Assurance vie : les assureurs doivent rendre l’argent et ils en ont sous le pied !
Publié le 18.12.2018 à 18h12 • Mis à jour le 18.12.2018 à 19h34 Par mieux vivre votre argent
Les compagnies d’assurance détiennent toujours plus de réserves. Une bonne nouvelle en trompe l’œil car les compagnies ne sont pas pressées de les redistribuer.
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Alors que la saison des taux ne devrait plus tarder à débuter, une question est déjà sur toutes les lèvres. La rémunération du fonds en euros va-t-elle baisser ? Les assureurs vous trouveront toutes les bonnes raisons pour vous expliquer que oui : obligations aux rendements moribonds, avenir incertain, incitation à se diversifier, etc. Le fait est que la plupart des compagnies dégagent bien plus de performance avec les actifs investis que ce qui est reversé aux assurés, ce depuis plusieurs années. Dans ce contexte, une baisse du fonds en euros nous paraît inadmissible.
Un avis partagé par l’association de consommateurs CLCV qui, dans sa dernière enquête sur l’assurance vie, a étudié la rémunération de 207 contrats. Elle calcule un indice de redistribution, rapport entre le rendement du portefeuille et le taux servi aux clients après prélèvement des frais de gestion du contrat. Sur 8 ans glissants, le taux s’élève à 71,29 % contre 75,21 % l’année précédente. Et les écarts entre compagnies sont criants. Ainsi, un contrat de la MAIF a reversé 109,16 % de son rendement, en puisant, donc, dans ses réserves. Quand un autre produit, des Caisses d’Epargne n’a donné que 50,5 %.
Les réserves n’en finissent plus de grossir
Une chose est sûre, les assureurs vie en ont sous le pied. Alors que les rendements attribués aux fonds en euros s’érodent année après année, les réserves constituées sur ces mêmes fonds n’en finissent plus de grossir. Traduisez : les compagnies ne vous distribuent pas tous les fruits de votre épargne, préférant en mettre de côté pour les années difficiles. Selon le dernier baromètre de Good Value for Money(GVfM), cette réserve, dite provision pour participation aux bénéfices (PPB), représentait en moyenne, fin 2017, l’équivalent de 3,58 % de rendement. Soit 49 milliards d’euros pour un encours de 1 360 milliards. Sachez qu’en 2012, cette cagnotte pesait seulement 1,43 %. Et que fin 2018, selon les anticipations de l’observatoire confirmées par notre analyse, elle avoisinera les 4 %. Certes, sur le marché, c’est le grand écart, certains assureurs dépassant les 5 ou 6 % de réserves quand d’autres calent sous les 1 % mis de côté. Mais la tendance à jouer aux écureuils est partout la même.
En réalité, cette approche des réserves est partielle. Pour une vue d’ensemble, il faut lui ajouter les plus-values latentes sur actions (gains potentiels sur des titres non revendus), estimées à 2,86 % de rendement, et les plus-values latentes immobilières (1,59 % de rendement) des actifs en euros. Au total, les assureurs auraient pu mobiliser jusqu’à 8,03 % de rendement supplémentaire sur les fonds en euros à la fin de 2017. On pourrait même l’augmenter de la réserve de capitalisation (1,26 %), destinée à amortir les moins-values obligataires. Au total, ce sont 126 milliards d’euros à redistribuer ! Pas mal pour un placement que la plupart des professionnels estiment en bout de course.
Quand cette manne sera-t-elle redistribuée ?
Reste une question en suspens : quand cette manne sera-t-elle (au moins partiellement) redistribuée aux épargnants ? Nulle réponse chez les assureurs, qui se retranchent derrière les appels à la prudence des autorités de contrôle et récitent que la PPB est un matelas de sécurité pour lisser les rendements les années de vache maigre. N’y sommes-nous pas ? En réalité, les assureurs n’ont aucun intérêt à reverser la PPB. Cyril Chartier-Kastler, fondateur de GVfM, y voit d’une part« un moyen de « limiter la collecte sur le fonds en euros » avec des rendements peu attractifs, d’autre part un outil permettant aux assureurs d’accroître les placements risqués dans la composition de leurs fonds en euros. Pour l’heure, on ne peut pas dire que cette gestion plus dynamique soit payante pour les épargnants.
Légalement, les assureurs ont huit ans pour rendre aux assurés la PPB constituée une année. Dans les faits, des jeux comptables permettent d’annuler les sorties par des entrées de revenus. De plus,cette PPB est redistribuée de manière discrétionnaire, c’est-à-dire aux contrats voulus. Ce qui revient à dire que détenir un contrat chez un assureur riche de réserves n’est en rien une garantie d’en voir un jour la couleur. Vous voilà prévenu !
Dans ce contexte verrouillé, que faut-il attendre des fonds en euros au titre de 2018 ? Au mieux,selon nos estimations, le rendement moyen sera stabilisé à 1,80 % avant taxes sociales (17,20 %), soit 1,49 % net. Au pire, perdra-t-il 20 centimes pour atterrir à 1,60 %, soit 1,28 % net. C’est toujours mieux que le livret A à 0,75%. Mais ce sera sous le niveau de l’inflation (2,20 % fin octobre 2018 sur un an glissant). Voilà plus de 30 ans que ce n’était pas arrivé. Un contexte décidément morose pour l’épargnant en quête de sécurité, sauf à se départir des moyennes pour faire la chasse aux bons fonds en euros. Ils auront rapporté de 2 à 2,50 % en 2018, tout juste de quoi préserver son épargne de l’érosion monétaire.
Aurélie Fardeau et Frédéric Giquel