Et si vous vendiez votre immobilier en viager

Et si vous vendiez votre immobilier en viager

Les préjugés restent tenaces, mais la pratique se développe. Intéressant pour compléter sa pension de retraite ou aider ses proches.

VALÉRIE VALIN STEIN

Les droits et devoirs de chacun doivent être précisés au moment de la rédaction du compromis de vente.J

I Le viager a changé de visage et entre désormais plus facilement dans les mœurs. D’abord, vendre en viager ne signifie pas déshériter ses enfants. « Il y a quinze ans, aucune des personnes qui vendaient en viager n’avait d’héritiers directs. C’est moins vrai aujourd’hui. Pour certains, cela va leur permettre d’aider leurs enfants de leur vivant », constate Reza Nakhaï, associé fondateur de l’agence spécialisée Viva Viager. « Vous êtes libres de disposer de vos biens et vous n’avez pas à obtenir l’accord préalable de vos enfants », rappelle de son côté Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo.

Il n’y a par ailleurs pas que l’immobilier haut de gamme à pouvoir être vendu en viager. Tout bien trouvé preneur, quelle soit sa localisation. Par exemple, le fonds de la mutuelle de l’Éducation nationale, la MGEN, rachète les biens de ses adhérents à travers la France. Enfin, le viager s’humanise et perd son côté purement spéculatif. Déjà, l’acheteur ne va généralement pas attendre avec impatience la disparition du vendeur. « La plupart de mes clients s’entendent très bien. Lors de la vente d’une résidence secondaire en viager occupé, lorsque le vendeur conserve l’usage du bien, il n’est pas rare que ce dernier laisse son acheteur occuper le logement lorsqu’il est absent », témoigne Reza Nakhaï. Il existe aussi des formes de viagers dits solidaires. Ainsi, la coopérative lyonnaise Les Trois Colonnes achète en viager le logement des personnes âgées pour aider à rester le plus longtemps possible chez elles. Pour cela, elle chapeaute les travaux d’adaptation du bien au vieillissement et assure la mise en relation avec des spécialistes du maintien à domicile. Lorsqu’il est libéré, le logement conserve une vocation sociale en étant proposé en emplacement solidaire, en logement intergénérationnel ou en accession à la propriété.

Monétisation à la carte

La détermination de la valeur de la maison ou de l’appartement vendu en viager obéit à des règles strictes. Dans le cas d’un viager occupé (90 % des ventes), un abattement est appliqué sur la valeur vénale du bien pour tenir compte du fait que l’acheteur ne pourra pas en profiter avant le départ (en maison de retraite, par exemple ) ou le décès du vendeur. « La valeur économique du droit d’usage et d’habitation (DUH) accordé au vendeur dépend de son âge et de son sexe, déterminants dans l’estimation de son espérance de vie, ainsi que de sa situation matrimoniale, explique Stanley Nahon, directeur général associé de Renée Costes Viager. Pour la calculer, les notaires et les viagéristes utilisent généralement le barème Daubry, qui fait référence en la matière. »

Une fois estimée cette valeur viagère, ses modalités de règlement sont libres. La plupart des vendeurs optent pour une répartition entre un capital (bouquet) payé au moment de la vente et une rente perçue à vie. Mais il est possible de recevoir la totalité du capital (sans toucher de rente) ou l’inverse.
Prudence lors de la rédaction du compromis de vente. C’est à ce moment que sont précisés les droits et les devoirs de chacun. Il est indispensable de prévoir une revalorisation annuelle de la rente et de préciser la répartition des charges. En viager occupé, le vendeur perd le droit d’usage et d’habitation lorsqu’il n’utilise plus le bien. Il faut alors penser à déterminer les modalités de la perte de ce droit en anticipant une majoration (de 20 % à 30 % en général) de la rente. Mieux vaut, enfin, se protéger d’un éventuel défaut de paiement en insérant une clause résolutoire dite « de plein droit ».

Le Figaro – Edition Abonnés

Le viager est-il une formule gagnante-gagnante ?
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Ce dispositif répond à deux aspirations et constitue une solution. Pour les seniors, celle de vivre ses vieux jours à domicile avec les revenus nécessaires. Pour les plus jeunes, acquérir un bien immobilier dans les meilleures conditions financières pour en disposer ultérieurement. Les explications de Sophie Richard, fondatrice du réseau national Viagimmo (1).

