L inflation est elle durable

Louis Gave de Gavekal : L’inflation est-elle là pour rester ?

par LOUIS GAVE
PubliĂ© 30 NOVEMBRE 2021 À 06:00

Enfant, j’ai eu la chance de frĂ©quenter une Ă©cole jĂ©suite. PoussĂ© par mes amis, j’ai demandĂ© un jour Ă  un professeur : « Mon pĂšre, est-il vrai que les jĂ©suites rĂ©pondent toujours Ă  une question par une autre question ?

Le prĂȘtre m’a regardĂ© de haut en bas et m’a rĂ©pondu : « Qui vous a dit cela ?

Inutile de dire que cette formation m’a bien servi, et le plus souvent, placĂ© dans une situation difficile, j’ai rĂ©ussi Ă  m’en sortir en rĂ©pondant aux questions avec encore plus de questions.

Dans cet esprit, je vais essayer de rĂ©pondre Ă  la plus grande question du marchĂ© d’aujourd’hui - si l’inflation s’avĂšre transitoire - avec plus de questions. AprĂšs tout, il existe trois principales Ă©coles de pensĂ©e sur les causes, et donc l’orientation future, de l’inflation :

PremiĂšrement , la dislocation des chaĂźnes d’approvisionnement due Ă  la pandĂ©mie a poussĂ© les prix Ă  la hausse, et ainsi, Ă  mesure que Covid recule, ces pressions devraient s’attĂ©nuer.
DeuxiĂšmement , des dĂ©ficits budgĂ©taires records, financĂ©s par des politiques monĂ©taires accommodantes, ont fait grimper l’inflation et un resserrement de la politique est donc nĂ©cessaire pour la faire baisser.
TroisiĂšmement , tout comme la dĂ©flation Ă©tait un effet de l’ùre de la mondialisation, la dĂ©mondialisation actuelle est un moteur de l’inflation.
En les décomposant, réfléchissez aux autres questions suivantes :

La Chine est-elle prĂȘte Ă  rouvrir ? Non. Il semble probable que la Chine restera fermĂ©e jusqu’aprĂšs les Jeux olympiques d’hiver de PĂ©kin en fĂ©vrier et peut-ĂȘtre jusqu’au congrĂšs du Parti communiste d’octobre prochain, lorsque Xi Jinping devrait obtenir un troisiĂšme mandat. ConcrĂštement, cela signifie que les hommes d’affaires Ă©trangers auront du mal Ă  se rendre en Chine pour vĂ©rifier leurs chaĂźnes d’approvisionnement et amĂ©liorer leur efficacitĂ©.
La pĂ©nurie de semi-conducteurs est-elle due au Covid ? Non. Les graines de la pĂ©nurie actuelle de semi-conducteurs ont Ă©tĂ© plantĂ©es lorsque la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’est transformĂ©e en une guerre technologique, crĂ©ant ainsi une incertitude pour les producteurs de semi-conducteurs qui ont rĂ©agi en limitant les dĂ©penses en capital.
La pĂ©nurie d’énergie d’aujourd’hui est-elle liĂ©e au Covid ? Non. Cela a plus Ă  voir avec la destruction de capital observĂ©e dans le secteur au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, la poussĂ©e ESG et la rhĂ©torique de la transition Ă©nergĂ©tique. Tout cela a fait grimper le coĂ»t du capital des entreprises Ă©nergĂ©tiques, les obligeant Ă  restituer du capital aux actionnaires plutĂŽt que de forer de nouveaux puits de pĂ©trole. MĂȘme avec la flambĂ©e des prix du brut, les 50 plus grandes sociĂ©tĂ©s Ă©nergĂ©tiques amĂ©ricaines, dans l’ensemble, ne prĂ©voient pas d’augmentation des dĂ©penses en capital. Et pourquoi le feraient-ils, alors que les gros titres crient Ă  la nĂ©cessitĂ© de se dĂ©carboner rapidement ? Ainsi, en l’absence d’une rĂ©cession mondiale, la pĂ©nurie d’énergie est susceptible de durer.
La panne de la logistique mondiale est-elle due au Covid ? Non. Le facteur clĂ© limitant les transports maritimes, les ports et les rĂ©seaux de transport intĂ©rieur est plus de rĂ©glementation, comme les navires devant rĂ©duire leurs Ă©missions de dioxyde de soufre Ă  partir de 2020 et les nouvelles rĂšgles d’autorisation pour les camionneurs long-courriers. Les mesures de santĂ© et de sĂ©curitĂ© en constante expansion crĂ©ent des coĂ»ts qui sont dĂ©sormais supportĂ©s par les consommateurs occidentaux, que ce soit par des prix plus Ă©levĂ©s ou des Ă©tagĂšres vides.
Les pĂ©nuries mondiales de main-d’Ɠuvre actuelles sont-elles liĂ©es au Covid ? Dans une certaine mesure. Les travailleurs de nombreux pays ont Ă©tĂ© payĂ©s pour rester chez eux au cours des 18 derniers mois. Pourtant, bien que les aides aient Ă©tĂ© en grande partie supprimĂ©es, de nombreuses personnes sont toujours absentes du marchĂ© du travail. Alors que Covid devient endĂ©mique, certains peuvent ĂȘtre rĂ©ticents Ă  rĂ©intĂ©grer les lieux de travail surpeuplĂ©s.
Par ailleurs, le vieillissement des populations peut avoir un impact plus direct que prévu : il y a dix ans, la Chine ajoutait 15 millions de travailleurs par an ; maintenant, il voit un net de cinq millions de personnes quitter le marché du travail.

