Iter

Iter, le projet de fusion nucléaire, avance pas à pas

Vinci a terminé le génie civil du Tokamak, le bâtiment principal, dans les Bouches-du-Rhône.
EMMANUEL EGLOFF

À Cadarache, ce bâtiment accueillera dans les prochaines années le Tokamak d’Iter, le plus grand réacteur au monde de ce type, capable, à l’horizon 2065, de fournir une énergie durable, non polluante - sans radioactivité ni émissions de CO2 - et sûre.

Le chantier Iter est immense. Pas moins de 39 bâtiments devraient être construits à Saint-Paul-lès-Durance, aux confins des Bouches-du-Rhône. Le plus gros est une immense cathédrale, de 120 mètres de long pour 73 mètres de haut. L’Arc de triomphe y tiendrait facilement à l’intérieur. Et ce mois de novembre 2019 marque une étape importante avec la fin des travaux de ce bâtiment. Les travaux de génie civil, menés par Vinci, sont terminés. Ne reste plus que la pose d’une charpente métallique sur son toit, ce qui sera fait début 2020. Conformément au calendrier défini en 2015. Ce chantier, c’est celui du projet Iter, qui vise à construire un réacteur nucléaire utilisant la technologie de la fusion.

« L’objectif d’Iter est de démontrer la réalité de l’énergie de fusion nucléaire », explique simplement Bernard Bigot, directeur général d’Iter, qui fédère 35 pays. « L’enjeu est énorme car il s’agit de fournir une énergie durable, non polluante - sans radioactivité et sans émissions de CO2 - et sûre », confirme Jérôme Stubler, le président de Vinci Construction, fier d’avoir tenu le calendrier déterminé en 2015. L’environnement est difficile pour les grands projets nucléaires, comme le montrent les difficultés des EPR en France, en Finlande ou au Royaume-Uni. Comme les autres, Iter a connu des débuts difficiles, avec hausse du budget prévisionnel et délais supplémentaires. Les premières discussions autour du projet se sont tenues entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan en 1985, au temps de la guerre froide. Il a fallu vingt ans de négociations pour un lancement officiel, et le choix du site de Cadarache, à côté du CEA, le commissariat à l’Énergie atomique, sur la commune de Saint-Paul-lès-Durance, pour implanter le projet.

23 000 tonnes, le poids de trois tour Eiffel

La première pierre est posée en 2010. Le projet avance, mais prend du retard. En mars 2015, Bernard Bigot, ancien patron du CEA, est nommé à la tête d’Iter. Il officialise cinq années de retard. Le budget atteint environ 20 milliards d’euros pour la phase de construction. Depuis son entrée en fonction, le nouveau patron tient les délais, comme le montre la livraison du bâtiment Tokamak. C’est le plus stratégique. C’est là que doit être assemblé dans les prochaines années le Tokamak, acronyme russe de chambre toroïdale à bobines magnétiques, le cœur de la centrale nucléaire Iter. L’enjeu est très important pour Vinci : la partie que le groupe français gère représente 700 millions d’euros de contrats. Parvenir à cette livraison relève déjà de l’exploit. Une partie du béton qui le compose contient 750 kg de ferraille par m3, contre à peine 250 kg pour les travaux ordinaires de génie civil. Surtout, les ingénieurs d’Iter n’ont cessé de faire évoluer leur projet, rendant très difficile l’avancée des travaux. « Nous devions faire face à 1,5 modification par jour à l’arrivée de Bernard Bigot, rapporte Jérôme Stubler. Il a exigé que tout nouveau changement soit justifié devant lui, ce qui a permis d’avancer. »

De quoi confirmer le calendrier. « Il y a toujours des problèmes sur un chantier, mais il faut réagir vite, prendre les bonnes décisions pour que ça fonctionne », se félicite le patron de Vinci Construction. Pour autant, l’odyssée d’Iter est loin d’être terminée. Il va falloir assembler le réacteur proprement dit, le Tokamak. Ses composants, construits dans les pays membres de l’organisation, pèsent 23 000 tonnes, soit plus de 3 tour Eiffel. « Il faut être capable d’accélérer un noyau d’hydrogène à 150 millions de degrés dans une boîte de 30 mètres de diamètre, précise Bernard Bigot. Pour y parvenir, il faut être capable de positionner des éléments métalliques gigantesques à une précision d’un demi-millimètre pour créer une cage magnétique géante. » Les obstacles à surmonter sont encore énormes. Mais le patron du plus grand projet mondial en matière d’énergie y croit.

