Le marché de l'immobilier résidentiel

Le marché de l’immobilier résidentiel est entré dans une nouvelle ère. La chute des ventes de logements anciens freine les prix, surtout en Ile-de-France. La province résiste encore un peu, provisoirement.

Les derniers indices des notaires établis avec l’Insee, publiés le 30 mai, indiquent qu’au premier trimestre 2023, les prix des logements anciens en France baissent pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2015 en moyenne nationale, avec un repli de 0,2% sur trois mois.
La chute des ventes joue un rôle déterminant dans ce recul des prix de l’ancien. Au premier trimestre 2023, le volume annuel de transactions a en effet continué de décroître. Fin mars, le nombre de ventes de logements anciens réalisées au cours des douze derniers mois est estimé par les notaires de France à 1.069.000, après 1.115.000 fin décembre 2022.

L’environnement s’est tendu

La tendance baissière se manifeste désormais dans toutes les régions. Du fait de la hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers depuis plus d’un an, «l’environnement s’est profondément transformé et tendu au cours des derniers mois », reconnaît Elodie Frémont, notaire à Paris, porte parole de la Chambre des notaires du Grand Paris, qui constatent dans leur région une chute très sensible des ventes en 2023.
En Île-de-France, les prix moyens des logements anciens baissent pour le deuxième trimestre consécutif : -1,1 % au premier trimestre 2023, après -0,5 % au quatrième trimestre 2022. Sur un an, les prix des logements anciens en Île-de-France reculent aussi de -0,6 % à fin mars 2023, après +1,3 % au quatrième trimestre 2022. Cette baisse est portée par le repli des prix des appartements franciliens (-1,2 % sur un an, après +0,5 % au quatrième trimestre 2022), alors que les prix des maisons restent en légère hausse (+0,9 % sur un an, après +3,3 %).
«En petite couronne, les ventes d’appartements reculent de 20% et les ventes de maisons de 25%» , constate Thibault Gallot-Lavallée, notaire à Neuilly-sur-Seine. «En grande couronne, les cessions d’appartements anciens se replient de 23%, et les ventes de maisons de 25%», renchérit Christian Godard, notaire à Claye Souilly (77).

10.090 euros/m2 à Paris

À Paris, selon les notaires, les prix des appartements diminuent pour le troisième trimestre consécutif : -1,2 % au premier trimestre 2023 après -0,7 % au quatrième trimestre 2022.
Sur un an, les prix moyens des appartements parisiens baissent de 2 % à fin mars 2023. «Le prix moyen au m2 dans la capitale est estimé à 10 310 euros, en repli annuel de 2%, ce qui masque toutefois une évolution contrastée - douze arrondissements affichaient à fin mars une baisse des prix alors que les plus onéreux (6ème, 7ème, Paris Centre, 16ème) enregistraient encore des augmentations.
Avec seulement 8.000 appartements anciens vendus au 1er trimestre 2023, l’activité recule de 18% en un an, pour retrouver les niveaux des premiers trimestres 2020 et 2021», indique Thibault Gallot-Lavallée, notaire. Sur la base des avant-contrats, le prix moyen pourrait s’afficher, dans la capitale, en recul annuel de 5% en juillet, à 10.090 euros/m2.
La province résiste encore un peu, pour le moment, à cette décélération générale. Au premier trimestre 2023, les prix des logements anciens y sont quasi stables, à +0,1 % sur un trimestre, après +0,2 % au quatrième trimestre 2022.
Sur un an, la rupture de la dynamique antérieure n’est pas encore perceptible puisque les prix progressent de 3,9 % à fin mars 2023, après un rythme annuel de hausse de 5,8 % et 8,1 % observés pour les trimestres précédents. Les prix des appartements en province (+4,7 % sur un an à fin mars 2023) ont augmenté plus fortement que ceux des maisons +3,5 %), inversant la tendance observée par les notaires depuis le début de l’année 2021.

Attentisme

«Les vendeurs ne sont pas encore prêts à baisser significativement leurs prix, ce qui tend le marché», analyse Thierry Delesalle, notaire à Paris. Les professionnels espèrent un assouplissement des conditions de crédit pour enrayer la baisse du marché.
Mais pour le moment, la ligne de la Banque centrale européenne reste claire. La décrue de l’inflation n’est pas encore assez significative pour que l’institution monétaire arrête ses hausses de taux directeurs et réduise les contraintes qui pèsent sur les banques commerciales en matière d’octroi de crédit.
«La confirmation de cette baisse des prix constitue une bonne nouvelle pour les candidats à l’achat, notamment pour ceux qui entrent sur le marché : ils retrouvent des opportunités à des niveaux de prix plus raisonnables. Elle rend en revanche la situation plus délicate pour ceux qui doivent préalablement vendre un bien immobilier avant d’en acquérir un autre», remarque Thierry Delesalle, qui reconnaît que cette situation favorise un comportement attentiste, dont la durée est difficile à évaluer.