Un autre facteur peut ĂȘtre la course haussiĂšre sur la plupart des marchĂ©s d’actifs qui incite les riches Ă  prendre une retraite anticipĂ©e et de nombreux jeunes Ă  Ă©changer des bitcoins pendant la journĂ©e plutĂŽt que de travailler un travail de jour. Enfin, les mandats de vaccination encouragent-ils les gens Ă  retourner au travail ou, au contraire, les obligent-ils Ă  quitter leur emploi ? À l’heure actuelle, il semble que ce soit ce dernier.

Si toutes les entreprises rouvraient, les dislocations de la chaĂźne d’approvisionnement disparaissaient et les travailleurs se prĂ©sentaient, pourrions-nous produire suffisamment pour rĂ©pondre Ă  la demande ? Probablement pas. Au cours des deux derniĂšres annĂ©es, le marchĂ© haussier de tout a fait grimper la valeur nette des mĂ©nages amĂ©ricains de quelque 29 milliards de dollars, une augmentation record en si peu de temps.
Le rĂ©sultat devrait ĂȘtre une augmentation de la consommation pendant un certain temps. Mais la production suivra-t-elle ? Une prĂ©occupation majeure est qu’au cours des 18 derniers mois de Covid, peu de personnes auront commencĂ© Ă  construire une nouvelle usine, Ă  former une nouvelle main-d’Ɠuvre ou Ă  forer un nouveau puits de pĂ©trole. Le dĂ©sĂ©quilibre offre-demande qui en rĂ©sulte semble donc plaider pour des prix plus Ă©levĂ©s plus longtemps. À moins, bien sĂ»r, que les prix des actifs ne se renversent et ne dĂ©truisent les gains des derniĂšres annĂ©es.

Pour répondre à la question initiale

En rĂ©sumĂ©, je reste convaincu que l’inflation d’aujourd’hui est soit le rĂ©sultat des politiques fiscales et monĂ©taires folles d’aujourd’hui, soit le rĂ©sultat de la dĂ©mondialisation.

Ainsi, pour que l’inflation se renouvelle, nous aurions besoin de voir un changement dans le dosage des politiques budgĂ©taires/monĂ©taires dans les grandes Ă©conomies du monde, dont il y a trĂšs peu de signes.

Alternativement, il faudrait un engagement renouvelé en faveur de la mondialisation, mais sur ce point, les choses semblent aller dans le mauvais sens

Jerome POWEL vient de dĂ©clarer que le tapering va aller plus vite et qu’il faut retirer le mot « provisoire Â» dans sa dĂ©claration sur l’inflation, ce qui signifie qu’elle est en place
wait and see!

Le gars qui écrit ça oublie complÚtement le problÚme du changement climatique.

Il ne parle que production, mondialisation pur faire baisser les prix et
 consommer plus donc polluer et faire crever la planùte plus vite.

L’INFLATION ATTEINT UN NOUVEAU RECORD DANS LA ZONE EURO À 5,8%

Le taux d’inflation dans la zone euro a battu un nouveau record en fĂ©vrier, Ă  5,8% sur un an, toujours propulsĂ© par la flambĂ©e des prix de l’énergie.
Selon une premiĂšre estimation publiĂ©e mercredi par Eurostat, le taux d’inflation a atteint un nouveau record Ă  5,8% dans la zone euro.

En janvier, l’inflation avait atteint 5,1% ce qui reprĂ©sentait dĂ©jĂ  le niveau le plus Ă©levĂ© enregistrĂ© par l’office europĂ©en des statistiques depuis le dĂ©but de cet indicateur en janvier 1997 pour les 19 pays ayant adoptĂ© la monnaie unique. Depuis novembre, l’inflation a atteint chaque mois un nouveau sommet historique.