Prochaine étape, en 2025, pour commencer à faire fonctionner le réacteur. Puis, il faudra réussir à produire de l’énergie, c’est-à-dire plus que celle nécessaire pour réaliser la fusion. En théorie, un gramme d’hydrogène qui fusionne produit autant d’énergie que 8 tonnes de pétrole. Il faut le démontrer. Ce qui prendra bien une quinzaine d’années. Les industriels pourront alors commencer à investir pour développer leurs propres réacteurs, réellement opérationnels. Le patron d’Iter estime qu’un premier raccordement à un réseau électrique pourrait avoir lieu vers 2065. Iter nous fait un peu revenir au temps des cathédrales, au moins dans l’horizon temporel qui sort d’une seule vie humaine.

Le Figaro - lundi 11 novembre 2019

Les isotopes de l’hydrogène ne sont pas lié à la problématique de la fabrication l’hydrogène. Car il sont principalement récupéré et fabriqué dans la forme la plus courante de l’hydrogène sur terre: l’eau.
Et je crois bien qu’il est utilisé sous cette forme liquide plutôt que sous une forme isotopique gazeuse (ça j’en mettrais pas ma main à coupé en revanche)

Par contre la plus grosse part de tritium industrielle étant fabriqué par les réacteurs nucléaires à fission (type eau lourde) je me demande si on devra garder des réacteurs à fission pour avoir du combustible pour les réacteurs à fusion…?

Bonjour, six mois déjà ! Le chantier a du avancer. La réussite de la France est d’avoir pu obtenir la réalisation du projet pharaonique sur le sol Français. Le projet est financé par un grand nombre de pays industrialisés. Le Japon, un temps, avait essayé d’obtenir ce projet, mais la France est au rang de premier pays au nombre de centrale nucléaire par habitant. Un choix décidé au début des années 70 pour réduire notre dépendance vis à vis des énergies fossiles. Ce choix est renforcé aujourd’hui par l’absence d’empreinte carbone (pas d’émission CO2), les Allemands ont fait le choix du Charbon, polluant allègrement l’atmosphère et participant au réchauffement. Bravo, la France qui avait bien besoin de ce projet suite a son déclin industriel depuis 30 ans…

                       ITER : Etat des lieux en 2023

À Cadarache, ce bâtiment accueillera dans les prochaines années le plus grand réacteur au monde de ce type, capable de fournir une énergie durable, non polluante - sans radioactivité ni émissions de CO2 - et sûre.

Le plus gros bâtiment est une immense cathédrale, de 120 mètres de long pour 73 mètres de haut.

Iter fédère 35 pays ( 21M $)

Au total, environ 100 000 personnes dans le monde sont mobilisées par le projet

Si tout se déroule comme prévu, après la fabrication d’un premier plasma à partir d’hydrogène, prévue pour 2025, puis la première production d’énergie nucléaire à base de deutérium et de tritium en 2035, ce n’est pas avant 2050, que pourrait s’envisager une exploitation commerciale.

Conclusion : Iter est très en retard par rapport aux Chercheurs Chinois

La Chine est parvenue à maintenir dans son « Superconducteur expérimental avancé » (EAST) les conditions nécessaires à la fusion nucléaire pendant plus de 100 secondes, .

Le 30 décembre 2021, les chercheurs et ingénieurs de l’Institut de Physique des Plasmas de l’Académie des Sciences à Hefei en Chine, ont réussi à maintenir un plasma de fusion à une température de 70 millions de degrés pendant plus de 17 minutes

Les dimensions du projet Iter, qui vise à reproduire à grande échelle l’énergie du soleil, donnent le vertige. Y compris son horizon de temps, qui peut sembler tardif au regard de l’urgence des enjeux… et des ambitions chinoises.

