La bourse

CAC 40 : QUELLES ONT ÉTÉ LES PIRES ANNÉES POUR LES GRANDES PLACES BOURSIÈRES DEPUIS 1900?
Aujourd’hui à 07:00
Les différents marchés ont connu des années difficiles en 2008 ou en 1933
(BFM Bourse) - Dans une récente étude publiée fin février, Credit suisse a dressé un bilan des performances boursières des grandes places depuis l’aube du XXe siècle, relevant également pour chacune leur pire et leur meilleure année.

C’est une petite mine d’or que publie chaque année la banque helvétique Credit Suisse, avec une nouvelle édition de son « Global Investment Returns Yearbook Â», dévoilée fin février. Ce document se penche notamment sur l’évolution des principales places boursières depuis… 1900.

Car les places financières avaient déjà un certain âge à l’aube du XXe siècle. La Bourse d’Amsterdam existait depuis près de 300 ans, celle de Londres plus de 200 ans. En France, la première Bourse à avoir été créée était celle de Lyon, en 1540, tandis qu’en 1563, Paris a accueilli une « place commune des marchands Â». La création légale de la Bourse de Paris, remonte à 1724 via un édit royal.

En 1900, le paysage des marchés mondiaux s’avérait radicalement différent. Le Royaume-Uni, première puissance économique de l’époque, concentrait 24% de la capitalisation boursière, devant les États-Unis (15%), l’Allemagne (13%), la France (11,2%) et la Russie (6%). En comparaison, début 2023, les États-Unis concentraient 58,4% de la capitalisation mondiale, loin devant le Japon (6,3%), le Royaume-Uni (4,1%), la Chine (3,7%) et la France (2,8%), selon les sources compilées par Credit Suisse.

La France pas dans les meilleurs élèves sur le long terme
La banque a aussi regardé les différentes performances des grandes bourses mondiales depuis 1900, soit sur du (très) long terme. Sur une vingtaine de pays, où les actions ont-elles enregistré leurs meilleures performances sur cette longue période?

Selon les données de Credit Suisse, il faut regarder du côté de l’hémisphère sud. Les actions de l’Afrique du Sud arrivent en tête avec un rendement moyen historique réel par année – corrigé de l’inflation donc – de 7%, suivi de l’Australie (6,7%), des Etats-Unis (6,38%) et de la Nouvelle-Zélande (6,1%).

La France (3,4%) ne se situe pas dans le bon wagon même si elle devance l’Allemagne (3,1%). « Les rendements à long terme des actifs français ont été décevants. La France se classe dans le quartile inférieur [les moins bons 25%, NDLR] des pays affichant un historique de performance complet pour les actions et les bons du Trésor Â», souligne Credit Suisse. « Ã€ noter néanmoins que les périodes d’inflation et les mauvaises performances remontent à la première moitié du XXe siècle et sont liées aux deux guerres mondiales. Depuis 1950, les actions françaises ont dégagé des rendements classant la France dans la moyenne Â», poursuit la banque.

1954, la meilleure année pour la Bourse française
L’autre point intéressant est que Credit Suisse a également recensé les meilleurs et les pires années des différents marchés depuis 1900. Pour beaucoup il n’y a pas de grande surprise: il s’agit de 2008 avec la faillite de Lehman Brothers qui a entraîné la grande crise financière. C’est le cas de la Bourse de Paris, qui a accusé une baisse de 41,5% cette année-là.

En revanche, aux Etats-Unis, il s’agit de 1931, avec une chute de près de 39% des indices actions américains, année de grande dépression économique avec des faillites bancaires. Le marché américain connaissait alors un grand mouvement de chute qui avait débuté avec le fameux krach d’octobre 1929. Un rebond de 56% s’observera néanmoins en 1933, la meilleure année des marchés américains.

Du côté du Royaume-Uni, le pire plongeon s’est produit en 1974, avec une baisse de 56,6%, l’économie britannique étant alors plombée par le plongeon de la livre, une crise bancaire, et la crise pétrolière. Ce qui sera toutefois suivi d’un rebond de près de 99% l’année suivante, selon Credit Suisse.

Pour l’Allemagne, le plus grand effondrement a eu lieu en 1948 (-91%), année où le pays a été séparé en deux, avec d’un côté la République fédérale d’Allemagne et de l’autre la République démocratique, sous la sphère d’influence de l’URSS. Mais cette chute a été suivie d’une reprise de 155% en 1949, la meilleure de l’histoire allemande.