La hausse des prix Ă  la consommation est toujours alimentĂ©e par la flambĂ©e des prix du pĂ©trole, du gaz et de l’électricitĂ©. Les tarifs de l’énergie se sont envolĂ©s de 31,7% sur un an en fĂ©vrier, aprĂšs +28,8% en janvier.

Mais la progression des prix de l’alimentation (y compris alcool et tabac) s’est aussi accĂ©lĂ©rĂ©e le mois dernier, Ă  4,1%, aprĂšs 3,5% en janvier. Cette accĂ©lĂ©ration atteint aussi les autres composantes. Les biens industriels se sont renchĂ©ris de 3% sur un an en fĂ©vrier, aprĂšs 2,1% le mois prĂ©cĂ©dent. Les prix des services restent relativement plus sages (+2,5% en fĂ©vrier, contre 2,3% en janvier).

L’inflation dĂ©passe l’objectif fixĂ© par la BCE
Cette hausse gĂ©nĂ©ralisĂ©e est une trĂšs mauvaise nouvelle pour les mĂ©nages, dont certains peinent de plus en plus Ă  boucler les fins de mois. Elle est aussi un casse-tĂȘte pour la Banque centrale europĂ©enne (BCE) qui veille Ă  la stabilitĂ© des prix. L’inflation actuelle dĂ©passe trĂšs largement son objectif d’un taux de 2%.

Les combats en Ukraine alimentent les pires craintes sur le front Ă©conomique, en particulier en matiĂšre de hausses de prix.

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La Russie est le principal fournisseur de gaz de l’UE et l’un des principaux exportateurs mondiaux de pĂ©trole. Mais c’est aussi une grande puissance agricole, tout comme l’Ukraine. Les prix du blĂ© meunier et du maĂŻs battent actuellement des records ce qui devrait se reflĂ©ter dans les indicateurs des prochains mois.

Selon les Ă©conomistes, le pic d’inflation devrait ĂȘtre atteint prochainement, mĂȘme si plusieurs Ă©lĂ©ments sĂšment le doute Ă  moyen terme.
La zone euro a achevĂ© 2021 avec une inflation jamais vue depuis 25 ans. En dĂ©cembre, les prix y ont progressĂ© de 5% sur un an. Certes un peu mieux lotie que ses principaux voisins, la France, oĂč l’indice des prix a progressĂ© de 2,8% sur la mĂȘme pĂ©riode, n’a pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par le phĂ©nomĂšne.

Si la flambĂ©e de l’énergie a contribuĂ© pour moitiĂ© Ă  cette inflation, celle-ci s’explique aussi et plus largement par la forte reprise Ă©conomique mondiale post-confinement. Laquelle a entraĂźnĂ© un choc d’offre caractĂ©risĂ©e par des hausses des coĂ»ts de production, elles-mĂȘmes liĂ©es Ă  des ruptures dans les chaĂźnes d’approvisionnement et, dans certains secteurs, des pĂ©nuries de matiĂšres premiĂšres.

Un pic déjà passé?
Mais la Banque centrale europĂ©enne l’assure depuis des mois: ce retour surprise de l’inflation n’est que « temporaire Â». Encore faut-il savoir ce que l’on entend par « temporaire Â». AuditionnĂ© mercredi aux cĂŽtĂ©s des Ă©conomistes de l’Insee, de l’OFCE et de l’institut Rexecode, le directeur gĂ©nĂ©ral de la Banque de France, Olivier Garnier, s’est montrĂ© le plus optimiste en Ă©voquant une « bosse en 2021-2022 Â» suivie dĂšs le dĂ©but de cette annĂ©e d’un tassement de l’inflation pour revenir sous les 2% fin 2022 (Indice des prix Ă  la consommation harmonisĂ©).

Contrairement Ă  la Banque de France, l’Insee, qui utilise l’indice des prix Ă  la consommation non harmonisĂ©, table sur un pic plus tardif avec une inflation qui serait « globalement de 2,7% sur un an Â» dĂ©but 2022. « On prĂ©voit des glissements annuels qui, jusqu’au mois de juin, resteront supĂ©rieurs Ă  2,5% Â», a expliquĂ© devant les sĂ©nateurs Jean-Luc Tavernier, directeur gĂ©nĂ©ral de l’institut de la statistique.