« Ce que nous essayons de faire, c’est de mettre le soleil en bouteille ». Ainsi Sabina Griffith, porte-parole d’Iter Organization, résume-t-elle le projet. L’objectif d’Iter (International thermonuclear experimental reactor) est en effet de reproduire le processus à l’oeuvre au coeur des étoiles et
notamment du soleil, afin de bénéficier pour des centaines d’années d’une énergie infinie, décarbonée et beaucoup moins risquée à produire que celle du nucléaire actuel, fondé sur la fission (voir encadré).
Mais poursuivre pareille ambition nécessite d’unir ses forces, de voir grand et de raisonner à - très - long terme. L’aventure mobilise 35 pays, dont les 28 membres de l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, l’Inde, la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Bruxelles, via la structure Fusion for Energy (F4E), participe à hauteur de 45 %, chacune des six autres parties finançant environ 9 % du projet. Mais cet attelage n’est pas un long fleuve tranquille. Ainsi, depuis la signature fondatrice, intervenue en 2006, les États-Unis ont déjà quitté l’aventure pendant plusieurs années, pour finalement y revenir il y a quelques mois.
Aujourd’hui, bien que les équipes, auxquelles appartiennent plusieurs dizaines de salariés britanniques, assurent s’être préparées au scénario du pire, le Brexit fait planer une ombre sur le financement du projet. L’accord qui lie les partenaires prévoit qu’ils se répartissent la construction d’un premier réacteur, qui doit être assemblé en 2020. Ultérieurement, chacun des partenaires pourra fabriquer son propre réacteur dans son pays. C’est en France, qui en 2005, a remporté la partie face au Japon pour accueillir le projet, que se déroule la première phase. Plus précisément à Saint-Paul-lès-Durance (Bouches-du-Rhône).

60 % du chantier sont achevés

Sur un terrain de 42 hectares situé sur une colline bordant cet affluent du Rhône, jouxtant celui occupé depuis le début des années 1960 par le Centre d’énergie atomique (CEA), s’affairent quotidiennement près de 3.000 personnes, employés issus de tous les pays membres d’Iter mais aussi les salariés de quelque 450 entreprises sous-traitantes. Au total, environ 100.3000 personnes dans le monde sont mobilisées par le projet. Mais plus encore que son caractère cosmopolite, ce qui distingue Iter est l’horizon de temps dans lequel il s’inscrit. C’est, littéralement, le projet d’un siècle. En effet, si tout se déroule comme prévu, après la fabrication d’un premier plasma à partir d’hydrogène, prévue pour 2025, puis la première production d’énergie nucléaire à base de deutérium et de tritium en 2035, ça n’est pas avant 2050, voire 2080, que pourrait s’envisager une exploitation commerciale.
Dès la conception du projet, les choses sont allées à un train de sénateur. L’idée de reproduire sur terre la fusion solaire à grande échelle et à des fins civiles (fusion par confinement magnétique, ou contrôlée) a été évoquée pour la première fois entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev lors du sommet de Genève en 1985. Mais ça n’est pas avant 2007 que le premier coup de pioche a été donné à Saint-Paul-lès-Durance. Entre temps, le programme a été porté sur les fonts baptismaux en 1988, le design du réacteur arrêté en 1998, et l’accord Iter signé à l’Élysée entre tous les partenaires en 2006 en présence de Jacques Chirac, pour une durée de 35 ans. Même le début des travaux à Cadarache n’a pas marqué une véritable accélération. Le principe de la contribution en nature de tous les partenaires et l’externalisation de fait de la recherche n’ont sans doute pas favorisé l’efficacité et la rapidité d’exécution. Quoi qu’il en soit, le calendrier et le budget ont rapidement commencé à déraper. Ainsi, le budget actuel avoisine les 20 milliards d’euros alors qu’il ne dépassait pas 5 milliards à l’origine, tandis que les échéances actuelles de 2025 et 2035 étaient initialement fixées à 2019 et 2027.
C’est pour remettre le chantier sur les rails que Bernard Bigot, ancien administrateur général du CEA, a été appelé à la rescousse en 2015. Avec succès semble-t-il, puisque son mandat, initialement prévu jusqu’en mars 2020, a été reconduit en début d’année pour cinq années supplémentaires. Calendrier ambitieux mais réaliste, délais et budget tenus… Iter semble s’être enfin éveillé. À ce jour, quelque 60 % du chantier sont achevés. Au coeur des 42 hectares : le bâtiment qui abritera le tokamak doit être livré en mars 2020. Cet acronyme russe désigne une chambre toroïdale à bobines magnétiques. C’est en effet dans cet aimant géant, équipé de supraconducteurs actuellement en cours de construction sur le site, qu’un plasma (un gaz chaud électriquement chargé) doit être porté à 150 millions de degrés, soit dix fois la température du soleil, pour provoquer l’assemblage de noyaux d’atomes, réaction qui dégage une grande quantité d’énergie.

