Les assureurs placent Bercy face à ses responsabilités

Les assureurs placent Bercy face à ses responsabilités
Ecrit par
Geraldine VIAL

Journaliste
Ses 3 derniers articles
12/10 | 01:00
Fiscalité : les assureurs interpellent Bercy
08/10 | 01:00
Le nouveau DG d’AXA France prêt à négocier avec les agents
08/10 | 01:00
Paul Le Bihan Le passeur de Maif-Macif-Matmut
Tous ses articlesMis à contribution pour aider le gouvernement à boucler son budget 2011, les assureurs ont jusqu’ici plutôt joué le jeu. Non sans déplorer la multiplication des taxes à leur encontre. Mais, à la veille des discussions parlementaires sur le projet de loi de Finances (PLF), la politique de riposte graduée semble être montée d’un cran. Et le ton avec.

Dans une lettre rédigée sous la bannière de l’Association française de l’assurance (AFA) et dont « Les Echos » se sont procuré une copie, Bernard Spitz, président de la FFSA, et Gérard Andreck, président du Gema, ont prévenu vendredi les ministres Christine Lagarde et François Baroin des « graves répercussions au plan prudentiel » des mesures fiscales prévues sur la réserve de capitalisation.

Le gouvernement prévoit, primo, d’instaurer une « exit tax » de 10 % sur le stock de réserve de capitalisation au 1 er janvier 2010 - soit une ponction de 1,7 milliard d’euros sur les fonds propres des organismes d’assurances. Et, secundo, de soumettre au taux d’impôt sur les sociétés de 34 % les dotations effectuées sur la réserve depuis le 1 er janvier 2010, ce qui revient à taxer les plus-values de cession obligataire. Recette attendue : 200 millions d’euros par an.

Instrument contracyclique
De quoi tuer cette réserve à mi-chemin entre provisions techniques (qui représentent les engagements envers les assurés) et fonds propres (auxquels elle s’apparente comptablement). Alimentée par les plus-values de cession sur obligations, la réserve de capitalisation représente en moyenne 20 % des fonds propres des assureurs. Et elle joue un rôle contracyclique important, « en lissant les fluctuations de taux obligataire dans l’intérêt des assurés », rappelle l’AFA.

Sur le premier point, l’« exit tax », les assureurs ont plus ou moins fait leur deuil, sous réserve d’une modification du régime permettant à la réserve de capitalisation d’être « pleinement reconnue en tant que fonds propres « core » Tier-1 sous le futur régime Solvabilité II ». Ils ne digèrent en revanche pas le second, qui remet sensiblement en cause leur gestion financière, et, partant, leur équilibre prudentiel.

De façon intéressante, cette salve est lancée avec la bénédiction implicite de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP). « La fiscalisation envisagée des plus-values obligataires, couplée au maintien de l’obligation de les doter intégralement à la réserve de capitalisation, dissuaderait les assureurs de vendre leurs obligations en plus-values sous peine d’enregistrer une perte comptable », aurait prévenu le superviseur. Autrement dit, taxer à 34 % les plus-values obligataires ne rapportera rien à l’Etat, car les assureurs, là, ne joueront pas le jeu. Conclusion de l’AFA : « Il est indispensable que soit maintenu le régime fiscal actuel. »

Bref, si « le budgétaire a vocation à l’emporter sur le prudentiel », alors les assureurs veulent mettre Bercy face à ses responsabilités. « Purger le système tous les quinze ou vingt ans, pourquoi pas ? Mais le torpiller, c’est prendre un énorme risque politique : si, dans deux ans, une compagnie connaît des difficultés, on ne ratera pas les auteurs du dispositif », résume un professionnel.

GÉRALDINE VIAL, Les Echos