Directeur adjoint de l’OFCE, Christophe Blot estime lui aussi que le pic n’est pas encore atteint: « Aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente (hors prix volatiles) continue d’augmenter, ce qui semble indiquer que le choc n’a probablement pas encore atteint son pic, donc on pourrait voir les mĂȘmes choses en France et dans la zone euro Â», a-t-il dit.
Toute la difficultĂ© est de prĂ©dire ce point haut de l’inflation qui dĂ©pendra de l’évolution des prix de l’énergie et des tensions dans les chaĂźnes d’approvisionnement: « Le consensus global est plutĂŽt que ce choc va se rĂ©sorber. On ne sait pas exactement mesurer Ă  partir de quel moment, probablement au cours du premier semestre 2022 Â», a ajoutĂ© Christophe Blot. De premiers signaux comme la baisse des prix du transport maritime peuvent indiquer que le processus est en marche en ce dĂ©but d’annĂ©e, mais les prix des matiĂšres premiĂšres industrielles restent encore Ă©levĂ©s Ă  ce stade.

Boucle prix-salaires?
Olivier Garnier reconnaĂźt lui aussi qu’« il y a une forte incertitude sur l’ampleur et la durĂ©e de la ‘bosse’ Â». Car si les doutes se concentrent Ă  court terme sur l’évolution des prix de l’énergie et des tensions sur les matiĂšres premiĂšres, l’évolution des salaires sera un autre facteur dĂ©terminant de la hausse des prix :

« Si le choc d’offre dure plus longtemps que prĂ©vu, il peut y avoir des revendications salariales un peu plus importantes pour compenser les pertes du pouvoir d’achat. L’impact va dĂ©pendre du pouvoir de nĂ©gociation des salariĂ©s qui peuvent ĂȘtre diffĂ©rents selon les secteurs Â», souligne Christophe Blot. « A moyen terme, le facteur clĂ©, c’est la boucle prix-salaires Â», abonde Olivier Garnier. Pour l’heure, l’Insee n’observe pas d’accĂ©lĂ©ration salariale susceptible d’alimenter l’inflation. Mais les chefs d’entreprises interrogĂ©s par l’institut s’attendent tout de mĂȘme Ă  une hausse des salaires nominaux en 2022.

L’épargne considĂ©rable accumulĂ©e de maniĂšre forcĂ©e ou non par les mĂ©nages depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie pourrait en outre jouer un rĂŽle dans la trajectoire de l’inflation cette annĂ©e. Dans l’hypothĂšse oĂč une partie de cette manne serait dĂ©pensĂ©e Ă  la faveur d’une amĂ©lioration de la situation sanitaire, un choc de demande pourrait succĂ©der au choc d’offre. Selon l’OFCE, l’inflation serait plus Ă©levĂ©e de 0,9 point dans le scĂ©nario de dĂ©sĂ©pargne par rapport au scĂ©nario sans dĂ©sĂ©pargne.

Un changement de nature de l’inflation
Si l’énergie a Ă©tĂ© le principal moteur de l’inflation ces derniers mois, ce pourrait ne plus ĂȘtre le cas prochainement. Alors que les coĂ»ts de production des produits alimentaires et manufacturĂ©s ont augmentĂ© tout au long de l’annĂ©e, ceux de l’énergie devraient se stabiliser: « Si on se projette pour l’avenir, ce n’est pas un gros pari de dire qu’au premier semestre 2022, Ă  tout le moins, il y aura une contribution plus forte des prix manufacturĂ©s et alimentaires Â», prĂ©voit Jean-Luc Tavernier.

« Il y a un changement de rĂ©gime d’inflation Â», confirme Olivier Garnier. Ce qui coĂŻncide au passage avec les dĂ©clarations de la grande distribution et en particulier de Michel-Edouard Leclerc qui avait indiquĂ© ne pas avoir reportĂ© la hausse des coĂ»ts sur le consommateur fin 2021, avant de prĂ©venir que les prix allaient en revanche « flamber Â» en 2022.

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Quoi qu’il en soit, une fois le pic d’inflation passĂ©, « on ne reviendra pas Ă  la situation prĂ©-Covid mais plutĂŽt Ă  une situation d’inflation proche de celle du milieu des annĂ©es 2000 Â», lorsque l’inflation « Ă©tait proche de 2% Â», a encore indiquĂ© Olivier Garnier devant les sĂ©nateurs. Une projection confirmĂ©e par Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture chez Rexecode, lequel considĂšre « que le taux d’inflation va durablement ĂȘtre plus Ă©levĂ© qu’il ne l’était au cours de la derniĂšre dĂ©cennie Â».

Pourrions-nous « vivre » avec l’inflation comme nous devrions « vivre » avec le COVID-19 ?
Publié le mardi 1 mars 2022
Le covid reflue, l’inflation afflue


Article rĂ©digĂ© par EAVEST, cabinet de conseil indĂ©pendant spĂ©cialisĂ© dans la construction, le suivi et l’analyse de produits structurĂ©s.

