La crise de l’immobilier rejaillit sur l’assurance-vie

La crise de l’immobilier rejaillit sur l’assurance-vie

Le Monde

La société civile immobilière Capimmo, leader du secteur, a décroché de près de 12 % depuis le début de l’année. Ses déboires pourraient entraîner un sentiment de défiance à l’égard de l’ensemble du secteur.
L’assurance-vie et l’immobilier ont formé un binôme gagnant ces dernières années. Les fonds de pierre-papier offraient en effet un rendement stable et attractif, avec une prise de risque limitée. Pour les épargnants les plus précautionneux, c’était une voie de diversification toute trouvée.

Du fait de cet essor, les unités de compte immobilières représentaient un peu moins de 10 % des encours en unités de compte fin 2022. D’abord portée par des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), la collecte en assurance-vie a progressivement profité aux sociétés civiles (SC) et aux sociétés civiles immobilières (SCI). La dynamique a même été très forte en 2022, puisque l’encours de ces supports a progressé de 33 % sur un an. Au 30 juin, il frôlait les 27 milliards d’euros, selon l’Association française des sociétés de placement immobilier.

Parmi les avantages des sociétés civiles : leur valorisation régulière. Contrairement aux SCPI, ces supports produisent généralement une valeur liquidative hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle. De ce fait, les SC et SCI ont reflété bien plus rapidement que les SCPI la baisse des prix de l’immobilier.

Ainsi, sur les 48 supports pour lesquels Quantalys nous a fourni une performance depuis le début de l’année, la moitié affiche un résultat inférieur ou égal à zéro. Parmi ceux qui s’en sortent le mieux, on retrouve notamment les produits thématiques, spécialisés dans la santé ou le viager, par exemple.

Capimmo (géré par Primonial REIM France) est la référence du secteur : créée en 2007, la SCI pesait plus de 7 milliards d’euros fin juin et elle est référencée dans 169 contrats d’assurance-vie, selon Funds360 [un site de données de financières]. Or, elle connaît un destin particulièrement inquiétant. Depuis le début de l’année, la SCI affiche une baisse de 11,58 % (au 17 novembre).

Surprise
Une chute violente alors que le fonds a distribué chaque année depuis plus de dix ans une performance comprise entre 2,50 % et 5 % net de frais (hors ceux liés au contrat). Cette dégringolade n’a pas échappé aux investisseurs, qui se sont massivement délestés : sur les neuf premiers mois de l’année, la SCI a enregistré 666 millions d’euros de sorties. En ajoutant à cela la baisse de valeur, sa capitalisation a fondu de près de 1,5 milliard d’euros !

Or, dans une société civile, ce ne sont pas les épargnants qui sont directement associés, mais les assureurs qui la distribuent. En quelque sorte, ces derniers investissent en gros puis revendent au détail via l’assurance-vie.

Surprise, début septembre, Primonial REIM a annoncé à ses quinze assureurs – comme le révélaient nos confrères de L’Agefi – qu’elle ne pourrait pas assurer la liquidité au-delà de 1 milliard d’euros. Statutairement, la SCI a l’obligation de détenir 5 % de liquidités au minimum ; elle est ici bien au-delà de ce ratio.

En clair, une fois ce cap passé, les assureurs devraient se débrouiller avec les demandes de rachat des épargnants.

« Les assurés peuvent naturellement accéder à tout moment à leur épargne et l’utiliser comme ils le souhaitent, garantit Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs. Ils peuvent procéder à des rachats ou à des arbitrages de leur épargne dans le cadre fixé par le code des assurances. Les assureurs tiennent leurs engagements contractuels vis-à-vis de leurs assurés, tant sur les unités de compte immobilières que sur les autres supports de leur épargne. »

Les compagnies d’assurances risquent donc de se retrouver avec du papier Capimmo sur les bras. La baisse brutale de valeur survenue mi-septembre est tombée à pic, juste au moment où la société de gestion referme la porte de la liquidité : cela a permis aux assureurs de racheter les parts des assurés désirant sortir avec une décote, et donc d’éviter de subir la baisse dans leurs comptes.

Un scénario déplaisant
Mais, dans l’industrie, un scénario déplaisant commence à se profiler : face à l’afflux de sorties, les assureurs risquent de faire pression sur la société de gestion pour qu’elle vende des actifs. Soit la pire des solutions dans un marché sous tension. D’autant que, le portefeuille de la SCI comprenant des SCPI maison, des réactions en chaîne sont craintes.

Les déboires de Capimmo pourraient, en outre, entraîner un sentiment de défiance à l’égard de l’ensemble des sociétés civiles. D’autres supports ont d’ailleurs enregistré des sorties importantes. Depuis le début de l’année, GF Pierre (Generali Real Estate), LF Multimmo (La Française REM) ou encore Tangram (Amundi Immobilier) sont aussi touchés de plein fouet.

Certains gestionnaires ont décidé de se mettre en ordre de marche pour affronter la crise, le temps que les choses se calment.

« Au deuxième semestre 2022, sur Pythagore [société civile, éligible à l’assurance-vie], nous avions anticipé ces mouvements sur le marché et, de fait, limité nos investissements pour éviter d’investir à des valeurs trop élevées, étant donné les nouvelles conditions de marché, et donc de subir des corrections immédiates en 2023, assure Gaëlla Hellegouarch, directrice générale de Theoreim. Comme notre fonds est sans frais d’entrée, nous conservions structurellement 15 % de liquidités. Nous avons majoré ce taux à 26 % fin décembre 2022 en prévision d’un marché stressé », où les épargnants risquent de vouloir récupérer leur argent pour le placer ailleurs.

En attendant un éventuel rebond, il leur faudra espérer le soutien des assureurs. Capimmo, de son côté, combat le mal par un appel du pied à la collecte, en supprimant ses frais d’entrée. Cela suffira-t-il ? Car, si cette crise a au moins un mérite, c’est celui de rappeler que la liquidité a un prix, et qu’au bout du compte c’est toujours l’épargnant qui paie.
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