Quant à la France, la meilleure année pour la Bourse de Paris date, selon les données de Credit Suisse, de 1954 avec un bond de 66,1%. Comme l’explique une étude de 1995 par des économistes de l’Institut orléanais de Finance, la Bourse de Paris a connu entre 1950 et avril 1962 une forte progression qui accompagnait la croissance économique du début des Trente Glorieuses, bien qu’entrecoupée de légère période de stabilisation voire de baisses.

L’économie française avait dû faire face à de fortes inflations, qui ont néanmoins été suivies de phase de stabilisation grâce notamment à l’intervention du brillant ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Antoine Pinay.

« Cette longue période de hausse accompagne et suit l’utilisation de la Bourse par les entreprises pour financer leurs investissements. Entre 1949 et 1959, le nombre annuel d’émissions d’actions a été multiplié par sept les montants investis par trois Â», soulignaient les auteurs de cette étude. La Bourse de Paris connaîtra ensuite une « traversée du désert Â» de 1962 à 1978, durant laquelle le recours à la Bourse par les sociétés sera bien moindre.

Julien Marion - ©2023 BFM Bourse

Pourquoi les gadins boursiers se multiplient ?
Publié le jeudi 23 novembre 2023
L’analyse de Laurent Chaudeurge, Responsable ESG chez BDL CM

Worldline, Alstom, Atos, ou encore Sanofi sont des entreprises françaises avec au moins un point en commun : un cours de bourse qui a chuté massivement après des résultats décevants. Des baisses de 20% à 60% dans une journée sont des ordres de grandeur très inhabituels. On peut essayer de « rationnaliser » ces mouvements violents sur la base des fondamentaux. A chaque fois, les profits et le cash flow sont fortement revus en baisse, les perspectives de croissance sont assombries, le bilan est parfois plus tendu et la confiance des investisseurs est ébranlée. Toutes ces variables affectent réellement et durablement la valeur de ces trois sociétés.

Mais l’effondrement du cours de bourse reflète aussi l’évolution de la structure même des marchés financiers. Sur les 20 dernières années, une grande tendance a profondément modifié leur fonctionnement : la croissance exponentielle de la gestion passive. En 2005, la gestion active représentait 85% de la valeur des actions cotées, contre 15% pour la gestion passive. 18 ans plus tard la gestion active ne représente plus que 49% contre 51% pour la gestion passive. Ce changement de structure remet en cause et fragilise la raison d’être des marchés financiers, à savoir déterminer le juste prix d’un actif en agrégeant les intérêts acheteurs et vendeurs des différents investisseurs.

La gestion active représente des intervenants qui peuvent avoir des intérêts divergents en fonction de leur analyse fondamentale d’un actif, de leurs contraintes de gestion, de leur appétit pour le risque ou encore de leur horizon d’investissement. C’est grâce à cette diversité des opinions que la détermination du prix d’un actif est efficiente. A l’inverse, la gestion passive n’analyse pas et ne réagit pas aux nouvelles informations sur les entreprises, elle n’achète pas ni ne vend pas. Comme son nom l’indique, elle est passive. La moitié du capital des entreprises qui est détenue par la gestion passive, est une moitié qui n’a pas d’avis sur la valeur des entreprises, une moitié qui n’initiera pas une nouvelle position ou ne « moyennera » pas quand le titre baisse. Une gestion active qui veut céder ses titres rapidement a donc beaucoup moins d’acheteurs potentiels qu’il y a 20 ans.

Prenons l’exemple d’un marché composé de 100 investisseurs. En 2005, 85 d’entre eux étaient des investisseurs actifs, 15 étaient des investisseurs passifs. Le processus d’achat/vente en fonction des fondamentaux des entreprises se déroulait donc parmi 85 investisseurs. Si 35 d’entre eux souhaitaient vendre, ils avaient 50 acheteurs potentiels. Même si les 50 n’étaient pas tous acheteurs, ils étaient assez nombreux, en proportion des vendeurs, pour espérer trouver un compromis raisonnable sur le prix de transaction. Aujourd’hui ces 35 vendeurs n’ont plus que 14 acheteurs potentiels, 70% de moins. Le ratio offre / demande est tellement déséquilibré, que le prix de l’actif doit très fortement baisser pour trouver un niveau auquel il y aura autant d’acheteurs que de vendeurs. Toutes choses égales par ailleurs, la gestion passive augmente le risque de variations extrêmes.