Démontrer la sûreté d’un dispositif de fusion.

Ce réacteur sera placé à l’intérieur d’un cryostat, une enveloppe en acier inoxydable d’un diamètre et d’une hauteur de 30 mètres. L’ensemble pèsera 23.000 tonnes, 3,5 fois plus que la Tour Eiffel, et sera posé sur près de 500 plots parasismiques autorisant un déplacement de 60 centimètres. L’assemblage du million de composants du réacteur se poursuit sous un hall de 60 mètres de haut et autant de large. Le premier plasma, utilisé pour tester l’installation en 2025, sera produit à partir d’hydrogène. C’est seulement dans une deuxième phase à partir de 2035 que seront utilisés des atomes de tritium et de deutérium. Le but sera alors d’obtenir un plasma dans lequel la chaleur de la réaction de fusion demeure confinée pour entretenir une réaction de longue durée.
Iter vise notamment à prouver qu’avec 50 MW de puissance initiale consommée pour chauffer le plasma, il sera possible d’obtenir une puissance de fusion de 500 MW. Une performance très supérieure à celles des tokamaks existants. Le JET (Joint European Torus), installé près d’Oxford au Royaume-Uni, qui détient le record actuel, affiche une puissance de fusion de 16 MW pour une puissance de chauffage de 24 MW. C’est ce ratio qu’Iter ambitionne de porter de 0,67 à 10. Autre objectif recherché : démontrer la sûreté d’un dispositif de fusion. À ceux qui s’inquiètent d’un projet nucléaire de cette ampleur, ses promoteurs rétorquent que le deutérium n’est pas radioactif, quand la demi-vie du tritium (date après laquelle la moitié des noyaux radioactifs se sont désintégrés) n’est que de douze ans.
Aucun risque de réaction en chaîne ni de fusion du réacteur. Au pire, une installation comme Iter pourrait relâcher quelques centaines de kilos d’helium. Aux esprits chagrins qui jugent le budget de 20 milliards disproportionné, et que certains accusent d’assécher d’autres travaux de recherche, les promoteurs rétorquent avec d’autres chiffres : l’Europe dépense aujourd’hui 1 milliard d’euros par jour pour ses importations d’énergie.

La Chine en pointe

La poursuite du projet n’en reste pas moins suspendue au budget européen, qui en finance 45 %. Le Parlement européen a proposé 6 milliards pour la période 2021-2027, mais les véritables négociations interviendront en fin d’année, pour une décision finale en 2020. Ce sont les chefs d’États et de gouvernements qui auront le dernier mot et, dans un contexte où les finances publiques se tarissent, Iter doit plus que jamais faire bonne figure, en évitant notamment tout retard ou dérapage budgétaire supplémentaire. Même en supposant que le projet se déroule selon le calendrier actuel, son horizon prête le flanc à la critique.
La Chine qui, dans le cadre de sa participation à Iter, est parvenue à maintenir dans son « Superconducteur tokamak expérimental avancé » (EAST) les conditions nécessaires à la fusion nucléaire pendant plus de 100 secondes, a le projet de construire un autre réacteur à fusion nucléaire. Celui-ci serait relié au réseau électrique, et pourrait produire de l’électricité à partir de 2040 ou 2050. C’est-à-dire bien avant qu’Iter soit opérationnel… Une perspective qui n’est pas sans rappeler le précédent de l’EPR.
Alors que la mise en service de Flamanville n’en finit pas d’être reportée, celui construit par EDF et ses partenaires chinois à Taishan fonctionne déjà. Quant aux écologistes les plus hostiles au projet, ils pointent le décalage entre un projet visant la fin du siècle et les dix à vingt ans, dont nous disposons selon le GIEC, pour parvenir à nous passer des énergies fossiles.

