Automobile : l'arrivée du tout électrique inquiète les Français

Automobile : l’arrivée du tout électrique inquiète les Français

Déjà bannis dans certaines villes, les véhicules à moteur thermique seront interdits à la vente en 2035. Automobilistes et salariés du secteur appréhendent ce bouleversement.
VALÉRIE COLLET ANGÉLIQUE NÉGRONI

AUTOMOBILE Inquiets, dubitatifs, les Français commencent à comprendre que la voiture n’est vraiment plus la bienvenue dans notre société. Sauf si elle est électrique. Le changement de braquet de la lutte contre le changement climatique et la réduction plus stricte des émissions de CO2 vont réduire la place de la voiture individuelle dans les villes, transformer les usages et les véhicules eux-mêmes.

2035 va sonner la fin des ventes de voitures neuves diesels et à essence. C’est ce que propose la Commission européenne, qui veut aussi bannir les hybrides rechargeables. La France plaidait pour les conserver jusqu’en 2040, date initialement prévue pour mettre fin aux thermiques. En remplacement, la voiture électrique prend déjà ses quartiers dans nos rues. Elle sera généralisée avec, peut-être plus tard à ses côtés, le véhicule à l’hydrogène. Mais à l’heure actuelle du parc français est thermique à plus de 98 %.

Quelle que soit la date retenue, une révolution attend les Français. Elle bouleverse l’ensemble de l’écosystème automobile : les constructeurs, qui doivent reconvertir leurs usines et former des milliers d’ouvriers, les équipementiers, dont certains dédiés à la fabrication de pièces bientôt obsolètes, sans compter les réparateurs, vendeurs, distributeurs de carburant. Sans compter les automobilistes, qui se demandent combien de temps encore ils pourront continuer à rouler avec leur voiture à essence.

« Les vendeurs ne savent plus quoi vendre et les entreprises comme les particuliers ne savent plus quoi acheter », lance Yves Carra, porte-parole de l’Automobile club association, convaincu que cette vaste mutation ne se fera pas dans les temps. « La pression politique ne correspond pas au temps technologique », assure-t-il. L’autonomie des batteries sera-t-elle suffisante ? Les bornes de recharge seront-elles assez nombreuses ? « Prenez Lavaur, dans le Tarn. 11 000 habitants et seulement trois bornes en place aujourd’hui ! On affole aujourd’hui les Français pour rien. On ne tiendra pas les délais », poursuit Yves Carra.

La perspective du tout électrique, source de complications à venir, laisse sceptiques les utilisateurs, chacun essayant de se projeter dans cette nouvelle ère. Dans les campagnes, on se demande comment tout cela fonctionnera. « En hiver, quand on consomme trop d’électricité, ça saute », rappelle François Vallin, président de Rouler libre. « Et ce n’est pas en mettant dix éoliennes dans la baie de Saint-Brieuc qu’on aura plus de puissance électrique », renchérit Jonathan, un entrepreneur installé en Bretagne. Fabrice, agriculteur dans le Berry, s’interroge : « Il faudra repartir à la ferme pour recharger le tracteur quand on travaillera dans les champs ? »

Pour nombre d’usagers de la route, ces annonces sont de trop. « Pourquoi sans cesse taper sur l’automobiliste quand il y a tant d’autres sources de pollution. La Chine, qui dispose de 1 000 centrales à charbon veut en créer 600 nouvelles. C’est autrement plus inquiétant », souligne Yves Carra. Pour lui, l’automobiliste est injustement pris pour cible. Avec des zones à faible émission (ZFE) adoptées par onze municipalités d’ici à 2021 mais 45 en 2025, impossible d’entrer dans les villes si sa voiture n’affiche pas une vignette Crit’Air 1, 2 ou verte, c’est-à-dire un véhicule électrifié ou un thermique de moins de 15 ans. Un tiers du parc actuellement en circulation en France ne pourra pas pénétrer dans ces villes.

Pour inciter les Français à délaisser leurs voitures, les places de stationnement sont de plus en plus réduites, les prix des PV de stationnement s’envolent, les contrôles techniques se renforcent. Certains craignent une résurgence du mouvement des « gilets jaunes » né après l’augmentation d’une taxe sur les carburants. Les foyers vont devoir ces prochaines années changer de voitures.

Même si la vente des véhicules électriques et hybrides a atteint 30 % du marché en juin, beaucoup ne pourront pas s’offrir ces modèles. « Trop cher », tranche Chantal Lapuerta, installée à Béziers, qui roule en Toyota Yaris. « En tant qu’agent immobilier, je me déplace sans cesse. Je suis prête à rouler écolo, mais je n’ai pas les moyens. »

Grand écart de prix

Actuellement, l’écart de prix est considérable. Les modèles électriques coûtent environ un tiers de plus que ceux à essence. Ainsi en France, la Twingo ZE 100 % électrique est vendue 21 550 euros, contre 13 450 euros pour son équivalent thermique. La différence est du même ordre entre un Captur à essence et sa version hybride rechargeable.

