Immobilier : les prix s'effritent dans les grandes villes

Immobilier : les prix s’effritent dans les grandes villes

Article extrait de la tribune Ed abonnés

La hausse des prix des logements anciens se poursuit en France. Mais des premiers signes de ralentissement voient le jour dans plusieurs grandes villes.
La crise sanitaire et les vagues successives de contamination épidémique au Covid-19 et ses variants ne semblent pas affecter la bonne santé du marché immobilier ancien.

Dynamique des transactions et des prix

L’expérience des confinements a replacé le logement au coeur des centres d’intérêt des Français, en quête de davantage d’espace et de verdure. L’essor du télétravail pour ceux qui peuvent le pratiquer dans leur activité professionnelle a soutenu cette réorientation des priorités dans les stratégies des ménages. En tout cas, le rattrapage a été spectaculaire après la brutale chute d’activité observée pendant les confinements de 2020 et les restrictions de circulation au premier semestre 2021.

Et contre toute attente, la dimension de protection et de valeur refuge de l’immobilier a été dominante et a soutenu les prix, malgré la détérioration des perspectives économiques pendant cette période.
Les notaires constatent ainsi, au niveau national, un rythme annuel de transactions proche de 1,2 million, un plus-haut sur les vingt dernières années. «L’envie de changer de cadre de vie et l’accumulation d’épargne disponible se sont combinées», rappelle Thierry Delesalle, notaire à Paris et porte-parole de la Chambre des notaires d’Ile de France.
Maintien des taux bas de crédit

Le maintien de bas taux d’intérêt pour le crédit immobilier jusqu’en cette fin d’année 2021 a aussi soutenu la tendance. Selon l’observatoire Crédit Logement / CSA, le taux moyen des crédits immobiliers s’est établi à 1,06% en novembre 2021. «Malgré quelques légères fluctuations, le taux moyen des nouveaux crédits se maintient ainsi à son plus bas niveau pour le huitième mois consécutif», indique Michel Mouillart, porte-parole de l’observatoire Crédit Logement / CSA.
«En dépit de la reprise de l’inflation et du renforcement des risques de défaut d’une petite partie des emprunteurs, les établissements bancaires maintiennent les taux d’intérêt à des niveaux exceptionnellement favorables, ce qui limite les conséquences du durcissement des conditions d’octroi imposé par les autorités de contrôle des banques sur la demande de crédits des particuliers», précise-t-il.

On constate ainsi que depuis un an, les taux des prêts ont baissé quelle que soit leur durée initiale, avec un recul plus important sur les prêts les plus longs. «Mais le renforcement de la proportion des durées les plus longues neutralise toujours une partie de l’impact de ces baisses sur le taux moyen», analyse Michel Mouillart.
Pour certains épargnants, la bonne progression des portefeuilles boursiers est aussi venue faciliter le placement dans la pierre.

Risque de bulle

Dans ce contexte, il paraît difficile de ne pas redouter la formation d’une bulle, d’autant que les pics d’activité et de prix se constatent dans la plupart des grands pays développés. Leur économie a été artificiellement nourrie pendant la crise sanitaire par les politiques accommodantes des banques centrales, les soutiens généreux des gouvernements aux entreprises et aux ménages, et, dans certains cas, des relances budgétaires complémentaires sous d’autres formes.
Le dernier baromètre Meilleurs Agents révèle ainsi un indice des prix en progression de 5% sur la France entière en rythme annuel au 1er décembre. Un chiffre qui devra être confronté aux constats des notaires de France lorsqu’ils feront leur bilan annuel pour 2021.
Certes les derniers indicateurs avancés des notaires laissaient supposer une poursuite significative de la hausse des prix sur l’année. Leur dernière estimation en septembre évaluait la progression annuelle nationale des prix à près de 6%, avec une hausse plus marquée pour les maisons que pour les appartements. Mais les notaires envisageaient alors plutôt un atterrissage en douceur pour le second semestre. En Ile-de-France, la progression ne s’affichait plus qu’à 2,5% sur douze mois.

Nouvelle géographie immobilière

La crise sanitaire a révélé de nouveaux comportements immobiliers, favorisant notamment les migrations des grands centres métropolitains vers des communes de plus petite taille, à la périphérie ou dans des départements limitrophes. Les notaires considèrent toutefois qu’il n’y a pas eu d’exode urbain à ce stade. La tendance constatée ne concernerait qu’une partie de la population en capacité de s’organiser à titre personnel et professionnel. Elle ne touche pas la majorité de la population française, et pas forcément non plus celle des primo-accédants à la propriété.
La tendance n’impliquerait donc qu’une population précise et définie par âge et par profession. Mais ce mouvement vers des communes plus petites où la pression foncière est moins forte peut aussi concerner ceux qui n’ont pas la capacité d’acquérir un bien dans les grands centres urbains, du fait des niveaux stratosphériques que les prix y ont atteints. La tension artificielle maintenue sur les prix est d’ailleurs liée aussi au manque de biens à vendre face à la demande.