EN CHIFFRES

500 MW. La puissance de fusion que vise Iter avec 50 MW de puissance initiale consommée pour chauffer le plasma.

Pourquoi la fusion ?

À l’inverse de la fission, réaction consistant à scinder en deux des noyaux de grande taille comme ceux de plutonium ou d’uranium - actuellement utilisée dans les réacteurs nucléaires en activité - la fusion nucléaire consiste à faire s’assembler des noyaux légers. C’est la réaction à l’oeuvre dans les étoiles ou le soleil. Les deux process dégagent une grande quantité d’énergie. Dans le cadre d’Iter, ce sont des noyaux de tritium et de deutérium qui s’assembleront pour former des noyaux d’hélium.
La chaleur produite par le choc des neutrons sur les parois du réacteur sera utilisée pour produire de la vapeur et actionner des turbines qui génèreront de l’électricité. La fusion produit peu de déchets, à l’exception des murs du réacteur, faiblement radioactifs et recyclables au bout de 100 ans, quand les déchets produits par la fission ont une durée de vie de plusieurs centaines de milliers d’années. Autre avantage de la fusion : en cas d’incident, nul risque de réaction en chaîne ni de fusion du coeur du réacteur comme cela s’est produit à Tchernobyl ou Fukushima.

Une Ă©tape historique pour la fusion inertielle

​Le 8 août 2021, le National Ignition Facility (NIF) du Laboratoire national Lawrence Livermore en Californie, a produit huit fois plus d’énergie grâce à la fusion inertielle que lors des expériences précédentes. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) revient sur l’événement et explique pourquoi cette preuve de concept constitue une avancée majeure.

Parallèlement au projet de fusion ITER, à Cadarache dans le sud de la France, les recherches se poursuivent aux quatre coins du monde. Différents concepts sont explorés pour la fusion nucléaire : le confinement magnétique, notamment à Cadarache et le confinement inertiel par laser comme au National Ignition Facility aux États-Unis ou au Laser MégaJoule en France, à côté de Bordeaux. Le 8 août 2021 le NIF du Laboratoire Lawrence Livermore a produit huit fois plus d’énergie grâce à la fusion inertielle que lors de précédentes expériences. Fusion nucléaire ? Confinement magnétique ou inertiel ? Daniel Vanderhaegen, Directeur du Programme Simulation de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA a fait le point sur l’avancée majeure réalisée au NIF.

Pouvez-vous nous rappeler tout d’abord ce qu’est la fusion nucléaire ?

Il existe deux façons de produire de l’énergie à partir de réactions nucléaires.

Il y a tout d’abord la fission, qui consiste à casser des noyaux atomiques lourds. Ce mécanisme est mis à contribution dans les centrales nucléaires.

Il y aussi la fusion, réaction inverse au stade expérimental, où l’on rapproche à très courte distance des noyaux légers, en particulier des isotopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium), dans le but de générer de l’énergie thermonucléaire. On reproduit ainsi la réaction physique qui se passe au cœur des étoiles. Pour les approcher suffisamment et vaincre la répulsion électrostatique naturelle entre ces noyaux, il faut chauffer la matière à plusieurs millions de degrés Celsius, à très haute pression. La matière est alors ionisée et forme un plasma.

Quelles sont les bénéfices de la fusion pour la production d’énergie ?

Ces réactions de fusion peuvent produire à terme de l’énergie renouvelable en grande quantité, sans générer de déchets radioactifs et de rejets de gaz à effet de serre. De plus, les isotopes d’hydrogène utilisés pour la fusion se trouvent en quantité importante sur terre et de façon pérenne.