Ce qu’il faut retenir :

Dans ce contexte historique, personne n’est Ă©pargnĂ© et les chiffres tĂ©moignent d’une inflation mondiale.

Au-delĂ  de la baisse de pouvoir d’achat, la premiĂšre consĂ©quence est le creusement des inĂ©galitĂ©s.

Les marchés boursiers restent trÚs vulnérables face aux intentions de la Fed et des autres banques centrales

L’inflation est bel et bien installĂ©e.

Alors que depuis les annĂ©es 1990 et les dĂ©buts de la mondialisation, elle n’a cessĂ© de dĂ©croĂźtre, la pandĂ©mie est venue changer la donne et faire flamber les prix. Augmentation de 41% du coĂ»t du gaz ou 21% celui du carburant, nombreux sont les exemples pour caractĂ©riser l’impact de l’inflation sur notre quotidien.

Entre janvier 2021 et janvier 2022, une hausse de 22,8% pour le Gazole, qui se ressent sur le prix d’un plein. Une hausse qui s’explique notamment par l’augmentation du prix du baril de Brent de Mer du Nord qui a atteint mi-janvier son plus haut niveau.

Dans ce contexte historique, personne n’est Ă©pargnĂ© et ces chiffres peuvent tĂ©moigner d’une inflation mondiale. En effet, Entre les mois de juillet et de novembre, l’inflation en France n’a cessĂ© d’augmenter, passant de 1,5 % sur un an Ă  3,4 %. L’inflation totale en zone euro a battu un nouveau record Ă  +5,1% en glissement annuel. Assez largement Ă  cause des prix de l’énergie mais pas seulement. Tous les secteurs sont touchĂ©s du prix de l’énergie aux produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© jusqu’aux produits Ă©lectroniques.

Aux États-Unis, la situation est tout aussi prĂ©occupante avec un chiffre record : +7,5%. La situation AmĂ©ricaine est ainsi jugĂ©e « intolĂ©rable » par de nombreux Ă©conomistes.

En Russie, oĂč Vladimir Poutine fait craindre la possible invasion de l’Ukraine, le pays est victime d’une importante tendance inflationniste, qui a atteint +8,7% entre janvier 2021 et janvier 2022. [Article rĂ©digĂ© le 22 fĂ©vrier par les Ă©quipes d’Eavest, juste avant le dĂ©but de l’invasion]

Enfin, chez la deuxiĂšme puissance mondiale, l’inflation reste plus modĂ©rĂ©e. Effectivement, en Chine, les prix Ă  la consommation ont augmentĂ© de seulement 0,9%.

Alors que le covid reflue, l’inflation afflue. Cette nouvelle pandĂ©mie vient Ă©branler le monde.

Quelles en sont les raisons ?

Il existe trois principales raisons qui peuvent expliquer une tendance inflationniste :

l’inflation par la monnaie,

par la demande ou

par les coûts.

Actuellement, les ministres des Finances estiment que les taux d’inflation sont Ă©levĂ©s dans de nombreux pays, en raison des perturbations dans les chaĂźnes d’approvisionnement, d’inadĂ©quations entre l’offre et la demande et de la hausse des prix de l’énergie.

Quelles en sont les conséquences ?

Au-delĂ  de la baisse de pouvoir d’achat, la premiĂšre consĂ©quence est le creusement des inĂ©galitĂ©s. En effet, tous les agents Ă©conomiques ne peuvent pas faire Ă©voluer leurs revenus Ă  la mĂȘme vitesse que l’inflation. Celle-ci va ĂȘtre favorable aux emprunteurs et aux titulaires de revenus flexibles, mais elle pĂ©nalise les Ă©pargnants, les crĂ©anciers.

Il faudra dĂ©sormais dĂ©bourser plus d’argent pour acheter les mĂȘmes produits classiques que vous achetiez dans les supermarchĂ©s. A titre d’exemples, le prix du cafĂ© continue sa hausse et devrait augmenter d’environ 5 Ă  10% en 2022.

En France, cette pĂ©riode d’inflation rend l’avenir incertain et complique la croissance Ă©conomique du pays. En effet, l’état qui tente par tous les moyens de rassurer et de contenir les prix de l’énergie, doit Ă©galement faire face aux consĂ©quences Ă©conomiques de la crise sanitaire et du « quoi qu’il en coĂ»te ».

