La guerre des taux continue sur les crédits immobiliers
Pour les banques, ces prêts sont un produit d’appel, destiné à conquérir des clients.
DANIÈLE GUINOT
Des records de vente sont attendus cette année dans l’immobilier ancien (ici Nantes).
BANQUE Du jamais vu ! Alors que traditionnellement à l’automne les banques referment les vannes du crédit immobilier, cette année, c’est l’inverse qui se produit. Pratiquement toutes multiplient les offres promotionnelles et accordent des prêts à tour de bras. Le millésime 2019 s’annonce d’ailleurs exceptionnel, avec de nouveaux records en termes de volumes d’emprunts accordés. Ce qui inquiète les autorités publiques, qui surveillent de près cette tendance. La frénésie est telle que certains établissements sont débordés et contraints de restreindre l’accès au crédit pendant quelques semaines, afin de traiter les dossiers dans le temps réglementaire imparti (trois mois). D’autant que les renégociations de crédits, parfois même souscrits en 2018, sont à nouveau vigoureuses.
« On n’a jamais vu une telle guerre entre banques avec des niveaux de taux d’intérêt aussi bas », constate ainsi Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer. De fait, pour conquérir de nouveaux clients, les établissements se livrent bataille sur les taux des crédits immobiliers. Ce qui peut paraître paradoxal, à l’heure où les niveaux de taux sont déjà extrêmement bas. Mais les ménages, qui font de plus en plus jouer la concurrence, se focalisent toujours sur le taux de leur crédit pour choisir la banque prêteuse. De plus, alors que les durées d’emprunt s’allongent, des écarts de quelques points peuvent faire la différence et faciliter un financement. « Les taux des crédits sur 25 ans peuvent tomber dans certains cas sous les 1 % (hors assurance), ce qui ouvre la porte du marché immobilier à des emprunteurs qui jusqu’alors ne parvenaient pas à décrocher de crédit », note Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.
Les Français s’endettent aujourd’hui à 1,18 % en moyenne toutes durées confondues (hors assurance), selon Crédit Logement/CSA. Dans le détail, ils empruntent à 0,92 % en moyenne sur 15 ans, 1,08 % sur 20 ans et 1,33 % sur 25 ans ! Les meilleurs clients, les plus convoités par les établissements, obtiennent des conditions de financement encore plus exceptionnelles : 0,27 % (hors assurance) sur 10 ans ; 0,43 % sur 17 ans ; 0,55 % sur 20 ans et 0,85 % sur 25 ans, constate Vousfinancer. On comprend dans ces conditions l’engouement des ménages pour la pierre. De nouveaux records de vente sont attendus cette année dans l’immobilier ancien, qui pour la première fois a franchi le cap du million de transactions en 2018.
« Les taux pratiqués aujourd’hui sont trop bas, estime Hervé Hatt, président du groupe Meilleurtaux. Les banques se sont lancées dans une course à l’échalote un peu excessive. Cela pèse sur leurs marges. Et l’un des moyens pour elles d’être rentables est de parvenir à vendre à leurs clients des produits d’épargne ou d’assurance, et surtout l’assurance-emprunteur, ajoute le dirigeant. Si elles réduisaient leur course, cela ralentirait certainement un peu le secteur immobilier. »
Les Français changent d’établissement
Mais pour les banques, le crédit immobilier est plus que jamais un outil de conquête de clients. « La compétition est d’autant plus intense que la mobilité bancaire a pratiquement doublé ces dernières années. Désormais presque 5 % des clients changent de banque chaque année », explique Ada di Marzo, associée chez Bain & Company. Les banques en ligne sont celles qui profitent le plus de cette nouvelle donne. Cependant, bien que de plus en plus étoffée, leur offre en matière de crédit immobilier reste souvent assez basique. « Pour les banques traditionnelles, les taux des crédits immobiliers bas leur offrent une opportunité unique de capter de nouveaux clients à un moment clé de leur vie, poursuit Ada di Marzo. Pour elles, cela est crucial car, dans le contexte actuel, elles doivent tout mettre en œuvre pour compenser l’impact de la baisse des taux. »
De fait, la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) pèse sur le secteur. Avec les taux bas, les marges de crédit se sont réduites. En outre, les banques sont dissuadées de déposer leurs liquidités excédentaires dans les coffres de la Banque centrale. « Faute d’alternative et même si les marges sont basses, les banques préfèrent donc prêter », souligne Bruno de Saint-Florent, associé chez Oliver Wyman. Les volumes importants de crédit, qui permettent de compenser les faibles marges, priment plus que par le passé. « Le poids grandissant des courtiers, qui comparent les offres, renforce aussi la concurrence », ajoute Bruno de Saint-Florent. Ces derniers détiennent désormais 35 % de parts de marché. D. G.