Les introductions en bourse sont une autre illustration de ses effets pervers. Au-delà d’assurer la liquidité quotidienne des actifs, les marchés actions ont une autre fonction essentielle, fournir des capitaux aux entreprises privées. En se cotant en bourse, les sociétés financent leurs plans de développement, offrent une liquidité bienvenue à leurs fondateurs ou à leurs investisseurs historiques, se dotent d’un mécanisme de rémunération pour leurs employés et disposent d’une monnaie d’échange lors d’opérations de fusions ou d’acquisitions. Ce rouage indispensable de l’économie nécessite des pourvoyeurs de capitaux qui sont capables d’analyser les entreprises et d’investir, c’est la raison d’être la gestion active. La gestion passive n’achète que les titres qui sont dans des indices, donc par nature elle ne financera aucune introduction en bourse. En conséquence, plus son poids est important, moins les acheteurs seront nombreux et plus les introductions seront compliquées voire annulées.

La gestion passive a des atouts : ses frais sont faibles et elle profite du fait que la gestion active, dans sa majorité, peine à battre les indices. Son rôle est donc légitime pour un investisseur qui souhaite une exposition efficace et bon marché aux évolutions des marchés. Mais en devenant un acteur majeur des marchés financiers elle a modifié leur fonctionnement. Il faut s’attendre à ce que la liquidité disparaisse dans les moments de crise et que moins de capitaux soient disponibles pour financer les entreprises en croissance. C’est regrettable à un moment où les États ont besoin de la gestion active pour flécher le capital intelligemment et accélérer la transition énergétique dont nous avons tant besoin. C’est inquiétant car les évolutions réglementaires comme la « Value for Money » auront pour conséquence de favoriser la gestion passive.

Il est temps de réfléchir aux types de marchés de capitaux que nous souhaitons à long terme.

Tribune libre
CAC 40 : le rally de Noël de la Bourse est-il un mythe ou une réalité ?

Le rally de Noël mérite d’être décrypté, juge Christopher Dembik, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM. En moyenne, décembre est historiquement un bon mois pour la Bourse, l’amplitude de hausse sur le CAC 40 étant toutefois moindre qu’à Wall Street.

Par Christopher Dembik
Senior Investment Advisor chez Pictet AM
Publié le 13/12/2023 à 20h00
Que disent les statistiques ? Les études confirment que décembre est le meilleur mois de l’année en Bourse. Outre-Atlantique, entre 1990 et 2021, le Dow Jones a fini en territoire positif à vingt-cinq reprises en décembre, sur trente et un ans. L’amplitude de la hausse est, en revanche, très fluctuante. A dix reprises, l’indice actions est monté fortement, de 2,5% à 10%. A l’inverse, si le mois de décembre est mauvais, l’année boursière qui suit risque d’être morose. Et en France ? 2022 était plutôt un mauvais cru, avec un recul du CAC 40 de 4% en décembre. En revanche, en Bourse, le rally de fin d’année a bien eu lieu en 2019 et en 2021. Historiquement, l’amplitude de hausse sur le CAC 40 est moindre qu’aux États-Unis, avec une progression moyenne comprise entre 1% et 3%. Il n’y a donc pas de quoi fanfaronner.

Comment se profile ce mois de décembre ? Plutôt bien. Cela peut paraître surprenant alors que le risque géopolitique est en hausse. La situation est tendue même si elle est circonscrite géographiquement au Proche-Orient. Du côté de la politique, les investisseurs commencent progressivement à intégrer l’inconnue de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 avec la possibilité que Donald Trump l’emporte et mette en place un programme économique encore plus protectionniste (droit de douane universel de 10% sur toutes les importations arrivant aux États-Unis et élimination en l’espace de quatre ans des importations chinoises dans les domaines de l’acier, de l’électronique et de la pharmaceutique) que lors de son premier mandat. En réalité, la hausse qui est déjà amorcée depuis quelques semaines s’explique surtout par des facteurs techniques et par les anticipations par le marché d’une politique monétaire accommodante.

