Faut’il faire du conjoint le bénéficiare unique d’un contrat d’assurance vie?

Faut’il faire du conjoint le bénéficiare unique d’un contrat d’assurance vie ?

Janvier 2018 Le Particulier n°1140, article complet. Auteur : AULAGNIER (Jean)

Il n’est pas toujours pertinent que le conjoint soit le seul bénéficiaire du contrat le jour de son dénouement. Mieux vaut rédiger une clause à options qui permettrait de renoncer partiellement au capital au profit des enfants. Compte tenu des sommes considérables placées par les Français en assurance vie et susceptibles de revenir au bénéficiaire suite au décès du souscripteur, on peut et on doit s’interroger : le bénéficiaire, le plus souvent le conjoint, aura-t-il besoin de l’intégralité de ces capitaux pour financer ses dépenses de vie et de survie ? En général, le souscripteur ne se pose presque jamais la question. Quand il souscrit son contrat d’assurance vie, il coche la clause prérédigée par l’assureur désignant le conjoint survivant et, à défaut, dans le cas de son prédécès, ses enfants, vivants ou représentés, à défaut ses héritiers. Cette clause fait du conjoint le bénéficiaire exclusif du contrat au jour de son dénouement. Cette attribution est-elle toujours adaptée à la diversité des situations rencontrées? Pas nécessairement. Le bénéfice de l’intégralité du contrat peut s’avérer excessif. Existe-t-il des alternatives, mieux adaptées, donnant une plus grande liberté de choix au bénéficiaire ? Offrir au conjoint la possibilité de laisser aux enfants une partie des capitaux Si le conjoint juge, au jour du dénouement du contrat, qu’il n’a pas besoin de l’intégralité des capitaux, il faut lui permettre de n’en accepter qu’une fraction, et laisser le reste aux enfants, désignés comme bénéficiaires en second. Ils en auront souvent une bien plus grande utilité. Il suffit, pour cela, que l’assuré, par une rédaction appropriée de la clause bénéficiaire, ait autorisé le conjoint à exercer un choix entre plusieurs options qu’il aura lui-même définies. C’est l’assuré et lui seul qui fixe la marge de liberté laissée au bénéficiaire. Cette possibilité permet de suppléer à la loi qui n’offre pas ce choix au conjoint. Une impossibilité d’autant plus regrettable qu’en matière de succession, la loi l’y autorise. Rappelons qu’au décès de son époux(se), le conjoint survivant peut choisir entre un quart du patrimoine du défunt dont il sera - pleinement propriétaire, ou l’usufruit de la totalité de la succession. Et si le conjoint reçoit des biens par l’intermédiaire d’une donation au dernier vivant, d’un testament ou d’un contrat de mariage, il peut même choisir les biens dont il hérite – son logement, ses comptes bancaires – et renoncer à d’autres, en laissant par exemple aux enfants la maison en bord de mer qu’il n’a pas les moyens d’entretenir.
018 Faut-il faire du conjoint le bénéficiaire exclusif de son contrat d’assurance vie ? - Assurance vie - Le Particulier file:///C:/Users/Bernard/Desktop/Faut-il%20faire%20du%20conjoint%20le%20b%C3%A9n%C3%A9ficiaire%20exclusif%20de%20son%20contrat… 2/4 Le code civil, qui parle de cantonnement, accorde cette faculté non seulement au conjoint survivant (art. 1094-1, alinéa 2 du code civil), mais aussi à tous les bénéficiaires de legs sous réserve que la succession ait été acceptée par au moins un des héritiers (art. 1002-1 du code civil). La loi précise que l’exercice de cette faculté de cantonnement ne constitue pas une libéralité faite par le bénéficiaire du legs au profit des autres héritiers. Une analyse à laquelle s’est pliée l’administration fiscale. La solution bancale proposée par les assureurs En matière d’assurance vie, le conjoint n’a pas, en principe, cette faculté de choix. Il n’a pas d’autre solution que de tout accepter ou de ne rien prendre. S’il n’accepte pas le bénéfice du contrat, le capital revient intégralement aux bénéficiaires en second (dits de second rang), sans jamais être entré dans le patrimoine du bénéficiaire de premier rang non acceptant. Pour remédier à ce principe du tout ou rien, les compagnies d’assurances suggèrent parfois d’ouvrir plusieurs contrats, désignant tous le conjoint survivant et, à défaut, les enfants. Au décès du souscripteur, le conjoint pourra accepter tous les contrats ou uniquement certains, les autres revenant aux enfants. Cette solution présente l’inconvénient de multiplier les contrats, ce qui n’en facilite pas la gestion, surtout lorsqu’on a plus de 70 ans [les sommes placées à partir de cet âge ne bénéficient pas de la même fiscalité que celles investies avant, voir p. 97, Ndlr]. Et elle ne permet pas au conjoint d’accepter la pleine propriété du capital ou seulement l’usufruit, sauf à prévoir le démembrement de la clause bénéficiaire, ce qui rend l’affaire encore plus complexe. Comment rédiger une clause donnant une option