Succession : gâtez vos héritiers plutôt que le fisc ! (1/2 : transmettez plus à vos enfants)

Succession : gâtez vos héritiers plutôt que le fisc ! (1/2 : transmettez plus à vos enfants)

Ne laissez pas la loi décider à votre place de la transmission de vos biens. Différentes solutions, simples à mettre en place, vous permettront de favoriser vos proches le moment venu. Premier volet consacré aux enfants.

Sous réserve des droits de votre conjoint survivant, vos enfants hériteront de l’intégralité de votre succession, et ils excluront tous les autres membres de votre famille. En outre, ils auront droit à une part minimale de votre patrimoine, appelée la réserve héréditaire, dont vous ne pouvez pas les priver. Elle est égale à la moitié de vos biens si vous avez un enfant, aux deux tiers si vous en avez deux, et aux trois quarts si vous en avez trois ou plus. Ils seront donc à la fois prioritaires et privilégiés pour recueillir votre héritage.
Le hic : ils devront payer des droits de succession élevés si vous vous êtes constitué un patrimoine important. Au-delà de l’abattement de 100 000 euros, ils seront soumis à un barème progressif dont le taux atteindra rapidement 20 %, et grimpera jusqu’à 45 % si vous êtes fortuné. Voici ce que vous pouvez faire.

1-Additionnez les exonérations

Anticiper est une solution très efficace pour transmettre une part plus importante de votre patrimoine à votre progéniture et moins à l’Etat. Pourquoi ? Parce que les donations bénéficient de la même fiscalité que les successions. En d’autres termes, chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 euros à chacun de ses enfants en franchise d’impôt, et jusqu’à 259 325 euros à un enfant handicapé. Mieux, ces abattements se reconstituent tous les quinze ans et, à votre décès, seules les donations que vous leur aurez consenties au cours des quinze dernières années seront prises en compte pour calculer leurs droits de succession. Ainsi, si votre dernière donation remonte à plus de quinze ans, ils bénéficieront à nouveau de 100 000 euros d’abattement sur leur héritage.

Cas pratique. Vous êtes célibataire, avec deux enfants et vous disposez d’un patrimoine d’un million d’euros. Par défaut, chacun de vos enfants paiera 78 194 euros de droits de succession sur ses 500 000 euros d’héritage. En revanche, si vous leur donnez 100 000 euros à 50 ans, 100 000 euros de plus à 65 ans et que vous décédez après 80 ans, ils ne paieront que 38 194 euros. Ils auront profité trois fois de l’abattement applicable aux transmissions entre parent et enfant, au lieu d’une seule fois. Au final, vous aurez transmis 40 000 euros de plus à chacun et 80 000 euros de moins au fisc.
Vous pouvez aller au-delà grâce au don familial en espèces. Les dons d’argent octroyés à vos enfants majeurs (ou mineurs émancipés) avant vos 80 ans sont, en effet, exonérés de droits dans la limite de 31 865 euros. Or, cette exonération n’entame pas l’abattement de 100 000 euros attaché aux transmissions entre parent et enfant, et elle est aussi renouvelable tous les quinze ans (à compter de la révélation du don au fisc). Intérêt supplémentaire : vos dons d’argent exonérés ne seront pas réintégrés dans votre succession, même ceux faits depuis moins de quinze ans, ce qui réduira les droits de succession de vos enfants.