On parle ici de fusion inertielle. De quoi s’agit-il ?

Pour maintenir les conditions nécessaires à l’obtention d’un plasma, il faut confiner la matière, soit par un champ magnétique à des densités assez raisonnables pendant un temps suffisamment long, soit par confinement inertiel par laser à des densités plus élevées, et dans un temps beaucoup plus court. La fusion par confinement magnétique est expérimentée dans le cadre du projet ITER. La fusion inertielle est à l’étude au National Ignition Facility (NIF) et, en France, au Laser MégaJoule (LMJ), conçu et réalisé par la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA, au CEA-CESTA à proximité de Bordeaux.

ITER (le chemin, en latin) est un projet scientifique et industriel rassemblant l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les Etats-Unis. Il vise à démontrer la faisabilité d’une fusion nucléaire contrôlée avec la technologie du tokamak. En maitrisant la fusion, l’humanité disposerait alors d’une énergie propre et inépuisable.

La fusion inertielle consiste à apporter, via des faisceaux laser, une quantité suffisante d’énergie à une très petite quantité de deutérium et de tritium contenue dans une capsule de quelques millimètres de diamètre. Cette capsule, ou cible, va être très fortement comprimée pour à la fois la chauffer et l’amener à une densité très élevée.

Il y a deux schémas pour la fusion inertielle. Le schéma dit en attaque directe, consiste à impacter directement avec les faisceaux laser cette capsule composée d’isotopes d’hydrogène. L’autre schéma consiste à mettre la capsule dans un cylindre métallique, de longueur centimétrique. Ce cylindre comporte deux trous d’entrée pour les faisceaux laser. Ces derniers impactent les surfaces internes du cylindre, chauffent le métal qui émet des rayons X. Ces rayons X vont comprimer la capsule, produisant une réaction de fusion. C’est ce schéma de fusion inertielle qui est en œuvre à la fois au NIF et au LMJ. Nous avons, au LMJ, des projets très semblables à ceux du NIF. Nous échangeons dans ce domaine sur les dispositifs de mesure (diagnostics), les cibles et les différents résultats obtenus.

En quoi l’expérience de fusion nucléaire qui a eu lieu le 8 août dernier au NIF constitue-t-elle une avancée majeure ?

Cette expérience réalisée au NIF constitue une avancée considérable, parce que les chercheurs américains, qui ont démarré les expériences laser depuis plus de 10 ans, se sont rapprochés du seuil d’ignition, soit le moment où l’on récupère autant d’énergie thermonucléaire que ce que l’énergie laser a fourni. Les 192 lasers du NIF ont produit 1,9 Mégajoules et les Américains ont récupéré 1,3 Mégajoules d’énergie thermonucléaire. Le rendement est de 0,7, très proche du gain de 1, le seuil d’ignition, résultat jamais obtenu auparavant. Les Américains ont ainsi obtenu une preuve de concept de la capacité à atteindre l’ignition.

Pour produire de l’énergie de manière économique et rentable, il faudrait réaliser cette même expérience avec un gain non pas de 1 mais plutôt de 10, de façon répétitive et robuste, avec par exemple 10 expériences similaires par seconde, 24h/24. Mais cela demande beaucoup de préparation : on peut actuellement imaginer en faire une ou deux par semaine au NIF, pas plus.

C’est un défi très ambitieux. C’est pourquoi la voie prioritaire pour produire de l’énergie reste la fusion par confinement magnétique au travers le projet ITER.

Pourquoi ne peut-on pas effectuer cette expérience de façon plus répétée à ce jour ?

Cette expérience est d’une grande complexité à mettre en œuvre. Il y a une quantité énorme de faisceaux laser, 192 faisceaux pour le NIF, qu’il faut conduire avec de fortes contraintes de focalisation sur la cible. Ce sont à chaque fois des centaines de composants optiques à régler. Les durées d’impulsion laser sont de l’ordre de quelques nanosecondes, soit quelques milliardièmes de seconde. Les cibles de deutérium et de tritium doivent être très refroidies, à des températures proches du zéro absolu, avant d’atteindre jusqu’à 100 millions de degrés Celsius lors de la fusion. Toutes ces expériences sont simulées en amont avec des calculs extrêmement complexes qui tournent sur les supercalculateurs du CEA/DAM à Bruyères-le-Châtel.