Inversion de tendance pour l’hyper-urbain

Cette mobilité accrue peut expliquer en partie le tassement des prix dans les grandes agglomérations et particulièrement à Paris, ainsi que le dynamisme des prix dans les villes moyennes. Dans la capitale, les prix ont baissé de 2% en un an, avec un m² moyen à près de 10.300 euros au début décembre 2021, un niveau qui ramène à la situation d’avant la crise sanitaire en janvier 2020.
«Un scenario de retour à un prix moyen de 10.000 euros par m² pourrait se produire dans les prochains mois, si la pression baissière se poursuivait sur le même rythme qu’à l’heure actuelle», estime même Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents. Un scénario crédible avec des mois de décembre et janvier plutôt connus comme mornes dans le calendrier immobilier.

Cette inversion de tendance qui pénalise les hypercentres urbains touche un nombre croissant de grandes villes en région. Le stock de biens se raréfie et les acheteurs deviennent plus attentistes, convoitant un recul des prix.
Le baromètre Meilleurs Agents signale des baisses de prix en novembre à Lyon, Bordeaux, Lille, Nice, Nantes, Grenoble et Strasbourg.
«Les prix se rééquilibrent sur le territoire», confirment les notaires de France dans leur dernière note de conjoncture. À l’envie de verdure s’est ajoutée une volonté de «déconnexion connectée», qui bénéficie aux villes moyennes dotées des infrastructures appropriées et des réseaux de communication, tout en continuant de défavoriser les zones rurales «blanches».
Dans les remontées des réseaux d’agents immobiliers, Poitiers, Reims, Quimper, Brest, Pau, Angers et Tours font ainsi partie des plus fortes progressions de prix parmi les cinquante principales agglomérations françaises.

P.S . J’ajouterais , l’explosion de l’immobilier dans le Pays Basque qui détient le top 5 pour les petites villes .
Suite à une augmentation de 40 % en 5 ans ( 15 % l’année dernière ) les propriétaires vendent leur biens loués pour la location internet .
La conséquence est simple : le locataire ne peut plus se loger .
Une manifestation de 10 000 personnes à Bayonne pour dénoncer cette situation

Tribune libre
Immobilier en France : “la bulle se dégonfle très sérieusement, quelle sera l’ampleur de la chute ?”

Gare au placement immobilier, alors que les prix des logements anciens devraient baisser d’au moins 15% d’ici un an en moyenne, juge notre chroniqueur Marc Touati, président du cabinet ACDEFI. Dans certaines grandes villes, la baisse des prix a déjà commencé, en particulier à Paris. La bulle immobilière ne résistera pas à la remontée des taux d’intérêt, avertit l’expert.
Par Marc Touati
Publié le 09/04/2022 à 12h30 & mis à jour le 09/04/2022 à 15h35 Capital
Les dernières statistiques des professionnels de l’immobilier français font froid dans le dos et montrent clairement que la bulle immobilière hexagonale est en train de se dégonfler très sérieusement. En effet, que ce soient avec les statistiques d’Orpi, de Seloger ou de MeilleursAgents, trois grandes tendances se confirment. Premièrement, les prix des logements anciens ne flambent plus. Certes, ils continuent d’augmenter, notamment dans les villes jusqu’à présent épargnées par la bulle. Selon SeLoger, le palmarès des glissements annuels des prix les plus élevés est ainsi le suivant : +19,9% à Bayonne, +19,8% à Dunkerque, +19,7% à Laval ou encore +19,2% à Saint-Nazaire. Au niveau national, le glissement annuel des prix tombe cependant à +0,2%, toujours selon SeLoger, après une hausse annuelle de 7,1% au quatrième trimestre 2021 selon les statistiques des Notaires.

Deuxième tendance de fond : dans certaines grandes villes, où les prix avaient particulièrement flambé ces dernières années, la baisse des prix a déjà commencé. Et ce en particulier à Paris. Selon MeilleursAgents, les prix immobiliers y reculent même depuis sept mois consécutifs. Du jamais vu depuis dix ans ! En mars, ils subissent encore un repli de 0,5%, après déjà -1 % au quatrième trimestre 2021 selon les chiffres des Notaires. En moyenne, le prix du mètre carré parisien est ainsi passé de quasiment 11 000 euros l’été dernier à désormais légèrement au-dessus de 10.000 euros. A l’évidence, la douche est froide !