2-Donnez à vos conditions

Si vous voulez anticiper la transmission de votre patrimoine sans vous démunir, vous pouvez envisager une donation avec réserve d’usufruit. Autrement dit, donner uniquement la nue-propriété de vos biens à vos enfants et en conserver l’usufruit. Vous garderez ainsi la mainmise sur votre patrimoine votre vie durant. L’opération sera aussi fiscalement avantageuse, à double titre : les droits de donation dus par vos enfants seront réduits, car calculés sur la valeur de la nue-propriété transmise, laquelle sera nécessairement plus faible que la valeur de la pleine propriété des biens (plus vous donnez jeune et plus elle est faible) ; votre usufruit s’éteindra à votre décès et vos enfants deviendront alors pleinement propriétaires des biens sans frais ni impôts.
Vous pouvez aussi prévoir des clauses dans l’acte de donation signé chez le notaire. L’intérêt ? Limiter le caractère irrévocable ou poser vos conditions. Une clause d’interdiction d’aliéner couplée à une clause de retour conventionnel, par exemple, vous permettront de récupérer sans frais ni impôts les biens donnés à un enfant s’il décède avant vous sans laisser de descendants. Si la donation porte sur une somme d’argent, vous pouvez insérer une clause l’obligeant à employer les fonds reçus pour un usage précis (l’achat de son premier logement, par exemple). Une donation avec charges vous permettra, quant à elle, de lui imposer certaines obligations (organiser vos obsèques, par exemple).
Pour limiter les risques de conflits entre vos enfants, la donation-partage est une bonne option, car la valeur des biens transmis à chacun sera alors figée au jour de la donation. Au contraire, si vous leur consentez des donations isolées, ceux qui ont reçu des biens qui ont pris de la valeur devront déclarer la plus-value qu’ils ont réalisée lors de l’ouverture de votre succession, ce qui pourra générer des tensions avec leurs frères et sœurs. Vous pouvez aussi opter pour une donation-partage dite conjonctive si vous voulez transmettre des biens à la fois à vos enfants et à ceux de votre conjoint, ou pour une donation-partage transgénérationnelle pour transmettre sur deux générations, à vos enfants et à vos petits-enfants. Vous réaliserez alors une bonne affaire fiscale, car vos beaux-enfants seront censés avoir reçu les biens de leur parent et non de vous, et ceux donnés à vos petits-enfants ne seront taxés qu’une fois (alors qu’ils le seront deux fois si vous les donnez d’abord à vos enfants).

3-Préparez l’avenir d’un enfant vulnérable

En principe, une donation faite à votre enfant constitue une simple avance sur son héritage. A votre décès, elle réduira d’autant les biens à lui transmettre, afin que l’équilibre avec ses frères et sœurs soit respecté. Mais vous pouvez en décider autrement en lui consentant une donation « hors part successorale », c’est-à-dire qui s’ajoutera à sa part d’héritage. Une telle libéralité est parfaitement valable dès lors qu’elle ne dépasse votre quotité disponible.
Cette technique est souvent utilisée pour avantager un enfant handicapé, mais il en existe d’autres qui permettent de le protéger sans rompre l’équilibre avec vos autres enfants. Vous pouvez, par exemple, lui donner l’usufruit d’un bien et en donner la nue-propriété à ses frères et sœurs. Là encore, le démembrement de propriété permettra de réduire le coût de la donation. Surtout, il pourra utiliser le bien reçu ou en tirer des revenus, et à son décès, ses frères et sœurs en deviendront propriétaires sans rien avoir à payer au fisc. Autre solution : vous pouvez lui consentir une donation graduelle, qui l’obligera à conserver les biens reçus afin qu’ils reviennent à ses frères et sœurs (ou à leurs enfants) à son décès. Ces derniers seront alors censés avoir reçu ces biens directement de vous, et ils profiteront du tarif des droits applicable entre parent et enfant, plus favorable que le tarif entre frères et sœurs. De plus, les droits payés par votre enfant handicapé viendront en déduction des leurs, et ils ne règleront que la différence.

Cas pratique. Vous avez deux enfants, Pierre et Paul, et vous faites une donation graduelle d’un logement de 300 000 euros à Pierre, à charge pour lui de le transmettre à Paul à son décès. Pierre doit payer 38 194 euros de droits de donation. A son décès, si le bien vaut 400 000 euros, Paul devra régler 58 194 euros mais pourra déduire les droits payés par Pierre. Il ne devra alors au fisc que 20 000 euros. Sans la donation graduelle, il devrait payer 170 388 euros de droits au décès de Pierre. Le gain est considérable et s’élève à 150 388 euros. Au final, sans donation graduelle, vos héritiers auraient payé 38 194 euros + 170 388 euros (208 582 euros), contre 58 194 euros.