Bourse, immobilier, taux, inflation : les prévisions pour 2024 et 2025
Par Patrick Artus le 12.07.2023 à 11h00
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EDITORIAL. L’inflation va rester élevée dans la zone euro jusqu’à fin 2024, une situation mal anticipée alors que la Banque centrale européenne n’a pas fini de monter ses taux d’intérêt. Les actifs les plus risqués sont dans l’immobilier de bureaux. Et la Bourse risque d’être chahutée.
Contrairement à une idée reçue, notamment sur les marchés financiers et même au sein du conseil de la Banque centrale européenne (BCE), l’inflation reste importante dans la zone euro. Les coûts salariaux unitaire- en prenant en compte la baisse de la productivité- progressent à un rythme annuel d’environ 6% et selon nos prévisions l’inflation -hors énergie et produits alimentaires frais et à politique monétaire inchangée- devrait encore être de 5% fin 2023 et de 3,5% fin 2024. Dans ces conditions la séquence de hausse des taux directeurs de la banque centrale va se poursuivre, pouvant amener le « repo » à 5% à fin 2024.
Turbulences en vue à la Bourse
Sur cette période, il convient d’adopter une stratégie d’allocation défensive et attentiste. Le mieux est d’opter pour des placements à court terme de type monétaire ou dépôt à terme, en évitant l’assurance-vie et les placements en actions. La Bourse devrait en effet subir quelques coups de tabac d’ici la fin de l’année prochaine même si, à l’exception de quelques secteurs, il n’y a pas aujourd’hui de bulle. Les actions se payent en moyenne 13 fois les résultats anticipés ce qui est cher, mais pas suffisamment pour être réellement inquiétant.
Risque réel sur l’immobilier
Le marché immobilier est peut-être le plus risqué, sachant qu’il n’a pas intégré le renchérissement des conditions de crédit. L’immobilier de bureaux me parait de ce point de vue le plus dangereux (notamment en raison de la généralisation du télétravail) , les taux de vacances laissant augurer un repli d’environ 20% des prix. Concernant les chocs exogènes, par nature difficiles à anticiper, le secteur bancaire de la zone euro est plutôt bien encadré et bien doté en fonds propre, ce qui exclut à priori un accident systémique dans ce secteur.
Cygne noir à l’horizon
Concernant la situation géostratégique, le principal risque est bien sûr celui d’une intervention armée à Taiwan diligentée par Pékin. Elle me parait exclue en raison du " parapluie" américain, qui tiendra tant que les Etats-Unis ne seront pas autonomes du point de vue de leurs ressources en semi-conducteurs. Pour le reste, il est bien entendu que les marchés ne sont pas à l’abri d’un « cygne noir », un choc exogène non anticipé et non « anticipable ».
Objectif de la BCE
A plus long terme, c’est-à-dire à partir du printemps 2025, la donne va changer avec un taux d’inflation qui sera revenu -toujours hors énergie et alimentaire- aux alentours de 3%. Si la BCE décide alors d’assouplir son objectif de 2%, on pourrait assister à une nouvelle donne, nécessitant de revoir l’allocation. La repentification de la courbe des taux – ceux des échéances longues devenant supérieurs aux échéances courtes- permettra de reprendre position sur les obligations, notamment via les fonds en euros (assurance-vie) avec un rendement de l’obligation assimilable du Trésor d’environ 4%. Coté Bourse, tout dépendra de l’ampleur de la correction à venir, mais il conviendra encore et toujours de faire preuve de sélectivité. A l’inverse, si la BCE s’arc boute sur son objectif monétaire, il y a de fortes chances pour que le rythme d’inflation reste figé à 3%, ce qui nécessitera une allocation plus défensive, proche de celle qu’il faut adopter aujourd’hui.
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