«Nous arrivons dans une phase de ralentissement»
PubliĂ© Ă 13:40 âą ĂditĂ© Ă 14:55
Selon Gergely Majoros, le momentum des mois à venir sera moins bon que celui des mois passés.
Pour lâanalyste Gergely Majoros, membre du comitĂ© dâinvestissement de Carmignac, nous entrons dans une phase de ralentissement du cycle Ă©conomique global. Une toile de fond sur laquelle les valeurs de croissance sont Ă privilĂ©gier.
«AprĂšs un trĂšs fort rebond Ă©conomique de sortie de crise, nous arrivons dans une phase de ralentissement du cycle Ă©conomique global», pose comme constat Gergely Majoros. Pour qui, si les taux de croissance restent bons, «le momentum des mois Ă venir sera moins bon que celui des mois passĂ©s». En soulignant quâau sein des trois rĂ©gions Ă©conomiquement importantes dans le monde, des divergences majeures en termes de croissance et dâinflation sont Ă prendre en considĂ©ration.
Pour la Chine, il sâattend Ă une croissance de lâordre de 8,2% en 2021, puis de 5,3% les deux annĂ©es suivantes. «La Chine est sortie de crise avant les autres et est entrĂ©e la premiĂšre dans cette phase de ralentissement. Un ralentissement trĂšs relatif. Notamment parce quâelle a fait moins dâaccommodations fiscales et monĂ©taires quâen Europe et quâaux Ătats-Unis. CâĂ©tait un choix politique et elle a en plus bĂ©nĂ©ficiĂ© de nos plans de relance pour sortir plus rapidement de la crise.»
Du cĂŽtĂ© des Ătats-Unis, le rebond a Ă©tĂ© portĂ© par des politiques fiscales et monĂ©taires trĂšs accommodantes. Avec, Ă la clĂ©, une prĂ©vision de croissance pour 2021 de 5,7%. Mais le pays entre Ă©galement dans une phase de ralentissement. La croissance pour 2022 est estimĂ©e Ă 4%, et celle de 2023 Ă 2,3%.
Quant Ă lâEurope, qui est sortie de crise la derniĂšre, Gergely Majoros lâestime encore en phase de rattrapage. La croissance, cette annĂ©e, est estimĂ©e Ă 4,5%, et Ă 4,1% lâannĂ©e prochaine.
La grande diffĂ©rence avec les Ătats-Unis, câest quâen Europe, en ayant moins fait sur le plan des stimulus fiscaux, la question de lâinflation sera moins prĂ©sente quâoutre-Atlantique oĂč il y a des risques de surchauffe avec, comme consĂ©quence, le fait que lâinflation ne redescendra pas avec le cycle comme en Europe, mais sera plus durable. «En 2022, lâinflation aux Ătats-Unis pourrait ĂȘtre durablement plus Ă©levĂ©e que ce que la Fed et le marchĂ© attendent.»
Priorité aux valeurs de croissance
Le dĂ©cor posĂ©, Carmignac continue de privilĂ©gier les actions en se refocalisant sur les valeurs de croissance (santĂ©, technologie, consommationâŠ) afin de bĂ©nĂ©ficier dâune croissance organique relativement indĂ©pendamment du cycle.
Sur les marchĂ©s de taux, la sĂ©lectivitĂ©, comme la prudence, est de mise. «Il est trop tĂŽt pour se positionner sur les taux cĆurs â les bons du TrĂ©sor amĂ©ricain ou allemand, principalement â car leur rendement dĂ©pend de lâĂ©volution incertaine de facteurs comme lâinflation ou lâorientation des politiques des banques centrales. Gergely Majoros privilĂ©gie les produits de «spreads» â «tout ce qui est crĂ©dit, marchĂ©s Ă©mergents, pĂ©riphĂ©rie en Europe» â qui offrent une prime de risque attractive. Pour lui, Jerome Powell, Ă Jackson Hole, a fait passer le message selon lequel seront dissociĂ©es les dĂ©cisions de «tapering» et de remontĂ©e des taux. Dans la tĂȘte des investisseurs, les deux sont liĂ©s: qui dit «tapering» implique mĂ©caniquement une hausse des taux derriĂšre. Ce ne sera pas le cas. «Pour moi, nous allons vers une normalisation trĂšs lente qui permettra aux dĂ©tenteurs de produits Ă âspreadsâ dâavoir plus de temps pour encaisser leurs coupons.»
Le risque politique chinois est un risque politique dans le sens réglementaire.
Gergely Majoros
Gergely Majoros, membre du comitĂ© dâinvestissement, Carmignac
Et la Chine? Les perspectives semblent brouillĂ©es par le risque politique. «Le risque politique chinois est un risque politique dans le sens rĂ©glementaire», nuance Gergely Majoros. «Lâintervention rĂ©glementaire rĂ©cente visant en particulier certains segments de la nouvelle Ă©conomie chinoise est sensiblement plus sĂ©vĂšre que les fois prĂ©cĂ©dentes, en 2015 et 2018. Elle sâest attaquĂ©e Ă plusieurs sous-secteurs de la nouvelle Ă©conomie en peu de temps, et elle a pour objectif de corriger un certain nombre dâexcĂšs de façon durable (positions dominantes, inĂ©galitĂ©s socialesâŠ). Lâimpact sur les valorisations a Ă©tĂ© significatif. Faut-il pour autant anticiper quâau nom de lâobjectif de prospĂ©ritĂ© commune ou au nom de la rivalitĂ© stratĂ©gique amĂ©ricano-chinoise dans la tech, les autoritĂ©s de PĂ©kin affaiblissent durablement les grandes sociĂ©tĂ©s internet, sâattaquent Ă la propriĂ©tĂ© privĂ©e et aux structures lĂ©gales créées pour permettre les cotations Ă©trangĂšres de sociĂ©tĂ©s chinoises? Nous sommes convaincus que non.»
Pour lâanalyste, «la Chine reste un marchĂ© dans lequel on peut parfaitement continuer dâinvestir», sous rĂ©serve de se montrer trĂšs sĂ©lectif. «Nous maintenons ainsi nos convictions sur une sĂ©lection de valeurs de la nouvelle Ă©conomie chinoise. Notre approche reste fondĂ©e sur lâidentification de sociĂ©tĂ©s Ă fort potentiel de croissance, bien gĂ©rĂ©es et avec des bilans sains, bĂ©nĂ©ficiant de tendances longues et visibles. Enfin, vu la rapiditĂ© et lâĂ©volution rĂ©cente des annonces, il nous semble de plus en plus plausible de penser que la visibilitĂ© sur le nouvel environnement rĂ©glementaire devrait sâamĂ©liorer progressivement. Cela permettra aux investisseurs de commencer Ă intĂ©grer les nouvelles informations dans les valorisations et de juger par eux-mĂȘmes de lâattractivitĂ© Ă©levĂ©e de ces sociĂ©tĂ©s.»