Quelles sont les projections pour le futur de la production d’énergie grâce la fusion inertielle ?

Nous sommes actuellement au niveau de la preuve de concept et je ne pense pas qu’il soit possible d’arriver à quelque chose d’économiquement viable avant quelques décennies. Cela supposera certainement d’augmenter encore le nombre de faisceaux et de nous appuyer sur une autre technologie laser, de façon à pouvoir produire les énergies nécessaires.

La fusion inertielle a-t-elle d’autres applications au NIF et au LMJ que la production d’énergie ?

Un des principaux objectifs de telles expériences de fusion inertielle, partagé par le NIF et le LMJ, est de contribuer à la garantie de la fiabilité des têtes nucléaires de la dissuasion que ce soit aux Etats-Unis ou en France. La fusion inertielle permet de restituer des niveaux de température et de pression proches de ceux rencontrés lors des essais nucléaires, définitivement arrêtés en 1996 pour la France. Le Programme Simulation que je supervise s’appuie ainsi à la fois sur les supercalculateurs et sur des moyens expérimentaux, comme le LMJ ou l’installation radiographique Epure, à Valduc. C’est à cette fin que le Ministère de la Défense a financé cette installation exceptionnelle qu’est le LMJ.

Dès le lancement du programme LMJ, le ministère de la Défense a décidé de consacrer entre 20 et 25 % du temps d’expérience sur le LMJ à la communauté académique internationale. Ces expériences de recherche fondamentale permettent d’étudier des phénomènes astrophysiques, par exemple le comportement du cœur des planètes géantes ou encore les opacités du soleil. Il existe le même programme d’ouverture au NIF.

Pour en savoir plus sur la fusion inertielle

[1] https://new.sfen.org/academie235/iter-ou-le-nouveau-chemin-nucleaire/

Depuis les années 70 et la bouteille à plasma , la recherche sur la fusion n’a pas évoluée.
La raison est simple : on a privilégié le pétrole et la fission.

Depuis une dizaine d’années des progrès ont été fait .
Par exemple la Chancelière Allemande a déclenché pendant une fraction de seconde une réaction de fusion .

Par ailleurs , pour faire fonctionner Iter , pas avant 2050 , il faudra de l’hydrogène pour en extraire l’isotope .

Or si aujourd’hui 95 % de l’hydrogène utilisé est de l’hydrogène gris , à savoir que lors de sa synthèse il se forme du C02 , de plus en plus de technique se développent pour produire de l’hydrogène vert .

Voici pourquoi cette expérience de fusion nucléaire a été qualifiée d’« avancée historique »

Par Nicolas BLANDIN

Le 8 août 2021, le National Ignition Facility (NIF), aux États-Unis, réalisait une expérience de fusion nucléaire qualifiée d’« avancée historique ». Si on est encore loin d’une exploitation industrielle, l’expérience valide la possibilité de recréer « l’énergie du Soleil » sur Terre.
« Il est possible de faire de la fusion comme dans les étoiles… mais sur Terre ! » Daniel Vanderhaegen, directeur du programme Simulation de la direction des applications militaires (Dam) du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), résume ce qu’a prouvé l’expérience de fusion nucléaire menée le 8 août 2021 au National Ignition Facility (NIF) par le Laboratoire national Lawrence Livermore en Californie (États-Unis).
Elle a ainsi produit huit fois plus d’énergie que lors de précédentes tentatives. Mais la grande avancée, c’est que l’on s’approche de l’équilibre énergétique. Autrement dit : créer autant d’énergie que celle que l’on injecte dans l’expérience.

La technique est subtile

Si la fission, utilisée dans les centrales nucléaires actuellement, consiste à casser les liaisons de noyaux atomiques lourds, la fusion « marie » deux noyaux atomiques légers pour en créer un lourd. Et cela sans faire de déchets. Mais la technique est subtile.
« Il y a deux types de fusion. Une fusion lente et une autre dite « rapide » ou inertielle, explique Daniel Vanderhaegen. Pour obtenir une densité suffisante, dans le premier cas, on confine les particules pendant assez longtemps, c’est ce que l’on appelle la fusion magnétique », qui est expérimentée dans les installations Iter du CEA à Cadarache (Bouches-du-Rhône).