Le Revenu Ed. Abonné

Tribune libre
Les conséquences inquiétantes de la chute du nombre de propriétaires en France
Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, dénonce les dangers d’une politique du logement - menée par Emmanuel Macron - qui n’encourage pas l’accès à la propriété.
Publié le 21/08/2023
Emmanuel Macron a l’image de la modernité. D’autres Présidents avant lui étaient évidemment en phase avec ce que l’opinion attendait, mais tous les corps électoraux n’ont pas recherché les mêmes qualités. En François Mitterrand, la France a majoritairement cherché l’expérience et la protection d’un père. En Jacques Chirac, l’empathie avec la nation et l’enthousiasme, en Valéry Giscard d’Estaing le brio et la vision. Le Président Macron a incarné le renouveau, la rupture, par son âge et par son parcours.

D’ailleurs, lors de sa première investiture en 2017, le Président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, l’avait souligné. Citant Chateaubriand, il avait dit : « Pour être l’homme de son pays, il faut être l’homme de son temps » et avait poursuivi « Moderne, vous l’êtes assurément. » Au rang des marqueurs de modernité, certains s’accordent à mettre sa vision de l’immobilier. Passons sur sa conviction que ce secteur ne crée pas de richesse, fâcheux malentendu économique, et attardons-nous sur un sujet plus intéressant, sa conception de la propriété.

Il est le premier locataire de l’Élysée à vouloir une France davantage assortie à son statut, c’est-à-dire constituée de locataires. Il aura inauguré une politique du logement qui ne privilégie pas l’accession à la propriété. S’il fallait évoquer des décisions concrètes qui en attestent, on pourrait se rappeler la fin de l’APL accession, ou encore la réduction progressive de voilure du prêt à taux zéro. Sans l’Assemblée nationale et le Sénat, les coupes budgétaires pénalisant l’accession auraient même été plus sombres qu’elles ne l’ont été…

Les taux de propriétaires désormais inférieur à 58%
Le Président est de l’école de ceux qui considèrent que les jeunes générations sont plus attachées à l’usage qu’à la propriété, pour toutes choses. La voiture bien sûr, l’électro-ménager peut-être, mais aussi le logement. Où Nicolas Sarkozy, une décennie plus tôt, appelait de ses vœux une France de propriétaires, Emmanuel Macron assume la responsabilité de faire reculer le taux de propriétaires occupants. Il progressait de façon sûre vers les 60% de la population et il est en train de revenir vers des niveaux inférieurs à 58%. La tendance est inversée après trente ans de progrès constant. Le Président considère aussi que le statut de locataire est plus compatible avec la nécessité de la mobilité, elle-même condition d’un niveau élevé d’emploi, sinon de plein emploi.

Les détracteurs de cette politique, évidemment nombreux dans la filière immobilière, mais plus largement dans l’opinion, en identifie plusieurs dangers de nature économique. Ainsi, la propriété de la résidence principale a toujours constitué le premier acte de la constitution d’un patrimoine de nature à sécuriser les individus et les familles : a contrario, ne rien thésauriser rend certes plus léger, mais ne préserve pas des épreuves, en particulier liés à la baisse des revenus du travail, typiquement au moment de la retraite. Rien non plus à transmettre aux générations futures sans patrimoine durable. Ces mêmes détracteurs pointent du doigt l’insupportable report de la demande sur le marché de la location, insuffisant à répondre aux besoins et en situation d’asphyxie dans une nombre considérable de villes en France. Ce recul de l’accession et l’absence de remède politique emportent deux autres conséquences, au fond plus inquiétantes encore, et qu’on passe sous silence, l’asthénie de la natalité et le péril sur l’ordre social.

Ce recul de l’accession a deux autres conséquences
L’Insee a rendu publique il y a quelques semaines sa plus récente étude sur la baisse inattendue de la vigueur démographique après la pandémie. La Covid-19 avait affecté sans surprise les naissances, et évidemment accentué la mortalité. Les démographes s’attendait à un redémarrage de la natalité post covid… C’est l’inverse qui a eu lieu. 2023 devrait se terminer avec un taux de fécondité constaté de 1,67, quand il naviguait autour de 2 entre 2006 et 2014. Outre que cette chute compromet le renouvellement des générations et affaiblit notre pays, elle témoigne à n’en pas douter que les difficultés à acquérir un logement de taille suffisante pour des conditions de vie optimum avec des enfants affecte l’envie des couples de procréer.

Second préjudice lourd, la fragilisation de l’ordre public. Le message n’est pas politiquement correct… Il a pourtant été revendiqué par les patrons paternalistes du début du 20e siècle, qui a marqué le début de l’élan en faveur de l’accession à la propriété. À la propriété de la résidence principale, les élites économiques et politiques prêtaient deux vertus : l’éradication de l’insalubrité - le mouvement hygiéniste a clairement soutenu l’aide à l’accession des classes populaires -, sujet périmé mais renaissant au fond sous les traits de l’amélioration environnementale, et la maintien de l’ordre. Un ménage qui s’endette et doit avoir les moyens de s’acquitter de sa dette a le souci de la stabilité sociale, travaille assidûment et ne se révolte pas. Le propos est aujourd’hui choquant, flairant le maintien des rapports de domination et l’idéologie marxiste. L’est-il tant que cela ? En tout cas, l’exécutif pourrait légitimement avoir en tête cette théorie et lui trouver des vertus politiques. L’ambiance du pays est complexe et elle n’est pas tellement sereine qu’il faille la tenir pour préservée des mouvements sociaux. Des épisodes récents ont démontré que tout pouvait arriver, à n’importe quel moment. Et si relancer l’accession à la propriété était d’abord une précaution démocratique ? À bonne entendeur, salut.