Enfin, les marchĂ©s boursiers restent trĂšs vulnĂ©rables face aux intentions de la Fed et des autres banques centrales en matiĂšre monĂ©taire. L’incertitude accrue sur les perspectives d’inflation implique que la Banque centrale europĂ©enne garde toutes ses options ouvertes, en particulier sur les futures hausses de taux d’intĂ©rĂȘts. L’augmentation de ce taux directeur va provoquer mĂ©caniquement une hausse des taux d’intĂ©rĂȘts pour les crĂ©dits - que ce soient les emprunts que font les Ă©tats, les emprunts que font les sociĂ©tĂ©s ou les crĂ©dits des particuliers. Cette hausse du taux de la BCE risque ainsi d’avoir un impact sur la consommation, principal moteur de la « croissance » en France, en ralentissant la demande pour rĂ©tablir un point d’équilibre avec l’offre et atteindre l’objectif des 2% d’inflation.

Également, le remboursement de la dette publique est rendu plus cher, et pour les entreprises, le crĂ©dit sera moins abondant et cela aura un effet mĂ©canique sur l’investissement. Outre l’impact des banques centrales dans le maintien de l’inflation, les gouvernements aussi s’investissent. En France, le « chĂšque inflation » de 100€ distribuĂ© par l’état permet en partie de protĂ©ger le pouvoir d’achat des français, rĂ©duire la pression sur les salaires et « in fine » rĂ©duire l’inflation. De plus, Ă  l’heure de la prĂ©sidentielle 2022, nous pouvons assister Ă  une vague massive et dynamique de propositions visant Ă  lutter contre l’inflation. Par ailleurs, tous les candidats s’accordent sur un point concernant l’inflation : la hausse des salaires moyens. Reste Ă  savoir qui sortira vainqueur.

Pour conclure, avec la reprise de l’économie et de la consommation, la hausse des coĂ»ts de l’énergie, des matiĂšres premiĂšres et des transports, les rĂ©percussions sur les produits finis comme les vĂȘtements semblent aujourd’hui incontournables. L’inflation est bel et bien installĂ©e. Ainsi, il en revient de nous poser la question de la durabilitĂ© de l’inflation, de ses consĂ©quences financiĂšres et notre capacitĂ© Ă  faire face Ă  cette nouvelle « Ă©pidĂ©mie » alors que le monde sort Ă  peine la crise du COVID-19.

Comment gĂ©rer l’inflation dans un portefeuille ?PrĂ©voir l’inflation Ă  court terme n’est pas nĂ©cessairement d’une grande utilitĂ©. Faire attention aux valorisations est en revanche un impĂ©ratif.
Jocelyn JovĂšne01.12.2021FacebookTwitterLinkedInFont-Size
AprĂšs des dĂ©cennies de chute des rendements obligataires et d’inflation faible, voire de pĂ©riodes de dĂ©flation, le rebond de l’inflation et son maintien ou pas sur des niveaux Ă©levĂ©s est au cƓur des prĂ©occupations des investisseurs.

Or l’inflation rĂ©duit le pouvoir d’achat de nombreuses classes d’actifs. Elle rogne le coupon que versent les obligations. Elle conduit sur longue pĂ©riode Ă  une augmentation du taux sans risque et peut peser sur les marges de certaines entreprises, ce qui affecte le potentiel de valorisation des actions.

Ignorer l’inflation est donc impossible.

Mais faut-il pour autant chercher à prévoir son niveau à court terme ? Pas nécessairement, selon Clémence Dachicourt et Tanguy de Lauzon, respectivement gérante de portefeuille senior et responsable des risques chez Morningstar Investment Management, au cours de la conférence annuelle de Morningstar France.

En revanche, comprendre l’évolution des rĂ©gimes d’inflation sur longue pĂ©riode et les comportements des diffĂ©rentes classes d’actifs peut s’avĂ©rer utile sur la maniĂšre de piloter une allocation au fil du temps.

Par exemple, l’analyse des rĂ©gimes d’inflation en France (entre 1900 et 2020) montre que les phases d’inflation faible sont assez peu frĂ©quentes. En revanche, l’occurrence de rĂ©gimes d’inflation supĂ©rieure Ă  5% est Ă©levĂ©e (40%) et la probabilitĂ© que cette phase soit suivie par un niveau d’inflation soutenue est forte.

Or, dans un contexte d’inflation Ă©levĂ©e, actions et obligations sont pĂ©nalisĂ©es. « Concernant les actions, la dispersion des performance entre secteurs est significative, avec des risques de perte en capital importants, ce qui signifie que les actions ne sont pas la classe d’actifs la mieux Ă  mĂȘme de protĂ©ger contre le risque d’inflation Ă©levĂ©e », note ClĂ©mence Dachicourt.

Cette dispersion des performances ne permet pas non plus de privilégier un positionnement en termes de style (croissance ou « value ») selon le régime inflationniste.

Comment donc construire un portefeuille ?