Encore plus grave et troisièmement, les ventes de logements anciens sont en train de s’effondrer. -17% sur un an au premier trimestre 2022 selon Orpi, ce qui marque un retour vers le niveau de 2018. Selon Seloger, les ventes ont chuté de 9% en février et se situent 22% sous leur moyenne de longue période. Cet effondrement s’explique à la fois par la faiblesse des biens à vendre, mais aussi par la baisse de la demande effective. Car si la demande potentielle est évidemment toujours forte, la demande effectivement solvable et crédible ne cesse de se réduire compte tenu de la flambée des prix des dernières années. Et si, jusqu’à récemment, l’écart croissant entre la hausse des prix et la faiblesse des revenus des ménages a pu être compensé par les niveaux artificiellement bas des taux d’intérêt, ce n’est désormais plus le cas.

En effet, compte tenu de la flambée inflationniste passée et à venir, de l’explosion de la dette publique, mais aussi de la fin progressive de la “planche à billets” de la BCE, les taux d’intérêt de la dette publique française augmentent tout à fait logiquement. Le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat français est ainsi passé de -0,03% le 17 décembre 2021 à 1,25% les 7 et 8 avril, un plus haut depuis juillet 2015.

A l’époque, le taux d’intérêt moyen des crédits immobiliers aux particuliers (hors assurances) était de 2,1%, contre environ 1,1% en février 2022. Autrement dit, celui-ci va très vite augmenter non seulement pour répercuter la hausse récente des taux obligataires, mais aussi parce que les banques commencent à sérieusement resserrer leurs conditions d’octroi de crédit. Le pire est que, compte tenu de l’augmentation à venir de l’inflation, les taux d’intérêt des obligations d’Etat vont encore se tendre et les taux des crédits immobiliers avec. Selon nos estimations, le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat français pourrait avoisiner les 2,5% d’ici l’été, ce qui se traduirait par une augmentation du taux moyen des crédits immobiliers vers les 3,5%.

Or, si les taux d’intérêt des crédits augmentent, l’écart entre le niveau des prix immobiliers et les revenus des ménages devient de plus en plus insoutenable, ce qui suscite inévitablement une baisse de la demande de logements et une chute des prix par la même occasion. C’est exactement ce que montre le graphique ci-dessous qui compare les prix des logements en France et l’évolution du taux d’intérêt de l’OAT à 10 ans en échelle inversée. De la même façon que la baisse de ce dernier soutient la hausse des prix (flèches vertes en 2010-2012 et de 2016 à 2021), son augmentation alimente la baisse des prix (flèches violettes en 2007-2008 et pour 2022…).

ACDEFI (Sources : Insee, ACDEFI)
De plus, n’oublions pas que le taux d’endettement des ménages français a atteint un nouveau record historique de 101,8% de leur revenu disponible au troisième trimestre 2021. De nombreux ménages se sont donc mis en danger et ne pourront pas supporter le retour de la stagflation (c’est-à-dire d’une situation de stagnation économique et d’inflation élevée), qui a d’ailleurs déjà commencé.

Parmi eux et malheureusement, certains seront mĂŞme contraints de vendre leur bien immobilier pour raison de surendettement.

ACDEFI (Sources : Banque de France, ACDEFI)
Au total, compte tenu de l’ensemble de ces évolutions, les prix des logements anciens devraient baisser d’au moins 15% d’ici un an en moyenne sur l’ensemble du territoire français. Si cette perspective fait peur à certains, il est toutefois utile de rappeler que la baisse des prix est loin d’être une mauvaise nouvelle. Elle pourrait même au contraire s’avérer salutaire, ne serait-ce que pour redonner de la solvabilité à une demande fragile.

Les agents immobiliers ont d’ailleurs tout intérêt à ce que les prix reculent modérément, de manière à augmenter le nombre de transactions plutôt que de voir les prix continuer de monter avec de moins en moins d’opérations. De plus, une fois la correction passée et la bulle dégonflée, l’immobilier français pourra repartir sur des bases plus saines. Ce qui signifie que les prix remonteront progressivement. Comme toujours, l’immobilier restera donc une valeur refuge et un placement porteur à moyen terme. Il a simplement besoin d’un “Reset” pour pouvoir se reconnecter à la réalité économique et repartir sur des fondamentaux plus robustes.

Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI

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