Une expérience de fusion nucléaire a été menée le 8 août 2021 au National Ignition Facility (NIF) par le Laboratoire national Lawrence Livermore, en Californie. (Photo : Jason Laurea)
Dans la fusion inertielle mise en œuvre aux États-Unis, 192 lasers ont bombardé, pendant environ 20 nanosecondes, une capsule de quelques millimètres contenant des isotopes d’hydrogène (de l’hydrogène sous forme de deutérium et de tritium).
Ils ont réalisé 1,35 mégajoule d’énergie thermonucléaire pour 1,9 d’énergie laser apportée. On se rapproche donc beaucoup du seuil d’ignition, lorsque la réaction nucléaire n’a pas besoin d’apport d’énergie supplémentaire pour s’alimenter.

Un équilibre très fragile

Il faudra donc de nouvelles tentatives mais c’est un équilibre très fragile à obtenir. « Il faut contrôler très précisément toutes les conditions de l’expérience : la façon dont les faisceaux laser vont toucher la cible, la forme d’impulsion de chaque laser sur quelques milliardièmes de seconde… Elle est donc très compliquée à reproduire, tempère Daniel Vanderhaegen. Mais je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils vont y arriver dans les prochains mois. »

Le laser Mégajoule, près de Bordeaux, utilise une technique très similaire à celle du National Ignition Facility (NIF) californien. (Photo : CEA)
Ce qui est difficile, c’est de passer les seuils d’énergie dégagée. « Créé en 2009, le NIF est le plus grand laser du monde. En 2014, on y a produit 20 kilojoules ; en février 2021, c’était 150 kilojoules et, en août 2021, on est à 1,35 mégajoules, constate Sébastien Le Pape (École polytechnique), directeur adjoint du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (Luli) et auteur d’une étude sur le précédent record d’énergie produite au NIF. On peut très bien imaginer créer 5 mégajoules de neutrons d’énergie dans un mois… comme dans deux ans ou plus. » Le laser Mégajoule (LMJ), près de Bordeaux, travaille aussi sur cette technique.

Quarante ans que l’on essaye

La route peut donc être longue et la communauté scientifique salue une avancée significative. « Ça fait quarante ans que l’on essaye de réaliser cette fusion inertielle. Plein de gens doutaient de la possibilité de sa mise en pratique, se souvient Sébastien Le Pape. Cette expérience prouve que la physique fonctionne. Mais pour une exploitation industrielle, ce sera un défi d’ingénierie de très haut niveau pour faire fonctionner une centrale électrique sur cette base. »

Le National Ignition Facility totalise 192 lasers. (Photo : Damien Jemison)
Il faudrait créer un réacteur capable de reproduire cette expérience à haute cadence, de l’ordre de dix fois par seconde, pour avoir une application économiquement rentable. « Ça demanderait d’importantes évolutions technologiques, notamment au niveau des lasers. » À quel horizon ? Difficile de le prédire. « Mais créer une machine capable de créer de l’énergie pour tout le monde, on en est loin. »

La feuille de route d’Iter (fusion par confinement magnétique) imagine la construction d’un réacteur à fusion nucléaire « lente » à l’horizon 2050. Pour la fusion inertielle, « il n’y a pour l’heure pas le même niveau d’études détaillées ». Et l’application est aujourd’hui surtout liée à la recherche académique et à des questions de dissuasion nucléaire. Le NIF est d’ailleurs un équipement inclus… dans le programme d’armes américain.

Quelle est la quantité d’énergie requise pour procéder à ces expériences de fusion ? Je présume qu’il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d’électricité pour le refroidissement intense, les faisceaux lasers… Certes la quantité d’électricité produite est potentiellement considérable, mais est-elle 2 fois, 5 fois, 10 fois, 100 fois supéreirue à l’énergie consommée pour la produire ?