Qu’est-ce qui favorise la progression de la Bourse ?
Commençons par les facteurs techniques. En Bourse, la liquidité est essentielle. C’est pourtant une notion méconnue. Stricto sensu, cela renvoie à la capacité à échanger un actif financier, à trouver pour tout actif financier un vendeur et un acheteur. Il y a également ce qu’on appelle les effets de liquidité. Ce sont des facteurs qui vont exercer une influence sur la capacité à échanger un actif et sur la formation des prix de cet actif. Plus il y a de liquidité, plus il sera facile pour un vendeur de trouver un acheteur au prix souhaité. D’une certaine manière, la liquidité est synonyme de confiance - confiance dans l’économie, confiance dans les marchés financiers - comme le mettait en avant le financier américain Kevin Warsh dans les années 2000.

Les lecteurs de Momentum, la lettre d’investissement premium de Capital basée sur l’analyse technique, économique et financière, ont pu réaliser des gains massifs en Bourse cette année, malgré les à-coups du CAC 40. En ce moment, à l’occasion des fêtes de Noël, profitez d’une réduction de 20% sur le prix d’un abonnement annuel.

Deux facteurs principaux exercent un impact sur la liquidité : les émissions d’obligations, en particulier celles effectuées par les États, et les interventions directes des banques centrales. Dans le cas présent, le rally en Bourse qui a démarré depuis quelques semaines, davantage marqué du côté américain qu’en zone euro, s’explique essentiellement par ces effets de liquidité. La Bourse américaine bénéficie du fait que la Réserve Fédérale américaine (Fed) réduit moins vite son bilan que la Banque Centrale Européenne (BCE). Concrètement, elle retire moins rapidement les liquidités sur les marchés financiers que la BCE. C’est donc techniquement positif pour les actions. En outre, le Trésor américain émet plus de dette à court terme qu’à long terme. C’est inhabituel et temporaire. Mais cela incite à investir son cash ailleurs, en particulier sur les actions, plutôt que d’être bloqué sur des obligations à long terme. Tout cela favorise la progression des actions.

La Fed et la BCE pourraient abaisser leurs taux directeurs en 2024, espèrent les investisseurs en actions
Les anticipations du marché concernant la politique monétaire jouent également un rôle important. Les opérateurs anticipent une baisse significative des taux directeurs des banques centrales à partir du printemps 2024 - avec la BCE précédant la Fed. Les investisseurs considèrent que le ralentissement de l’inflation va permettre aux banques centrales d’assouplir leur politique monétaire alors qu’il y a encore quelques mois, ils pensaient qu’elles le feraient du fait de la récession des économies développées. Qui dit baisse des taux directeurs, dit plus de liquidité en circulation. En effet, les conditions d’accès au crédit sont moins strictes, les liquidités en circulation augmentent, l’économie en profite et la Bourse s’en réjouit.

CAC 40, Nasdaq, Dow Jones… «Être à l’écart de la Bourse est souvent un mauvais choix»
Est-ce que cela va durer ? Une grosse partie du rally haussier de la Bourse est déjà derrière nous. Certains des facteurs qui ont soutenu la hausse ces dernières semaines ne sont pas amenés à durer, en particulier le choix du Trésor américain d’aller sur les obligations à court terme. Les anticipations de baisse des taux sont, en outre, fluctuantes en fonction de l’évolution des statistiques et des discours des banquiers centraux. Mais pour autant, il n’est pas trop tard. D’autres facteurs de hausse vont prendre le relais : bonnes surprises sur la croissance, baisse de l’inflation plus rapide que prévue. Être à l’écart du marché des actions est souvent un mauvais choix. Ceux qui ont principalement privilégié les obligations en début d’année au détriment des actions s’en mordent encore les doigts. Ils ont raté le rallye de début d’année liée à la sortie de la Chine de la politique zéro Covid. Un rallye (de fin d’année) peut en cacher un autre (de début d’année).

Jean-Charles Simon (Europlace) : «La réforme clé pour la place de Paris serait le développement des retraites par capitalisation»

Jean-Charles Simon, Délégué général de Paris Europlace
Jean-Charles Simon a pris ses fonctions à Paris Europlace, l’organisation en charge de promouvoir et développer la place financière de Paris, en novembre 2022. Économiste et statisticien, il a débuté à l’inspection générale de la banque Indosuez, puis comme trader chez Dresdner Kleinwort Benson. De 1999 à 2010, il a travaillé dans des structures patronales, dont la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et le Medef. Il a ensuite intégré Scor comme chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication, puis il a fondé, en 2013, Stacian, cabinet de conseil en études économiques. Depuis 2018, il exerçait chez Optimind et présidait depuis 2019 la fondation d’entreprise. En parallèle, il a fondé Deepvest, une société d’accompagnement en gestion de patrimoine.

