La note souveraine américaine dégradée

L’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé vendredi la note de la dette américaine de AAA à AA+.
ImprimerDemande de reproductionFrédéric Lorenzini | 08-08-11 | Envoyer l’article par e-mail

Vendredi, en fin de journée après clôture des marchés, S&P a indiqué qu’elle dégradait la note de la dette fédérale américaine de AAA à AA+. Pour l’heure les autres grandes agences de notation que sont Moody’s et Fitch n’ont pas modifié leur position quant à la dette américaine. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe : « emprunteurs en dernier ressort » les Etats-Unis étaient jusqu’à présent considérés comme l’emprunteur le plus sûr au niveau international, celui dont la signature avait depuis les accords de Bretton Woods au sortir de la guerre le même statut que l’or.

Avec cette dégradation, c’est une page qui semble se tourner. Certes depuis longtemps la dette américaine, à plus de 16.000 milliards de dollars, donnait le vertige ; certes ces dernières semaines le bras de fer entre l’administration Obama et la Chambre des Représentants à dominante républicaine qui se sont opposées sur le relèvement du « découvert autorisé » de l’Etat fédéral avait mis le marché sous tension ; certes la balance commerciale américaine structurellement déséquilibrée n’est pas tenable… Mais la question de la dégradation de la note américaine était un tabou et personne n’osait la prédire.

Une fois que ce verrou saute, c’est une période d’incertitude qui s’ouvre devant les investisseurs : si les Etats-Unis ne sont plus AAA, alors plus personne n’est à l’abri et on a moins de mal à imaginer que le cas échéant la France ou même l’Allemagne ne perdent leur AAA.

Recherche de la qualité
Cet abaissement de note intervient à un moment où planent des doutes sur la vigueur de la croissance économique. D’ailleurs dans la foulée, le brut continuait ce week-end son mouvement à la baisse en passant en dessous des 84 dollars le baril, signe que les opérateurs mettent en question la tenue de la demande. Corrélativement, l’or a connu un regain d’intérêt en franchissant à la hausse le seuil des 1.700 dollars l’once, signe que la dette souveraine américaine n’est plus synonyme de havre de paix.

Pour les investisseurs, cette situation implique aussi quelques remises en question. On est entré dans une zone de turbulence et les prochains jours vont être décisifs : est-ce que les autorités vont réussir à rétablir la confiance ? Ce n’est pas sûr. L’annonce de vendredi risque de continuer de faire des vagues, si ce n’est déchainer une tempête. Car ne nous y trompons pas, c’est bien le statut de Etats-Unis qui est en question, et les Chinois n’ont pas hésité à publier dés vendredi un communiqué enjoignant les Américains à mettre de l’ordre dans leurs affaires et à être moins dispendieux.

Avec plus de 1.100 milliards de dollars en réserve, les Chinois sont le premier créancier étranger des Etats-Unis. Ils se sont montré d’autant plus conciliants avec ce partenaire commercial, en souscrivant régulièrement à ses émissions obligataires, que la balance était plus déséquilibrée en leur faveur : bref ils prêtaient aux Etats-Unis pour aider ces derniers à continuer à importer leurs productions. Vont-ils continuer à se montrer aussi « coulants » avec les Etats-Unis ? Rien n’est moins sûr. Le pays s’est en effet engagé dans une politique, certes relativement timide, de revalorisation salariale qui aide à développer et renforcer la demande domestique. Les Chinois n’ont sans doute pas vocation à aider éternellement les ménages américains à boucler leurs fins de mois…

Conséquences pour les investisseurs
A court terme, ce sont l’ensemble des marchés qui sont perturbés : obligataires bien sûr, mais aussi les marchés boursiers, les matières premières, les devises… Outre-Atlantique les risques ne se font pas sentir que sur la dette fédérale mais aussi sur les « muni », ces obligations émises par les grandes villes et autres collectivités locales dont les papiers réagissent selon le pouls de la dette fédérale.

Le renforcement de la suspicion à l’encontre de la dette développée devrait d’une part soutenir l’intérêt pour la dette émergente et d’autre part profité à terme aux actions qui sont les plus en prise avec l’économie réelle : production industrielle, consommation de base, secteurs défensifs offrant une réelle visibilité, etc

En terme de fonds d’investissement, cela signifie s’intéresser à des produits ayant souvent un profil « value », ou à tout le moins offrant une bonne transparence sur leurs actifs et les secteurs auxquels ils sont exposés. Outre la prise en compte de leur notation qualitative (s’ils sont notés) on pourra utilement recourir au Sélecteur de fonds (CLIQUER ICI pour y accéder ) afin d’affiner ses recherches d’investissement.

Bonsoir à tous, Bonsoir Monsieur Lorenzini,

Je suis d’accord avec votre analyse, j’en ai déjà donné des éléments par bribe.

Je ne suis pas d’accord avec votre conclusion, je veux dire pas aujourd’hui (le paragraphe « Conséquences pour les investisseurs »)

Il faut absolument souligner que ce que vous dites est valable A TERME. Se placer aujourd’hui sur un fonds actions long où que ce soit est suicidaire. Ce n’est pas parce que la dissertation sur les OPCVM longues est votre fonds de commerce qu’il faut risquer l’argent des autres. Nous sommes potentiellement devant une crise majeure bien plus grave que Lehman. Elle ne surviendra peut-être pas, et cela restera comparable à 2008. Mais dans ce cas la plupart des bourses ont quand même chuté de 30 à 40% entre septembre 2008 et mars 2009. Je doute que les titulaires de comptes (Avie ou CTO) envisagent de gaîté de coeur de perdre 30 à 40% de leurs avoirs actions d’ici 5 mois.

Encore une fois le risque est trop grand. PRUDENCE € et/ou bear

Cimazur

PS. Lumir a posté hier un article du Figaro reproduisant des avis « autorisés ». Dans les conditions de panique et d’emballement des marchés, je doute de la sincérité de beaucoup d’entre eux (du style « la dégradation de la dette US était déjà dans les cours, elle aura peu d’impact », etc), car ce sont à coup sûr des personnes très avisées (leurs résultats PERSONNELS le prouve). Je crains au mieux qu’ils ne ressemblent à nos hommes politiques qui chantent les merveilles de l’école publique, mais mettent leurs enfants dans les écoles privées, au pire à certain personnage (Sun7 nous a fait bien rire) du passé qui déclarait « Ich will keinen Krieg » (pas pour Werner: je ne veux pas de guerre).

Cimazur