Les aides financières pour l’achat de véhicules plus récents et plus sobres en émissions de CO2 sont destinées à rendre cette conversion plus accessible. Mais au fil des mois, les critères d’éligibilité plus restrictifs : aujourd’hui le bonus écologique est de 2 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique, de 1 000 euros pour un hybride rechargeable. Une prime à la conversion allant de 2 500 à 5 000 euros en fonction des revenus, du type de véhicule peut aussi être cumulée.

Certaines collectivités soutiennent financièrement le « rétrofit » des véhicules thermiques, c’est-à-dire la transformation en électrique de leur véhicule. « Ces aides sont incitatives à condition qu’on fasse un guichet unique pour ces aides cumulatives. Si on veut encourager le renouvellement du parc automobile, évitons d’imposer à l’usager un parcours du combattant », fait remarquer Bernard Cohen-Hadad, président de la Confédération des PME Paris Île-de-France.

Du côté des professionnels, cette révolution à venir conserve encore bien des mystères. « Même si l’Europe, dans ses propositions pour 2035, n’évoque pas les véhicules lourds, la France en parle pour 2040 et on souhaite d’ailleurs participer à la réduction des rejets de CO2. Mais comment ?, interroge-t-on à la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Le modèle électrique existe pour les moins de 26 tonnes mais au-delà, il n’y a rien. » Même constat chez les pompiers : « On attend des propositions des fabricants pour nos camions-citernes. Mais si on arrive à les faire fonctionner un jour avec une batterie, cela ne doit pas se faire au détriment de leurs capacités opérationnelles. » Les politiques ont fixé des objectifs, aux constructeurs d’inventer l’avenir.

Le Figaro - Ed abonné

Grande révolution à venir dans le transport. Tesla est déjà le leader en terme de développement. Non seulement la voiture sera électrique mais elle sera aussi connectée et dirigeable à distance. Une avancée majeure.

Bonjour,

Je ne suis pas pessimiste, mais juste réaliste.
Les composants électroniques sont aussi un élément stratégique pour les voitures et pourtant ils viennent tous d’Asie depuis longtemps.

Dans notre société seul le profit compte et les batteries seront rapidement produites là où ça coute moins cher et là où les normes environnementales sont moins exigeantes.

Ca c’est toujours passé comme çà depuis 30 ans, aucun changement à attendre (voir le cas des masques où Macron avait dit blablabla). Juste le temps de ramasser un max d’aides publiques (Whirpool et d’autres) et hop on part ailleurs, là où les « esclaves » travaillent pour presque rien…

Bonjour,

La voiture électrique coute en réalité très cher mais il y a une aide du contribuable (donc nous-même).
Ensuite les batteries louées ou achetées c’est un surcout non compensé par le faible cout kilométrique.

Si c’était si bien que ça la voiture électrique, tous les véhicules jaunes de nos facteurs seraient électriques car ils ont le profil parfait :

  • trajets quotidiens limités
  • nombreux arrêts et redémarrages
  • véhicules pouvant être chargés toute une nuit sans problème.

Mais bizarrement la Poste a très peu ce type de véhicule, pas contre on bourre le crane au citoyen pour essayer de lui refiler ça.
L’autonomie réelle est faible, il faut faire un test avec clim et trajet à 110 sur 2*2 voies, vous ne ferez pas 100km aller et 100 retour…

bonjour,

La flotte électrique de la poste c’est surtout des vélos :
« En 2019, La Poste est à la tête de près de 37 000 véhicules électriques : 22 000 vélos à assistance électrique, 6 200 Staby, des scooters trois roues, 7 280 camionnettes et 1 300 quads. »

Seulement 7280 camionnettes, l’article est racoleur en mettant « 37000 véhicules électriques »…
Et dans nos zones périurbaines étendues, aucun véhicule électrique à l’horizon, que des fourgons dont le moteur thermique se coupe à l’arrêt et reprend au démarrage.

Les batteries ont un coût exorbitant qu’on essaye de cacher en insistant sur la location.
Quant à l’autonomie, imaginez un départ en vacances avec la voiture chargée en partance pour 500km (petite distance)…

Par ailleurs la fabrication et le recyclage des batteries, c’est très polluant.
On ira vers l’hydrogène.

Et pour parler de la situation économique de la Poste, c’est parce qu’en France on a aucun courage politique pour modifier le service universel et passer à 5 jours de distribution par semaine, voire moins.

L’Italie est passée à 3 jours par semaine avec possibilité de 5 jours contre abonnement payant (pour entreprises surtout).
En Belgique c’est ça : « Le courrier habituel ne sera plus distribué que deux fois par semaine dès 2020 ».

Nous on ne bouge pas, on augmente de façon délirante le prix du timbre, les e-colis passent par la filiale DPD et on verse une subvention énorme en attendant que ça finisse de couler.

