Pourquoi faut-il diversifier son patrimoine?

Pourquoi faut-il diversifier son patrimoine ?

Actions, immobilier, non-coté… Investir n’est pas nécessairement risqué, à condition d’avoir du temps.
AURÉLIEN FERRON

PLACEMENT Plus les rendements des placements baissent, plus les épargnants mettent d’argent de côté. Un peu comme si un effort d’épargne pouvait compenser et leur permettre de gagner autant qu’avant. Alors qu’il est question que le taux du livret A baisse de 0,75 % à 0,50 % au 1er février prochain, les Français continuent à y amasser 1 à 2 milliards d’euros de plus chaque mois. C’est aussi 8 à 10 milliards qui viennent s’accumuler mensuellement sur les fonds en euros des contrats d’assurance-vie. Des placements pourtant presque sans intérêt, une fois l’inflation déduite. Sans parler des 576 milliards d’euros qui dorment sur les comptes courants.

Tétanisés par la prise de risque, les épargnants semblent persuadés qu’il n’y a rien à faire. Mais ils bénéficient de circonstances atténuantes. « Avec un Etat-providence qui s’occupait de l’essentiel et ce placement miracle qu’était le fonds en euros, à la fois garanti, liquide et performant, les Français n’avaient jusqu’à présent aucune raison de se préoccuper du long terme. Mais les temps ont changé », prévient Olivier Mariée, directeur commercial d’Axa France. Les enjeux ne sont pas anodins. Il s’agit à la fois de disposer de revenus suffisants à la retraite et d’être en mesure de faire face à une situation de dépendance. « À ne rien faire, les épargnants négligent aussi ce que les économistes appellent le coût d’opportunité, à savoir la perte occasionnée par un placement que l’on n’a pas fait », ajoute Guillaume Piard, à la tête de Nalo, une fintech gérant une assurance-vie en ligne.

La solution ne plaît pas à tout le monde : accepter de ne pas investir dans des placements 100 % sécurisés et renoncer à une liquidité permanente. « Personne ne peut dire quand aura lieu le prochain krach boursier, la remontée des taux ou la baisse des prix de l’immobilier, relève Bertrand Tourmente, fondateur du cabinet Althos Patrimoine. Pour éteindre le risque, la seule réponse possible est la diversification. » Pour sa clientèle fortunée, ce dernier conseille de répartir son patrimoine financier à parts égales dans un fonds en euros (en tant que « support d’attente, avant de saisir d’autres opportunités »), en pierre papier acquise à crédit (parts de SCPI, OPCI ou SCI, lire p. 34), en entreprises non cotées en Bourse et en actions cotées de valeurs de croissance.

Gardez une épargne de précaution
Autant d’actifs dont les cycles économiques sont distincts et qui vont évoluer différemment au fil des ans. C’est de cette « décorrélation » entre différentes classes d’actifs que provient l’intérêt de la diversification, à savoir une diminution de la prise de risque pour une espérance de gain identique. Une notion qui trouve son origine dans la théorie moderne du portefeuille développée par Harry Markowitz, Prix Nobel d’économie en 1990.

Mais attention, car les écueils sont nombreux. Il est indispensable de conserver une épargne de précaution (autour de 6 mois de revenus) et de fuir les marchés financiers en cas de besoin certain d’argent sous un à deux ans. La prise de risque doit être modulée en fonction de son horizon de placement (lire nos solutions p. 30). Il faut également procéder à une véritable diversification. Il aurait été dommage de ne pas avoir profité de l’âge d’or des obligations d’État (+ 5,8 % par an sur la période 1982-2014) ou du boom immobilier des années 2000. De même, les investisseurs en actions ne peuvent que se réjouir de l’évolution des cours de Bourse sur les dix dernières années.

La diversification doit aussi jouer à l’intérieur même des classes d’actifs. « Tout miser sur le CAC 40 est une très mauvaise solution, argumente Guillaume Piard, de Nalo. Non seulement l’indice ne suit que des actions françaises, mais en plus elles ne sont que 40. » Pour lui, un portefeuille diversifié doit comporter plusieurs milliers d’actions, partout dans le monde. Car tout le monde ne s’enrhume pas quand Wall Street éternue. Depuis 1950, les actions des pays émergents ont grimpé de 1 point de plus par an que celles des pays développés. Lors de la reprise qui a suivi l’explosion de la bulle internet, de 2002 à 2007, les actions européennes se sont envolées de 130 %, contre 40 % pour les américaines. À l’inverse, sur l’année 2011, en pleine turbulence sur les dettes européennes, les actions américaines sont restées stables, quand celles de la zone euro ont chuté de 15 %. Un principe de diversification à appliquer sur toutes les classes d’actifs. Les SCPI (sociétés civiles de placement immobilier) investies en immobilier d’entreprise dépendent largement de la croissance économique alors que celles privilégiant les commerces sont davantage liées à l’évolution du pouvoir d’achat. Et même s’il s’agit d’un placement d’apparence sécuritaire, elles ne sont pas à l’abri d’une forte remontée des taux d’intérêt, qui se traduirait par une baisse de leur valorisation. Diversifiez, on vous dit !

Le Figaro - mercredi 20 novembre 2019