Crédit immobilier: pourquoi les banques prêtent moins aux ménages
Par Guillaume Errard
DÉCRYPTAGE - Moins de 22 milliards d’euros de prêts ont été accordés en juillet. Soit 5 milliards d’euros de moins qu’en mai.
Les courtiers l’avaient annoncé depuis plusieurs mois. C’est désormais officiel! Les banques prêtent moins aux ménages qui souhaitent acheter un logement. En juillet, près de 22 milliards d’euros (renégociations comprises) de prêts immobiliers leur ont été accordés, selon une estimation de la Banque de France. Soit 5 milliards d’euros de moins qu’en mai et un milliard de moins qu’en juin. La tendance est identique si l’on ne tient pas compte des renégociations: 19 milliards d’euros de crédit immobilier en juin contre 22 milliards en mai (la statistique de juillet n’est pas encore connue). «Depuis avril dernier, nous avons enregistré une baisse de 40% de la production de crédit immobilier», affirme Bruno Rouleau, président de l’Association professionnelle des intermédiaires en crédits.
La faute aux nouvelles exigences des autorités financières (le taux d’endettement ne doit pas dépasser 35% du revenu disponible et le taux d’emprunt ne doit pas être supérieur à 25 ans) mais aussi au taux maximal au-delà duquel une banque ne peut accorder un prêt. Ce taux (dit d’usure) ne peut actuellement pas dépasser 2,57%. Or, sur 25 ans, durée d’emprunt la plus fréquemment demandée par les emprunteurs, le taux de crédit avoisine voire dépasse aujourd’hui les 2%. Si vous ajoutez le taux d’assurance et les frais (dossier, garantie…), ce taux de 2,57% est souvent dépassé.
Conséquence: le dossier est refusé dans ce cas-là. «Depuis début juillet, c’est un dossier sur deux qui connaît des difficultés à cause du taux d’usure, affirme Olivier Lendrevie, président de Cafpi. De nombreux réseaux bancaires se sont mis ouvertement sur le banc de touche plutôt que de prêter à perte». Entre 20 et 30% sont mêmes refusés, selon 45% des courtiers interrogés par Opinion System. Les taux de crédit restent certes bas mais, comme les salaires n’ont pas forcément suivi la hausse de l’inflation, la capacité d’emprunt des ménages est plus faible. Et les dossiers refusés plus élevés.
Pour rester dans le jargon footballistique, les banques sont passées d’une stratégie «à la brésilienne» (tout pour l’attaque) à une tactique «à l’italienne» (tout pour la défense). Dit autrement, auparavant, elles n’hésitaient pas à prendre en charge 100% voire 110% du coût du crédit. Aujourd’hui, c’est «zéro risque». À tel point que plusieurs établissements bancaires scrutent, non seulement le taux d’endettement des emprunteurs, mais aussi la distance entre leur bureau et leur futur domicile ou encore la performance énergétique de ce dernier. Si la première est trop grande et la seconde trop faible, la charge financière risque d’être trop lourde pour l’emprunteur dont la demande de crédit pourrait être rejetée. «Nous observons sur le terrain un gel progressif des crédits immobiliers», déplore Olivier Lendrevie.
Pour l’heure, Bercy et les autorités financières ne jugent pas la situation préoccupante. «Nous allons vers des conditions de financement plus normales qui n’empêcheront pas l’immobilier de bien se financer», affirme François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Reste à savoir si sa position évoluera dans le cas où la chute de la production de crédit chute encore. «Le gouvernement espère, en réalité, que la demande de crédit continue de baisser pour que les prix immobiliers reculent enfin», ose un expert du crédit immobilier.
Une analyse plutôt audacieuse même s’il est vrai que les taux ont été le moteur principal du marché ces dernières années. S’ils continuent d’augmenter - ce qui semble être le scénario privilégié d’ici la fin de l’année -, les ventes risquent de reculer sévèrement. Mais pas sûr que les prix immobiliers, eux, baissent. «Si le budget des acheteurs ne baisse pas, les prix ne diminueront pas, même si le nombre des acquéreurs est plus faible. Le lien entre l’évolution des ventes et celle des prix n’est pas automatique», analyse Arnaud Simon, directeur du comité scientifique de Clameur.