Suite Ă  la pandĂ©mie de COVID et au rebond des marchĂ©s financiers qui a suivi, « on est aujourd’hui sur des niveaux de valorisation extrĂȘmement tendues sur l’ensemble des classes d’actifs et dans la plupart des zones gĂ©ographiques, Ă  un moment oĂč la croissance Ă©conomique ralentit », observe la gĂ©rante.

S’exposer Ă  des actifs chĂšrement valorisĂ©s accroĂźt le risque d’un portefeuille et ne permet pas, sur le long terme, de contrebalancer la perte de pouvoir d’achat liĂ©e Ă  l’inflation.

Ceci veut dire qu’il faut chercher des classes d’actifs dĂ©cotĂ©es. « Or ces classes d’actifs sont souvent mal aimĂ©es des investisseurs », souligne ClĂ©mence Dachicourt.

En outre, l’inflation n’est pas le seul facteur de risque qui peut impacter un portefeuille. D’autres Ă©lĂ©ments liĂ©s au rĂ©gime macro-Ă©conomique, comme les devises, peuvent avoir un impact significatif sur la performance d’un portefeuille.

Dans un environnement oĂč l’inflation reviendrait durablement, la meilleure maniĂšre de construire une allocation consiste donc Ă  privilĂ©gier des actifs dĂ©cotĂ©s, « qui sont probablement moins prisĂ©s et pas toujours les plus confortables Ă  dĂ©tenir, mais sont en revanche ceux qui offrent la plus grande probabilitĂ© de gĂ©nĂ©rer un rendement en phase avec les objectifs des investisseurs », estime ClĂ©mence Dachicourt.

Cet élément pourrait conduire à des pressions inflationnistes supplémentaires

Publié le mercredi 25 mai 2022
Ces deux derniĂšres annĂ©es, le fonctionnement du transport maritime de marchandises s’est enrayĂ©, notamment Ă  cause de la congestion des grands ports. Cela pourrait paraĂźtre anecdotique mais des travaux rĂ©cents montrent que les consĂ©quences Ă©conomiques de ces perturbations sont importantes, en particulier en ce qui concerne l’inflation.

Par Bastien Drut, Responsable de la Macro Stratégie Thématique chez CPR AM

L’importance du transport maritime de marchandises

Il y a peu d’endroits oĂč l’état des chaĂźnes d’approvisionnement internationales est aussi visible que dans les grands ports. En effet, la ConfĂ©rence des Nations unies sur le commerce et le dĂ©veloppement (CNUCED) estime que plus de 80 % du commerce de marchandises en volume est rĂ©alisĂ© par bateaux (plus de 70% en valeur). Ce pourcentage est mĂȘme encore plus Ă©levĂ© pour la plupart des pays Ă©mergents. DĂšs lors, on comprend aisĂ©ment que des perturbations de cette organisation peuvent avoir des consĂ©quences Ă©conomiques importantes et ce que nous allons voir dans la suite de ce texte en nous penchant sur deux documents de travail du FMI sortis sur le sujet Ă  la fin mars 2022.

Des temps de transport plus élevés

Dans le premier de ces documents de travail, les chercheurs du FMI ont utilisĂ© une base de donnĂ©es qui recense les voyages de quasiment tous les cargos du monde ces derniĂšres annĂ©es. Tout comme les avions avec leurs transpondeurs, quasiment tous les cargos Ă©mettent pĂ©riodiquement un signal, notamment pour Ă©viter les collisions, et ces signaux peuvent ĂȘtre recueillis par des rĂ©cepteurs sur terre ou par des satellites commerciaux, ce qui peut permettre de suivre une grande partie des flux commerciaux en temps rĂ©el. Ces chercheurs se sont focalisĂ©s sur les cargos transportant des produits manufacturĂ©s et ont exclu de l’analyse les bateaux de loisir et les cargos transportant des matiĂšres premiĂšres. Ils ont aussi exclu les bateaux dont le point de dĂ©part et le point d’arrivĂ©e sont dans le mĂȘme pays pour bien se focaliser sur les relations commerciales internationales.