Par Patrick Lelong

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Le Revenu : On associe le viager à un pari sur l’espérance de vie que le vendeur espère la plus longue possible, alors que l’acheteur souhaiterait le contraire. Cette mauvaise image perdure-t-elle ?

Ce jugement sur le viager, véhiculé par des films et romans, ne correspond pas à la réalité, qui est celle d’une offre et d’une demande vertueuses. Il convient de faire de la pédagogie et pratiquer la transparence pour comprendre que le viager, qu’il soit libre ou occupé, intègre éthique et morale, puisqu’il fournit une réponse apaisée à deux volontés. La première, celle du vendeur qui a capitalisé la valeur de son logement pendant les années de sa vie «active» et souhaite vivre sa retraite dans les meilleures conditions possibles en restant à domicile. La seconde, celle d’un acheteur qui, au regard du prix de la pierre, ne peut directement acquérir le bien qu’il souhaite. Or, le viager, pour le vendeur, est une réponse à un complément de retraite pour mieux vivre chez soi et, pour l’acheteur, la possibilité de devenir propriétaire malgré les prix très élevés de la pierre et la difficulté d’accéder au crédit.

Pouvez-vous donner un exemple de viager gagnant-gagnant ?

Prenons le cas d’une femme de 74 ans, propriétaire d’un bien évalué à 300.000 euros. Parce qu’elle occupe son logement, la valeur de celui-ci subit une décote de 50%. Le prix de vente en viager sera donc de 150.000 euros. De son côté, en tant que vendeur, elle va percevoir un bouquet, donc un capital immédiat, par exemple de 50.000 euros, et le solde, soit 100.000 euros, lui sera versé échelonné dans le temps jusqu’à son décès. La valeur de capitalisation (100.000 euros) de la rente se traduira par un versement viager de 552 euros par mois. Plusieurs avantages. Pour l’acheteur, une économie d’environ 15.000 euros de frais et taxes collectés par le notaire puisque le bien de 300.000 euros est estimé à 150.000 euros. De plus, il n’aura pas, dans la plupart des cas, besoin d’un prêt bancaire, aujourd’hui difficile à obtenir, car au lieu de laisser par exemple dormir 552 euros par mois sur son plan épargne logement (PEL) en vue d’un achat ultérieur, il les versera au vendeur. Pas de souci de vacance, ni de dégradation des lieux occupés par le vendeur. De son côté, le vendeur ne sera imposé qu’après un abattement de 70% sur la rente de 552 euros et n’aura pas de soucis de gestion.

Comment sécurisez-vous cette opération ?

Toutes les situations sont prévues et intégrées dans le contrat pour sécuriser le vendeur et l’acheteur. Une clause du «privilège du vendeur» et une clause résolutoire protègent le vendeur et lui permettent de garder la main sur la vente en cas de défaillance, fort rare dans la pratique. Et pour l’acquéreur, le droit de vendre, à son tour et à tout moment le viager. Le contrat intègre aussi le sort des meubles, les départs en Ehpad, etc. pour sécuriser les deux parties.

Revenons sur le coût d’un crédit pour un acheteur. S’il devait aujourd’hui emprunter, par exemple 350.000 euros sur 25 ans, combien devrait-il débourser ?

Avec un taux nominal de 4,2%, les frais bancaires sur 25 ans s’élèveraient à 275.000 euros !
Le viager apporte-t-il une réponse satisfaisante dans l’obligation de mise aux normes énergétiques du DPE ?
Déduire le prix des travaux énergétiques de la valeur vénale d’un bien, dès les négociations, offre l’avantage à l’acquéreur de lisser davantage son investissement dans le temps. Il peut, par exemple, être négocié entre les parties une prise en charge par moitié des dépenses de rénovation énergétique, qui permet au vendeur de bénéficier du confort de son habitat aux normes énergétiques actuelles. Il pourra ainsi financer ces travaux avec le bouquet et l’acheteur s’assurer de la rénovation du logement à faible coût. En transformant des habitations vieillissantes, le viager devient ainsi le moteur d’une rénovation durable.

Propos recueillis par Patrick Lelong

(1) Viagimmo est le premier réseau de franchisés en France et en Europe, spécialiste du viager libre ou occupé.