Les émissions de CO2 en faible hausse
Les rejets de dioxyde de carbone des centrales à charbon baissent en 2019, mais pas assez pour compenser la hausse liée au pétrole et au gaz.
MARC CHERKI
CLIMAT Alors que la COP25 a dĂ©marrĂ© cette semaine Ă Madrid, câest encore une mauvaise nouvelle pour le climat. En 2019, les Ă©missions de dioxyde de carbone augmentent encore, mais Ă un rythme qui a beaucoup ralenti. La Âhausse de 0,6 % projetĂ©e pour cette annĂ©e, Ă cause notamment de la Chine (+2,6 %), premier Ă©metteur mondial de CO2, et de lâInde (+1,8 %), quatriĂšme contributeur aprĂšs les Ătats-Unis (-1,7 %) et lâEurope (-1,7 %). Le CO2 est le principal gaz Ă Âeffet de serre responsable du rĂ©chaufÂfement du climat.
Au total, les Ă©missions liĂ©es Ă la combustion dâĂ©nergies fossiles, atteignent 36,8 milliards de tonnes de CO2. En tenant compte du changement dâaffectation des terres, qui estime les feux de forĂȘts et les nouvelles surfaces pour les cultures agricoles, le bilan annuel serait autour de 43,2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone selon les donnĂ©es du Global Carbon Project.
Ces rĂ©sultats sont publiĂ©s le 4 dĂ©cembre dans la revue Earth System Science Data. La tendance annuelle « est principalement due Ă la croissance continue des Ă©missions liĂ©es Ă la combustion de gaz, en hausse de 2,6 %, et de pĂ©trole, en progression de 0,9 % », explique Pierre Friedlingstein, premier signataire de lâĂ©tude, chercheur CNRS et professeur Ă lâuniversitĂ© dâExeter en Angleterre. Les rejets de CO2 issus des centrales au charbon « diminuent de 0,9 %, mais pas assez pour compenser les hausses liĂ©es au gaz et au pĂ©trole », ajoute le chercheur. En tant que premier auteur du Global Carbon Project, Pierre Friedlingstein succĂšde Ă celle qui lâavait créé, la climatologue franco-canadienne Corinne Le QuĂ©rĂ©, par ailleurs prĂ©sidente du Haut Conseil pour le climat instaurĂ© en novembre 2018 par Emmanuel Macron pour commenter et influencer la poliÂtique du gouvernement français.
RĂ©cemment, plusieurs rapports, rĂ©alisĂ©s ou approuvĂ©s par lâUnep (lâAgence des Nations unies pour lâenvironnement) ont soulignĂ© que dâimportantes capacitĂ©s de production dâĂ©lectricitĂ© Ă partir de centrales au charbon ont encore Ă©tĂ© installĂ©es en Chine entre juin 2018 et juin 2019. HĂ©las, ces Ă©quipements sont faits pour durer plus de quarante ans. « La production dâĂ©lectricitĂ© Ă partir de charbon en Chine et en Inde, malgrĂ© le ralentissement Ă©conomique, explique la hausse des Ă©missions de ces deux pays et contribue Ă la hausse des Ă©missions globales », constate Philippe Ciais, cosignataire de lâarticle et directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de lâenvironnement (LSCE) du CNRS et du CEA Paris-Saclay. Il prĂ©cise : « Il y a toujours une forte demande de ciment et dâacier en Chine, des secteurs trĂšs Ă©nergivores en Ă©lectricitĂ©, produite principalement par des centrales Ă charbon. »
Il est Ă noter, par ailleurs, que la diminution des Ă©missions en Europe et aux Ătats-Unis suit un rythme de baisse identique (-1,7 %) en 2019. Une diminution qui sâexplique en grande partie par le remplacement de centrales au charbon par des installations brĂ»lant du gaz naturel. « Pour la mĂȘme quantitĂ© dâĂ©nergie produite, le charbon Ă©met environ deux fois plus de CO2 que le gaz naturel », rappelle le chercheur du LSCE. De nombreux pays europĂ©ens, Ă lâexception notable de la Pologne, ont dĂ©jĂ dĂ©cidĂ© dâarrĂȘter dâutiliser du charbon. Ce bilan est presque ironique pour les Ătats-Unis, oĂč malgrĂ© les vellĂ©itĂ©s de Donald Trump de soutenir lâindustrie du charbon, « le dĂ©veloppement dâĂ©nergies renouvelables se poursuit, notamment en Californie », prĂ©cise Philippe Ciais. Au niveau de la planĂšte : « Les Ă©nergies Ârenouvelables augmentent en quantitĂ©, mais pas aussi rapidement que la deÂmande Ă©nergĂ©tique mondiale. »
La production de CO2 en Chine par habitant (7 tonnes) est devenue bien supĂ©rieure Ă celle dâun EuropĂ©en (6,7 t), mais elle reste loin derriĂšre celle dâun AmĂ©ricain (16,6 t). Les courbes entre le Vieux Continent et lâempire du Milieu se sont « croisĂ©es en 2014 », ajoute le Âchercheur français, et la tendance se confirme annĂ©e aprĂšs annĂ©e.
Le Global Carbon Project souligne que les Ă©missions mondiales de CO2 sont, en 2019, en hausse de 4 % par rapport au niveau de 2015, lors de lâaccord de Paris. Or la tendance devrait ĂȘtre à « une baisse dâenviron 25 % en 2030, par rapport Ă celles de 2015, pour limiter la hausse de la tempĂ©rature au-dessous de 2 °C », rappelle Philippe Ciais. Et cette annĂ©e, les Ă©missions mondiales de CO2 sont « 60 % plus Ă©levĂ©es quâen 1990, annĂ©e de publication du premier rapport du Giec (Groupe dâexperts intergouvernemental sur lâĂ©volution du climat, NDLR) », dĂ©plore Pierre Friedlingstein. Bref, selon les scientifiques on va dans le mur, dâautant que la hausse de la tempĂ©rature moyenne est dĂ©jĂ comÂprise en 1 °C et 1,2 °C Ă la fin de 2019 par rapport Ă lâĂšre prĂ©industrielle.
Le Figaro - mercredi 4 décembre 2019