au conjoint? La solution apportée par la rédaction de la clause bénéficiaire laissant différentes options au conjoint survivant s’avère bien plus satisfaisante. Plusieurs formules peuvent être envisagées. Une option entre plusieurs fractions en pleine propriété «Bénéficiaires : mon épouse, Madame…, née à… le…, demeurant à…; elle pourra à son choix accepter soit la totalité, soit les trois quarts, soit la moitié, soit un quart du capital dû par la compagnie d’assurances au jour de mon décès. La fraction du capital non acceptée par mon épouse bénéficiera à mon fils…, né à… le…, et à ma fille…, née à… le…, vivants ou représentés, par moitié chacun. » Il s’agit là d’un exemple, toute autre répartition décidée par le stipulant serait parfaitement valable. Une option entre plusieurs fractions en pleine propriété ou en usufruit «Bénéficiaires : mon épouse, Madame…, née à… le…, demeurant à…; elle pourra à son choix accepter, ou en pleine propriété, ou en usufruit seulement, soit la totalité, soit les trois quarts, soit la moitié, soit un quart du capital dû par la compagnie d’assurances au jour de mon décès. La fraction du capital en pleine propriété ou la fraction du capital en nue-propriété non acceptée par mon épouse bénéficiera à mon fils…, né à… le…, et à ma fille…, née à… le…, vivants ou représentés, par moitié chacun. » Attention : le souscripteur doit préciser dans la clause s’il laisse au conjoint, qui opte pour tout ou partie du capital en usufruit, la liberté de disposer des fonds ou s’il impose des garanties pour que ses enfants voient un jour la couleur de cet argent. Une précaution particulièrement utile s’il s’agit d’enfants nés d’une précédente union. S’il souhaite lui laisser la plus grande liberté, il faut préciser dans la clause bénéficiaire : «Pour la partie du capital dont elle n’aurait accepté que l’usufruit, mon épouse sera dispensée de donner caution et dispensée de faire emploi au sens des articles 601 et 05/01/2018 Faut-il faire du conjoint le bénéficiaire exclusif de son contrat d’assurance vie ? - Assurance vie - Le Particulier file:///C:/Users/Bernard/Desktop/Faut-il%20faire%20du%20conjoint%20le%20b%C3%A9n%C3%A9ficiaire%20exclusif%20de%20son%20contrat… 3/4 Simulateurs Les Victoires de l’assurance vie 2017 Assurance vie : les meilleures allocations pour 40 contrats Indices & chiffres Assurance vie : fiscalité de la transmission 2017 Assurance vie : fiscalité applicable aux retraits 2017 602 du code civil ». Si rien n’est précisé, par défaut, sur le fondement des articles 601 et 602 du code civil, les enfants nus-propriétaires pourront imposer à l’usufruitier de fournir une caution, voire de placer les sommes, pour garantir la restitution du capital aux nus-propriétaires, après le décès de l’usufruitier. Reste à vaincre la réticence des assureurs Les compagnies d’assurances sont encore réservées sur ces clauses à options au motif que les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur leurs effets. Pourtant, leur validité a déjà été admise par les plus éminents professeurs en droit des assurances. Certains assureurs vont même jusqu’à suggérer à l’assuré qui souhaite adopter cette rédaction de déposer sa clause bénéficiaire chez un notaire. Comme si le dépôt entre les mains d’un notaire pouvait, par une alchimie étonnante, la valider. D’autres compagnies, enfin, à bout d’arguments, brandissent l’épouvantail fiscal. L’administration risquerait de taxer le capital transmis aux enfants, bénéficiaires de second rang, comme si le conjoint survivant leur avait consenti une donation. La question a été posée par le sénateur Malhuret à Bercy. La réponse, publiée au Journal officiel du 22 septembre 2016, a écarté ce risque, que le refus d’accepter soit total ou seulement partiel. Les enfants reçoivent le capital par la volonté de l’assuré et non par celle du conjoint survivant «renonçant». Pour faire savant, nous dirons que la renonciation partielle du conjoint est « abdicative » et aucunement « translative ». Heureusement, des compagnies, certes trop peu nombreuses, comme Spirica ou Prédica, ont une position nettement plus positive. Nous espérons convaincre les autres. Ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas l’habitude de ces clauses qu’elles doivent décourager les assurés d’utiliser cette solution qui répond parfaitement à leurs préoccupations patrimoniales. En laissant une partie des capitaux aux enfants, le conjoint survivant permet à chacun d’eux de recueillir 152500 € supplémentaires, sans droit à payer (sur le fondement de l’article 990 I du CGI). Ces clauses à options participent, dans une certaine mesure, de la concorde familiale. Offrir à un parent –et plus encore à un beau-parent– la possibilité de partager avec ses enfants –ou ses beauxenfants– une partie des capitaux est un moyen de réduire les frstrations