Bourse : un premier semestre 2010 très difficile

[ 01/07/10 - 03H00 ]

Les grandes Bourses affichent des pertes depuis le début de l’année, plus particulièrement marquées pour les pays du sud de l’Europe. La France ne fait pas exception. Certains secteurs d’activité ont davantage souffert.
Avec un mois de mai particulièrement chahuté, le semestre a été difficile pour l’ensemble des places financières. Au total, selon Standard & Poor’s, ce sont pas moins de 3.500 milliards de dollars de capitalisation boursière qui sont partis en fumée sur les trois derniers mois.

Des performances disparates selon les pays
Les performances sont cependant disparates selon les zones géographiques. Ainsi, les Etats-Unis et les pays émergents sont globalement parvenus à limiter leurs pertes alors que plusieurs pays d’Europe, au coeur de la tourmente, ont subi les turbulences de plein fouet. L’indice S & P 500 américain a perdu plus de 6,2 % en six mois et 11 % sur le trimestre. Le Stoxx 600, l’indice large européen, a cédé près de 4,2 % : il s’agit de la cinquième plus importante baisse au premier semestre depuis 1991. Sur le trimestre il a plongé de 8 %. Surtout, une nette différenciation s’est créée entre les places. « Le marché a réveillé le thème de l’endettement public, après une crise de l’endettement privé de 2007 à 2009, rappelle Romain Boscher, directeur des gestions de Groupama AM. On constate d’importants écarts entre les pays hors zone euro, qui souffrent moins de la crise de défiance et tirent parti des gains de change ; les pays dits « périphériques » (Grèce, Espagne, Portugal) qui sont pénalisés à la fois par une hausse des taux obligataires et un recul des actions ; et les pays dits « core » de la zone euro (Allemagne, France). Ainsi, les références des emprunts obligataires ont changé dans les modèles d’évaluation. »

L’OMX à Stockholm (+ 5,7 % depuis janvier) -porté notamment par Ericsson -est l’un des rares indices européens à afficher une première moitié de l’année dans le vert aux côtés de marchés moins connus comme l’Islande et le Danemark. A l’inverse, dans le sud de l’Europe, la Bourse grecque a plongé de plus de 34 % en six mois ! L’Ibex 35 (en Espagne) de 22,4 % et le FTSE MIB Index (en Italie) de presque 17 %. Dans les grands pays européens, une différenciation s’est faite entre le CAC 40 et le DAX. Le premier a chuté de 12,5 % (la 7e plus mauvaise performance semestrielle de l’histoire de l’indice parisien) tandis que le second est presque à l’équilibre.

Peu de secteurs défensifs tirent leur épingle du jeu
Malgré la configuration baissière des marchés d’actions sur l’ensemble du semestre, certains secteurs jugés défensifs, à l’instar des services aux collectivités, ont souffert sur le Vieux Continent. Ce dernier affiche des performances sectorielles proches des plus mauvaises enregistrées en Europe, au côté du secteur du pétrole et du gaz (très affecté par les déboires de BP, impacté par la marée noire dans le golfe du Mexique) et des banques. « Les investisseurs craignent des hausses d’impôts et de taxes ainsi que des réglementations plus contraignantes en Europe : cela affecte directement les segments qui ne peuvent pas délocaliser leurs actifs. Les financières ou les producteurs d’énergie anciennement nationalisés se retrouvent, de nouveau, exposés à l’intervention publique », reprend Romain Boscher.

Toutefois, certains secteurs défensifs ont réussi à se distinguer à l’image de celui de l’alimentation. Ce dernier est dans le trio de tête des segments du Stoxx 600 avec les biens à la personne (comprenant des valeurs du luxe) et les industrielles, profitant de la baisse de l’euro. En fait, le semestre s’est joué en deux temps, avant et après avril : les valeurs cycliques comme les technologiques, les minerais et métaux, qui avaient bien progressé avant mi-avril, se sont effondrées par la suite. « Les thématiques ont évolué au fil des mois avec deux inquiétudes de fond : la croissance mondiale et des émergents, et les conséquences de l’endettement public en Europe », rappelle Pierre Sabatier, stratège chez PrimeView, qui souligne la déconnexion entre les bénéfices anticipés par les analystes pour les différents segments et leurs performances. « La macroéconomie a pris le pas sur la micro. La croissance des profits 2010 est déjà intégrée. C’est la suite qui pose question. »

Un été qui s’annonce encore volatil
Après ce semestre difficile, l’été ne sera vraisemblablement pas de tout repos, avec plusieurs échéances clefs pour les marchés. Les investisseurs vont surveiller la nouvelle vague de publications américaines à partir de mi-juillet. Si la saison s’annonce bonne (+ 27 % de croissance attendue des profits au deuxième trimestre), ils seront très attentifs aux perspectives pour la suite. « Les investisseurs ont des doutes sur la hausse des résultats anticipée par les analystes l’an prochain [un peu au-dessous de 20 % en Europe et aux Etats-Unis, NDLR] », reprend Pierre Sabatier. Ils seront également attentifs aux « stress tests » des banques européennes.

Les statistiques macroéconomiques seront enfin surveillées avec attention, en particulier les indices ISM ou encore l’emploi aux Etats-Unis. « Il risque d’y avoir encore des secousses cet été, alors que le marché peut se convaincre qu’une rechute de l’économie mondiale et notamment américaine -ce que nous ne croyons toutefois pas -devient probable », indique Jean Danjou, stratégiste d’Oddo. Pour Jean-Louis Mourier, économiste d’Aurel, ces craintes seront plutôt pour la fin d’année. A court terme l’un des principaux risques sera, selon lui, des signes « marqués » de ralentissement de la croissance chinoise.

MARINA ALCARAZ