Guerre en Ukraine, ralentissement de la croissance, inflation, turbulences sur les banques… Et pourtant l’indice CAC 40 bat des records. Une correction est-elle à craindre ?
Jean-Charles Simon : À tort ou à raison, les marchés perçoivent que l’essentiel de la bulle inflationniste est passé et que, du fait du ralentissement de la demande aux États-Unis et en Europe conjugué à un redémarrage des capacités de production de la Chine, les banques centrales vont mettre un terme au redressement très rapide des taux d’intérêt directeurs, principal facteur d’évolution des marchés d’actions. Certains anticipent même une baisse des taux, notamment de la part de la Réserve fédérale américaine, d’ici à 2024.

La place de Paris a dépassé celle de Londres, par sa capitalisation. Cette nouvelle hiérarchie est-elle appelée à durer ?
Jean-Charles Simon : Il y a eu deux mouvements. Depuis le Brexit, la Bourse de Londres a baissé, en valeur, en raison de la chute de la livre par rapport à l’euro et aux autres monnaies, mais il y a eu aussi des départs de la cote de la Bourse de Londres vers l’Europe, l’Australie ou les États-Unis. Le renforcement de la capitalisation boursière de Paris est dû également au succès mondial de grands groupes, notamment du luxe, comme LVMH, L’Oréal, Kering ou Hermès mais aussi dans d’autres secteurs, avec STMicroelectronics, Schneider Electric ou Airbus. Ces succès créent un écosystème favorable au développement du secteur financier et réciproquement… C’est une dynamique qui s’auto-entretient. Les grandes banques américaines ont, par exemple, considérablement renforcé leurs effectifs à Paris.

La place de Paris n’est pourtant pas la première en termes de volumes échangés. Pourquoi ?
Jean-Charles Simon : Le volume des échanges est en effet moins important à Paris qu’à Londres ou qu’aux Pays-Bas. Cela tient d’abord à la tradition d’échange d’actions étrangères sur ces places, à la présence de marchés alternatifs ou encore à l’importance des produits dérivés sur actions à l’origine de forts mouvements en titres, et sur lequel Paris n’est pas leader. Mais il n’y a pas de combat perdu car, en matière de place financière, il y a des effets boule de neige. S’il apparaît que la place de Paris se maintient comme «le numéro Un» de l’Union européenne, il est probable que cet effet d’entraînement profite à Paris au sein de l’UE car en matière d’activités financières, la dynamique est en faveur de la place qui rassemble le plus d’activités.

Comment expliquez-vous la faiblesse des introductions en Bourse ?
Jean-Charles Simon : En 2022, avec une trentaine d’introductions, nous étions devant nos concurrents européens. Mais il est vrai que, depuis la guerre en Ukraine, les introductions en Bourse sont au ralenti. Notamment en raison de l’écart entre les valorisations des entreprises dans les tours de capitaux privés et leur potentiel de valorisation en Bourse. La période ne semble pas, temporairement, favorable aux introductions.

L’objectif énoncé par Emmanuel Macron d’introduire dix «licornes» d’ici à 2025 et une centaine d’ici à 2030 est-il atteignable ?
Jean-Charles Simon : Aujourd’hui, le climat à court terme n’y semble pas propice. On est plutôt dans la réappréciation à la baisse de la valeur de certaines entreprises. Jusqu’au début 2022, soit bien avant la chute de la Silicon Valley Bank (SVB), les fonds de «private equity» disposaient de liquidités abondantes pour s’investir dans les valeurs technologiques. Mais les hausses des taux d’intérêt ont raréfié ces capitaux. Cela a provoqué un assèchement des levées de fonds et les entreprises, qui ont continué à en lever, ont dû baisser leurs prétentions.

