Mieux donner grâce à l’assurance-vie
Bien maniée, l’assurance-vie est très adaptée aux grands-parents souhaitant gratifier leurs descendants.
FRÉDÉRIQUE SCHMIDIGER
Chaque petit-enfant peut recevoir jusqu’à 152 500 € sans droits à payer de chaque grand-parent ayant alimenté des assurances-vie avant 70 ans (ou les ayant ouvertes avant 1991).Rawpixel/stock adobe
PLACEMENT Il n’y a pas si longtemps, les grands-parents avaient pour habitude d’ouvrir un livret A à leurs petits-enfants, en guise de cadeau de naissance. Avec un taux de rémunération de 1 % et le retour de l’inflation, il fait aujourd’hui pâle figure pour faire fructifier un capital sur 20 ans. Lui ouvrir une assurance-vie s’avère bien mieux adapté à ceux qui ont les moyens de se montrer généreux. Chaque aïeul peut en effet donner, sans aucun droit de donation, 31 865 € tous les 15 ans à chacun de ses petits-enfants. S’y ajoutent 31 865 € de plus, à condition que le grand-parent ait moins de 80 ans et que le petit-enfant soit majeur. Le passage chez le notaire n’est pas obligatoire, mais reste recommandé pour organiser tous ces dons et s’assurer qu’ils n’empiètent pas sur la part d’héritage des enfants.
Premier atout de l’assurance-vie, elle garantit aux grands-parents que l’argent donné sera bien utilisé. Le don s’accompagne, en effet, de la rédaction d’un écrit. « Ce document, appelé “pacte adjoint”, sert à préciser les modalités d’utilisation des fonds par les petits-enfants », explique Marion Capèle, directrice du pôle solutions patrimoniales de Natixis Wealth Management. Il prévoit que l’argent donné doit être réinvesti en assurance-vie et peut imposer, par exemple, que les fonds restent indisponibles jusqu’à ses 20 ou 25 ans, ou bien que le capital soit utilisé pour un achat immobilier. De quoi dissuader les tout jeunes majeurs de dilapider cette épargne, bien que la contrainte reste plus morale que juridique. Si, dès leur majorité, ils font fi de la volonté de leurs grands-parents et demandent à retirer l’argent, l’assureur ne les bloquera pas. Mais, glissent les professionnels, qui le sait à 18 ans ? Enfin, si les grands-parents craignent que les parents gèrent mal les fonds de leur enfant mineur, ils peuvent les écarter et désigner un « tiers administrateur ». Bien souvent, le grand-père et la grand-mère se désignent mutuellement et gardent ainsi la maîtrise des rachats et des arbitrages jusqu’à la majorité. Le second attrait est financier. « L’assurance-vie constitue l’enveloppe la mieux adaptée pour investir dans toutes les classes d’actifs, en privilégiant, les actions, cotées ou non, qui sont les supports les plus rémunérateurs dans la durée. D’autant que les arbitrages entre les actifs s’opèrent sans fiscalité », souligne Bertrand Tourmente, fondateur du cabinet de conseil Althos Patrimoine. Une analyse partagée par Philippe Parguey, directeur général de Nortia : « Pour des souscripteurs jeunes disposant d’un horizon de gestion long, le fonds en euros n’a d’intérêt que comme support d’attente ou de mise à l’abri. Gérer activement le contrat de ses petits-enfants s’avère d’ailleurs un bon moyen de participer à leur éducation financière. » Encore faut-il choisir un bon contrat, donnant accès à des unités de compte diversifiées, avec des frais modérés.
Désigner son petit-enfant comme bénéficiaire
Les grands-parents peuvent aussi mettre à profit leurs propres assurances-vie pour gratifier leurs petits-enfants après leur décès. Ces sommes pourront s’ajouter aux dons déjà consentis ou s’y substituer s’ils n’ont pas pu tous les aider de leur vivant. Chaque petit-enfant peut recevoir jusqu’à 152 500 € sans droits à payer de chaque grand-parent ayant alimenté des assurances-vie avant 70 ans (ou les ayant ouvertes avant 1991). Cela mérite de se pencher sur la rédaction de ses clauses bénéficiaires. « Les grands-parents assez fortunés intègrent de plus en plus leurs petits-enfants dans la préparation de la transmission de leur patrimoine », témoigne Marion Capèle. La solution couramment retenue ? « S’ils ont plusieurs contrats, ils en laissent certains au bénéfice de leur conjoint et de leurs enfants, et rédigent la clause bénéficiaire des autres contrats de façon à attribuer, à leur décès, l’usufruit des capitaux à leurs enfants et la nue-propriété à leurs petits-enfants », détaille l’experte.
Autre formule envisageable : les grands-parents peuvent laisser leurs enfants décider s’ils toucheront les capitaux ou sauteront leur tour au profit de leurs propres enfants. « Un parent qui laisse sa part à ses enfants démultiplie les abattements de 152 500 €. Mais, pour que cela soit possible, il faut veiller à ce que la rédaction de la clause bénéficiaire précise bien que les capitaux reviendront aux enfants, vivants ou représentés, en cas de prédécès ou de renonciation », avertit Philippe Parguey. Précision importante, si un parent renonce au bénéfice d’une assurance-vie, c’est l’intégralité des sommes qu’il abandonne à ses enfants. Il n’est pas question de décider combien il laisse, ni à qui.
Les grands-parents, même après 70 ans, peuvent encore tirer parti de l’assurance-vie au profit de leurs petits-enfants (ou de leurs enfants). Car, si les primes versées après cet âge, au-delà de 30 500 €, sont soumises aux droits de succession, les plus-values qu’elles génèrent et qui reviennent aux bénéficiaires, elles, y échappent. « Mais, si les grands-parents font des retraits sur des contrats alimentés après 70 ans, ces retraits viennent d’abord en déduction de ces gains exonérés », alerte cependant Bertrand Tourmente. Ce dernier recommande d’ouvrir plusieurs contrats pour placer de l’argent après 70 ans. La raison ? « La poche de gains exonérés des contrats dans lesquels ils n’auront pas pioché pour se procurer des revenus complémentaires restera ainsi intacte. »
Le Figaro - vendredi 25 mars 2022