Ensuite les politiques annoncent la construction d’usines à batteries en France…

Quand les constructeurs auront bien ramassé toutes les aides nationales et locales, les batteries seront discrètement fabriquées en Asie et ça fermera.

Vous vous rappelez l’histoire des masques et autres qu’il fallait, selon Macron, relocaliser en France et que tout allait changer…

« COVID-19 - Au plus fort de la pandémie, le gouvernement avait appelé à relocaliser en France la fabrication des masques. Des industriels ont joué le jeu et investi pour en produire des millions. Mais la filière rencontre de graves difficultés aujourd’hui. »

Pour les batteries ce sera pareil, il faut juste profiter de l’engouement pour l’écologie pour inciter les français à renouveler leurs voitures, ça fera plaisir aux industriels… On est juste sur du marketing.

Bonjour,

Je suis peut être un peu naïf mais je ne vois pas comment on peut comparer l’avènement des véhicules à moteur électrique à la révolution du moteur à explosion, qui succédait à la traction animale et au moteur à vapeur.

Le moteur électrique n’étant pas nouveau, c’est surtout au niveau du stockage de l’énergie où l’on a récemment progressé. Maintenant je reste dubitatif quand à la mise à l’échelle d’un parc automobile européen de 230 millions de voitures particulières, il y aura peut être 1 million de VE vendus en Europe cette année ça risque de prendre quelques dizaines d’années pour électrifier totalement le parc, si tant est que l’on puisse mettre en place une infrastructure de rechargement efficiente, et que la production industrielle des batteries puisse suivre.

Pour ne prendre que le trafic maritime dont dépend l’économie mondiale, je ne pense pas qu’il sera mut par des propulsion atomiques.

Il ne faut pas être aussi pessimiste, et comparaison n’est pas raison.

Ces batteries sont un élément stratégique pour l’industrie automobile européenne et ses millions d’emplois, et ces grandes entreprises seront au capital de ces acteurs. Aucun intérêt à les délocaliser en Chine, avec des coûts et délais de transport qui ne vont pas baisser à l’avenir.

Bonjour,

Il y a 2 ans La Poste avait la première flotte électrique au monde apparement.

Ils ont du encore progresser malgré leur situation économique compliquée.

Un bilan carbone à géographie variable

VALÉRIE COLLET

Si la bataille des véhicules thermiques contre celles des véhicules à batterie semblent désormais perdues, un grand nombre de dirigeants, d’industriels et même d’économistes pointent aujourd’hui encore la nécessité de mesurer les émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule.

En octobre 2020, l’Observatoire de la mobilité Arval a publié une étude menée avec Eurogroup Consulting sur la « vertu » des véhicules électriques. « Le véhicule électrique ne peut être totalement vertueux que si toutes les précautions sanitaires et humaines sont prises dans la chaîne de production des voitures », résume François Piot, le président de l’observatoire. L’attention est généralement portée sur le taux d’émissions de CO2 d’un véhicule sur la route alors qu’il faut évaluer son impact global en tenant compte de sa fabrication, de l’importation de composants clé comme la batterie et s intéresser au mix énergétique du pays où il circule.

Par exemple, sur la durée de vie du véhicule (195 000 kilomètres pour un modèle électrique), remplacer une Clio par une ZOE en France réduit les émissions de CO2 de 23 tonnes, tandis que remplacer une Clio par une ZOE en Allemagne ne les réduit que de 10 tonnes. « Seule une partie du monde essaie de réduire l’effet de serre, alors que, dans le même temps, dix-sept pays dans le monde s’apprêtent à créer de nouvelles centrales à charbon, qui seront plus nocives en termes d’émissions de CO2 que les économies qui doivent être réalisées par ailleurs , relève François Piot. Si l’on veut continuer à faire des efforts pour réduire les émissions de CO2, il faut aussi aider les autres pays à faire des efforts dans ce sens . »

Compenser les émissions de CO2 de la production

En France, où environ 70 % de l’énergie électrique est produite par le nucléaire, une voiture et une batterie produites et circulant sur place devraient parcourir 16 800 kilomètres pour compenser les émissions de CO2 de la production. Mais la Norvège affiche un bien meilleur bilan. « Une voiture électrique produite avec une batterie en Norvège et circulant dans ce pays ne devra parcourir que 8 000 kilomètres pour compenser les émissions de CO2 qui ont été nécessaires à sa production et à sa circulation , indique François Piot.Ce pays offre en effet un bilan CO2 très vertueux grâce à un mix de production électrique à base d’hydraulique à 92 %. Même si cette performance s’appuie sur la production de pétrole en mer du Nord, laquelle place la Norvège au septième rang des pays producteurs de pétrole et au deuxième rang des exportateurs de gaz dans le ¬monde. »
En revanche, une voiture électrique produite et circulant en Chine, dotée d’une batterie fabriquée sur place, devra parcourir 180 000 kilomètres avant de commencer à compenser les émissions de CO2 nécessaires à sa fabrication. V. C.

Le Figaro Ed abonné