Après la déconfiture de la Silicon Valley Bank, y a-t-il une menace de krach des valeurs de la tech ?
Jean-Charles Simon : SVB avait un modèle économique très particulier, a très mal géré ses risques et a fait face à une fuite des dépôts, notamment vers des fonds monétaires, un arbitrage très fréquent aux États-Unis. Sur les valeurs technologiques, le retournement de marché est déjà en partie réalisé depuis un an. La question serait plutôt : quand aura lieu l’atterrissage ? Est-ce que cela va se normaliser progressivement ? Est-ce que les valorisations de la tech redeviendront attractives en cas de baisse des taux ?

L’affaire du Credit Suisse peut-elle fragiliser l’ensemble du système bancaire en Europe ?
Jean-Charles Simon : Le système bancaire, notamment au sein de l’Union Européenne, est robuste car, depuis quinze ans, la réglementation a fait en sorte que les banques soient beaucoup plus résilientes. En outre, le problème de la liquidité interbancaire n’en est plus vraiment un, car, en cas de crise, les banques centrales font le job pour assurer le refinancement. Aujourd’hui, le système bancaire mondial n’est pas le même qu’en 2008 et le système européen n’est pas le même que son homologue américain, qui reste moins réglementé.

Comment appréciez-vous le projet du chef de l’État tendant à un plus juste partage de la valeur en faveur des salariés en cas de rachat d’actions ?
Jean-Charles Simon : Il serait problématique de décréter des mesures nationales car le rachat d’actions est un facteur de concurrence entre les entreprises au niveau mondial. Il ne faut pas diaboliser les rachats d’actions qui sont une façon de redonner de l’argent aux actionnaires pour qu’ils investissent ce cash dans d’autres projets d’investissement.

En plus, le partage de la valeur en France est assez stable depuis plusieurs décennies et la part de la rémunération du facteur travail se compare très favorablement aux pays voisins. Les partenaires sociaux viennent de signer un accord qui fait consensus, prévoyant par exemple de renforcer le partage de la valeur en cas de bénéfices récurrents et en forte hausse. Et c’est suffisant. Le projet préconisé par le chef de l’État risquerait aussi de creuser un peu plus l’écart entre les salariés de grandes entreprises et les autres qui ont moins de dispositifs en leur faveur comme la participation, l’intéressement…

Une simplification des labels en matière de finance durable n’est-elle pas nécessaire ?
Jean-Charles Simon : Paris Europlace n’est pas à l’origine de cette complexité et milite au contraire pour davantage de clarté et de simplicité au service des actionnaires dans cette profusion de labels. Nous venons de créer l’Institut de la finance durable qui va préconiser de simplifier et de standardiser les approches de place aux niveaux français et européen.

L’UE prévoit d’interdire la rémunération des réseaux de distribution de produits financiers par des commissions. Quelle est votre position ?
Jean-Charles Simon : Nous sommes très inquiets de ce projet auquel s’est d’ailleurs opposée la France par la voix du directeur général du Trésor. Le système actuel, qui fonctionne dans tous les pays de l’UE sauf aux Pays-Bas, permet de mutualiser les coûts du conseil sur l’ensemble des épargnants. On a observé dans les pays qui l’avaient interdit, comme le Royaume-Uni, qu’outre la fragilisation du modèle de distribution, le conseil en gestion d’épargne devenait réservé aux épargnants très fortunés.

La crise des cryptomonnaies a moins touché la France que d’autres pays. Pourquoi ?
Jean-Charles Simon : Le régulateur français a eu raison de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le bébé, c’est le développement des technologies autour de la blockchain, qui est très prometteur. En revanche, en matière de cryptomonnaies, on est, à mon sens, plus dans le domaine de la foi que de la finance.

Quelle est la réforme clé pour que la place de Paris soit encore plus performante ?
Jean-Charles Simon : La réforme clé pour la place de Paris serait le développement des retraites par capitalisation. Il ne s’agit absolument pas de remplacer le régime par répartition. Mais notre carence en matière de capitalisation entraîne un manque d’investisseurs sur le très long terme – 20, 30 ou 40 ans – qui prennent des risques en contrepartie d’un meilleur rendement. C’est l’une des raisons de la faiblesse des marchés et des économies de la France et de l’Europe continentale.

Propos recueillis par Jannick Alimi

AnalyseLa rentabilité des sociétés du SBF 120 dispose de peu de marge de progression Exercice 2022 record en termes de résultats, mais les poids lourds du CAC prennent de plus en plus de place.

