Un point sur le fonds long/short de Sycomore avec son gérant : Gilles Sitbon…
Publié le 17 Avril 2018
Gilles Sitbon gère Sycomore L/S Opportunities depuis plus de 7 ans. Avec son franc-parler, ce gérant franco-américain revient sur sa stratégie d’investissement.
Gilles Sitbon, gérant du fonds Sycomore Long/Short Opportunities
H24 : Sycomore L/S Opportunities n’est pas le seul fonds long/short sur la place, qu’est-ce qui le différencie des autres ?
Gilles Sitbon : Il s’agit d’un fonds long/short flexible directionnel, style de gestion plus généralement répandu dans les pays anglo-saxons, à l’inverse des fonds dits « market neutres » qui, comme leur nom l’indique, ne s’exposent pas au marché. Le fonds adopte une gestion pragmatique et peut être qualifié de flexible, étant plus investi quand des opportunités à l’achat ou à la vente se présentent, ou a contrario plus liquide si la configuration de marché ne s’y prête pas.
Sycomore L/S Opportunities est également éligible au PEA. Nous avons toutefois la possibilité d’investir de façon opportuniste en dehors d’Europe, dans une optique de diversification, notamment aux Etats-Unis, marché que je connais bien pour y avoir vécu pendant 15 ans.
H24 : Comment sélectionnez-vous les valeurs ?
Gilles Sitbon : Nous accordons de l’importance à deux facteurs-clés. D’une part, le ratio risk/reward, soit le rapport entre le gain espéré et le risque de perte, qui va déterminer le choix des valeurs et leur poids en portefeuille. D’autre part, le niveau de décote d’un titre, dès lors qu’il est justifié, qu’il tient compte de l’environnement et que la société offre des leviers de croissance par ailleurs.
Nous observons aujourd’hui des exagérations de tendances générées par des gestions de plus en plus quantitatives. C’est pourquoi, il est important d’avoir en tête une cartographie très claire du news flow et de le suivre de près pour acheter ou « shorter » un titre. Pour confirmer une position, nous devons avoir identifié plusieurs catalyseurs, le plus classique étant la publication des résultats. Mais il peut également s’agir d’une opération de fusion/acquisition, de problèmes comptables…
H24 : Votre fonds est-il exposé au marché ?
Gilles Sitbon : L’exposition nette résiduelle aux actions entre les positions longues (à l’achat) et les positions short (à la vente) s’élève à 52% fin mars.
Néanmoins, retraitée du bêta (soit des valeurs qui ont un bêta plutôt faible telles que les défensives du type télécoms et consommation), l’exposition se situe aux alentours de 30%.
H24 : Quelles thématiques privilégiez-vous ?
Gilles Sitbon : Les marchés fluctuent, privilégiant tantôt les small caps tantôt les large caps, la value au détriment des valeurs de croissance, les exportateurs au profit des domestiques… C’est pourquoi le portefeuille n’affiche aucun biais de taille de capitalisation, de pays, de secteur ou encore de style.
Trois profils de valeurs, équilibrés dans le temps, se côtoient historiquement dans le portefeuille : une poche « gagnants structurels », peu sensible à la conjoncture et dotée de leaders dans leur secteur, une poche composée de valeurs bénéficiant d’un redressement cyclique et que certains pourraient qualifier de « value », et, enfin, une poche « situations spéciales » avec des cas d’investissement décorrélés de la macroéconomie, sortie de sauvegarde ou spin-off par exemple.
Nous estimons que l’équilibre entre ces poches nous protège des effets de mode sur les marchés.
H24 : Comment gérez-vous la liquidité du fonds ?
Gilles Sitbon : Depuis que je gère le fonds, j’ai toujours eu à cœur d’avoir un sous-jacent très liquide. Aujourd’hui, à peu près 85 % du fonds peuvent se vendre en un jour et 95 % sous une semaine.
Je me souviens qu’en octobre 2008 et mars 2009, nombre de fonds aux Etats-Unis ont mis la clé sous la porte parce qu’ils n’avaient pas su honorer ces engagements de liquidités.
H24 : Pouvez-vous nous citer quelques titres que vous avez en portefeuille ?
Gilles Sitbon : Notre plus forte conviction, Mediawan, est une plateforme indépendante de contenus audiovisuels qui souhaite figurer parmi les leaders européens. Aujourd’hui, les plus grandes entreprises mondiales, hormis Vivendi, sont toutes installées aux États-Unis et en Asie.
Nous avons également une grosse position dans ALD, spécialisée dans le leasing de véhicules pour toutes les tailles de flotte. Cette filiale de la Société Générale a été pénalisée par ce qu’il se passe sur le diesel, mais c’est une belle société de croissance qui capitalise sur les nouveaux usages de consommation : les conducteurs privilégient désormais la location longue durée à l’achat.
Je peux aussi citer Nomad Foods, une société qui, bien que cotée aux Etats-Unis, a tous ses actifs en Europe. Elle possède les marques Iglo et Findus. Il s’agit d’un cas de retournement qui pourrait aujourd’hui bénéficier de la consolidation du marché du surgelé.
H24 : Quelle direction devrait prendre votre fonds ?
Gilles Sitbon : Même si nous restons à l’écoute des annonces des banques centrales et de Trump, nous sommes avant tout des gérants de conviction. Ceci dit, la conjoncture pour les sociétés est clairement à la reprise et devrait l’emporter sur les craintes d’un retour à l’inflation qui n’est rien d’autre que le reflet de l’amélioration de la santé des entreprises. Si, toutefois, la guerre commerciale affecte le schéma de libre-échange qui prévaut aujourd’hui, nous pourrions assister à une hausse des taux plus importante, se traduisant par un regain de prudence sur les marchés.
Grâce à sa flexibilité et à son opportunisme, Sycomore L/S Opportunities a dégagé une performance régulière et démontré sa résistance dans les phases de baisse. Dans ces marchés incertains, un fonds long short constitue une solution d’investissement adéquate permettant à un investisseur de se désensibiliser au marché actions et ainsi réduire son niveau de risque tout en conservant une réactivité importante.