pays europĂ©ens notamment, les actifs dits « de refuge » seront les premiers Ă souffrir dâune dĂ©cision politique majeure sur la question de lâendettement en Europe et sur celle du sauvetage du systĂšme bancaire europĂ©en. Lâentreprise bien gĂ©rĂ©e et bien capitalisĂ©e reprĂ©sente Ă nos yeux le vĂ©ritable monde souverain puisquâelle assure, sur la base dâactifs tangibles et comprĂ©hensibles, un niveau de dividendes Ă©levĂ©, parfois supĂ©rieur Ă 7% comme le secteur des tĂ©lĂ©coms. Les secteurs de la pharmacie et du pĂ©trole offrent Ă©galement des dividendes attractifs qui permettent dâattendre des jours meilleurs sur les marchĂ©s. Par ailleurs, la baisse de lââŹ, surĂ©valuĂ© par rapport aux problĂšmes intrinsĂšques de la zone monĂ©taire europĂ©enne, devrait redonner une compĂ©titivitĂ© aux entreprises europĂ©ennes exportatrices.
Aux cours actuels, les marchĂ©s actions, notamment europĂ©ens, anticipent dĂ©jĂ une aggravation de la crise et une baisse des bĂ©nĂ©fices de lâordre de 20% en 2012. Si le pire nâest pas certain, il est dĂ©jĂ en partie dans les cours. La chute boursiĂšre des grandes valeurs europĂ©ennes sâavĂšre en rĂ©alitĂ© une mauvaise rĂ©ponse Ă un vrai problĂšme. Ces entreprises souvent plus prĂ©sentes hors dâEurope quâen Europe sont pĂ©nalisĂ©es par la localisation gĂ©ographique de leurs centres de dĂ©cision et leur lieu de cotation. GlobalisĂ©es, bien gĂ©rĂ©es, bien capitalisĂ©es, versant des dividendes Ă©levĂ©s, elles constituent la vraie richesse de nos Ă©conomies et les seuls actifs tangibles Ă prix rĂ©ellement dĂ©cotĂ©s Ă ce jour.
Nous restons Ă votre disposition pour tout complĂ©ment dâinformations.
Dans lâattente de vous retrouver lors de nos prochaines rĂ©unions, nous vous prions dâagrĂ©er, Madame, Monsieur, lâexpression de notre meilleure considĂ©ration.
LâĂ©quipe DNCA Finance