PARIS (Agefi-Dow Jones)–Des résultats 2022 records tirés par les plus grandes entreprises. Le CAC 40 représente désormais 82% du chiffre d’affaires et 84% du résultat opérationnel (Ebit) dégagé l’an dernier par les 107 sociétés du SBF 120 analysées par l’observatoire ATH de l’information financière.

Le poids des sociétés du CAC 40 « s’accroît d’année en année », constate François Aupic, associé chez RSM.

« Les plus grands groupes, généralement leaders sur leur marché, affichent une croissance de leurs ventes et de leur rentabilité plus rapide que celle des sociétés de plus petite taille. Résilients et performants, ces groupes résistent mieux en temps de crise et rebondissent plus rapidement avec la reprise économique », souligne-t-il.

Une société du CAC 40 réalise en moyenne un chiffre d’affaires de 44 milliards d’euros, mais trois sociétés, Total Energies, Stellantis et Axa, pèsent à elles seules un tiers des ventes de l’indice, avec plus de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires chacune. En revanche, pour les 67 sociétés du SBF 80, le chiffre d’affaires moyen est de 6 milliards d’euros, seules 11 sociétés dépassant les 10 milliards d’euros.

Si le secteur de l’énergie est le grand gagnant de l’année, avec 383 milliards d’euros de ventes, il est suivi par l’automobile (309 milliards d’euros), par l’industrie et la construction (180 milliards d’euros chacun), puis les assurances et la distribution (120 milliards d’euros chacun).

Le CAC 40 progresse plus vite que le SBF 80
En un an, les ventes du SBF 120 ont progressé de 20%, soit une hausse de 19% par rapport au niveau pré-Covid de 2019. Mais, là aussi le CAC 40 a pris de l’avance, avec une hausse de 21% depuis 2019, contre une progression de 14% pour le SBF 80, une douzaine de sociétés n’ayant toujours pas retrouvé leur activité pré-pandémie.

Parallèlement, le SBF 120 a réussi à améliorer sa rentabilité, avec une marge d’exploitation moyenne de 13,1% l’an dernier, contre 12,9% en 2021 et 10,2% en 2019.

Là encore, le CAC 40 tire vers le haut avec une marge 2022 de 13,9%, portée par le luxe et le secteur bancaire, contre 10,3% pour le SBF 80. Malgré un contexte géopolitique et macroéconomique incertain, les dirigeants expliquent ces performances exceptionnelles par leur résilience et leur diversification métier et géographique, par la reprise économique, et par leur capacité à répercuter les hausses de prix ou à réduire leur base de coûts.

Au niveau de rentabilité actuelle, « la marge de progression est faible », reconnaît François Aupic. « Les sociétés ont profité d’effets d’aubaine en 2022, avec un rattrapage d’activité et des structures de coûts contenus. Dans certains secteurs, comme le luxe avec des marges de 20% à 40%, les limites sont atteintes », estime-t-il.

Petites et grandes entreprises optimistes pour 2023
Du côté des ETI et PME, les résultats 2022 « sont globalement de bonne facture », poursuit François Aupic. « Le bon second semestre a permis de rattraper en partie les moindres performances de la première partie de l’année, marquée par la flambée des prix de l’énergie et des matières premières », explique l’expert.

Ces résultats records des grands groupes ne profitent pas qu’aux actionnaires, mais aussi aux Etats. Les impôts versés dans le monde par les sociétés du SBF 120 ont bondi de 63% en un an, à 67 milliards d’euros, soit 26% de leur résultat opérationnel (27% dans le CAC 40 et 18% dans le SBF 80). Un niveau en ligne avec le taux d’imposition des sociétés en France, de 25%.

Elément encourageant, les sociétés affichent leur optimisme pour 2023, malgré les nombreuses incertitudes, et n’hésitent pas à maintenir ou à renforcer leurs prévisions, constate ATH. « Les grands groupes disposent d’outils de prévisions plus performants, et maîtrisent mieux l’étalement de leurs risques, grâce à leurs différentes activités et à leur empreinte géographique mondiale. En cas de crise, ils peuvent s’ajuster rapidement en termes de coûts et d’effectifs », précise François Aupic.

« Les ETI et PME n’ont pas la même capacité d’adaptation, mais leur taille plus petite les rend plus agiles. D’ailleurs, elles sont plutôt confiantes pour 2023, fortes de leur capacité d’adaptation apprise ces dernières années », poursuit-il.