Leurs rĂ©sultats sont clairs : les temps de transport maritime de marchandises (qui incluent la navigation entre le port de dĂ©part et le port d’arrivĂ©e, l’attente pour entrer dans le port et le chargement/dĂ©chargement des marchandises) ont augmentĂ© dĂšs le dĂ©but de la crise Covid, avec une accĂ©lĂ©ration marquĂ©e fin 2020, du fait de la congestion des ports. Fin 2021, les temps de trajet Ă©taient en moyenne 25% plus longs par rapport Ă  avant la pandĂ©mie, dont deux tiers proviendraient de l’attente pour entrer dans le port et un tiers pour le chargement/dĂ©chargement des marchandises. C’est un peu comme si les distances Ă©taient plus importantes, ce qui gĂ©nĂšre des coĂ»ts supplĂ©mentaires. Les auteurs de cette Ă©tude ont cherchĂ© Ă  savoir ce que cela reprĂ©sentait Ă©conomiquement : ils estiment que ce surplus de temps de transport est Ă©quivalent Ă  une hausse des droits de douane moyens au niveau mondial allant de 0,9 Ă  3,1 points de pourcentage selon les modĂšles. Si on prend le milieu de cette fourchette, la hausse des temps de trajet serait donc Ă©quivalente Ă  une hausse des droits de douane moyens de 2 points de pourcentage
 ce qui correspond Ă  la baisse des droits de douane moyens appliquĂ©s au niveau mondial entre 2003 et 2017. Au final, c’est comme si cet allongement de temps de transport maritime effaçait 14 ans de baisse des droits de douane, et donc pour ainsi dire de mondialisation.

Un autre point intĂ©ressant est que mĂȘme si la congestion des ports a Ă©tĂ© visible Ă  de nombreux endroits du monde, il y a de grandes diffĂ©rences entre les pays, les Etats-Unis et la Chine Ă©tant les plus touchĂ©s par la persistance de l’allongement des temps de transport, les volumes de biens Ă©changĂ©s entre ces deux pays ayant fortement augmentĂ© lors de la crise Covid.

Un fort impact sur l’inflation

Dans le deuxiĂšme document de travail, d’autres Ă©conomistes du FMI se sont cette fois focalisĂ©s sur l’impact de la hausse du coĂ»t du fret maritime sur l’inflation. Leur point de dĂ©part est le fait que ces coĂ»ts de fret maritime ont justement fortement augmentĂ© depuis le dĂ©but de l’épidĂ©mie de Covid : en octobre 2021, le coĂ»t du transport maritime de containers Ă©tait en hausse de plus de 500% par rapport Ă  avant l’épidĂ©mie (et de plus de 200% pour le transport de matiĂšres premiĂšres brutes). Selon eux, deux facteurs expliquent cette hausse :

la forte augmentation de la demande de produits intermédiaires liée à la plus forte activité manufacturiÚre,

le fait que les capacitĂ©s de fret ont Ă©tĂ© contraintes par les difficultĂ©s logistiques Ă©voquĂ©es plus haut et des pĂ©nuries d’équipement associĂ©es aux containers. Il y a par exemple le fait que les retards de livraison peuvent occasionner le paiement de pĂ©nalitĂ©s.

Ici, les auteurs de l’étude ont cherchĂ© Ă  dĂ©terminer l’impact sur les prix Ă  la consommation, qui est forcĂ©ment non nĂ©gligeable quand on sait que les importations de biens reprĂ©sentent en moyenne prĂšs de 40 % du PIB. Ces chercheurs ont travaillĂ© sur un Ă©chantillon de 46 pays entre fĂ©vrier 1992 et dĂ©cembre 2021 et ont mesurĂ© comment une hausse des coĂ»ts de fret maritime impactait l’inflation domestique toutes choses Ă©gales par ailleurs. Leur conclusion est qu’une hausse d’un Ă©cart-type des coĂ»ts de fret (soit une augmentation de 21,8 %) augmente l’inflation de 0,15 point de pourcentage au bout de 12 mois. Un autre rĂ©sultat intĂ©ressant montre que l’effet se dissipe un peu sur les 6 mois suivants mais ne disparait pas complĂštement. Les auteurs notent par ailleurs que les effets sont plus forts dans les pays Ă©mergents que dans les pays dĂ©veloppĂ©s et qu’il y a un effet similaire sur l’inflation sous-jacente, mĂȘme s’il est un peu moins fort que pour l’inflation totale. Au final, la hausse de 500% des coĂ»ts du fret maritime observĂ©e pendant la crise Covid a vraisemblablement ajoutĂ© plusieurs points d’inflation dans les grandes zones.

Les perturbations du transport maritime sont trĂšs loin d’ĂȘtre anecdotiques et ont probablement des consĂ©quences Ă©conomiques bien plus fortes que ce que l’on pourrait penser au premier abord
 C’est clairement un Ă©lĂ©ment Ă  prendre en compte pour bien comprendre l’accĂ©lĂ©ration rĂ©cente de l’inflation. D’ailleurs, les restrictions sanitaires rĂ©centes prises en Chine, et les perturbations induites en termes de transport maritime, vont donc indubitablement donner naissance Ă  des pressions inflationnistes supplĂ©mentaires pour les États-Unis et l’Europe.