Les marchés anticipent la fin de la crise sanitaire et rebondissent
Avec l’espoir d’un vaccin, les investisseurs ont retrouvé le moral. Paris s’est envolé de près de 20 % depuis début novembre. Les valeurs cycliques conduisent la hausse.
HERVÉ ROUSSEAU
BOURSE Les marchés financiers abordent la dernière ligne droite de l’année avec une insolente confiance. La fin du suspense sur l’élection américaine et l’espoir de la commercialisation rapide d’un vaccin contre le Covid-19 les ont galvanisés. Ils espèrent que 2021 sera l’année du rebond de la croissance. Les bonnes nouvelles en matière de vaccination les rassurent. L’entreprise américaine de biotechnologies Moderna a annoncé lundi une efficacité à 94,5 % de son vaccin, soit 4,5 points de plus que le candidat de l’alliance Pfizer-BioNtech dévoilé une semaine auparavant.
Depuis le début du mois de novembre, le CAC 40 s’est ainsi envolé d’environ 20 %. Les volumes ont explosé. Certains jours, plus de 8 milliards d’euros ont changé de mains sur les grandes valeurs françaises. C’est plus du double des volumes habituellement traités. L’euphorie est planétaire. Wall Street flirte de nouveau avec des sommets historiques et les marchés jugés les plus fragiles comme la Bourse d’Athènes ont connu des envolées spectaculaires. Standard & Poor’s 500, dont la volatilité est mesurée par le Vix, l’indice de la peur, est passé de plus de 40 fin octobre à moins de 23, soit près de 45 % de baisse.
« Pour les marchés, le scénario qui s’est déroulé ces deux dernières semaines est idéal », estime John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud. Les marchés étaient déjà d’excellente humeur depuis l’élection présidentielle américaine début novembre. « Avec la cohabitation entre un président démocrate et un Sénat à majorité républicaine, la politique économique américaine ne devrait pas connaître de grande rupture, en revanche la politique étrangère de la première puissance mondiale devrait s’apaiser », estime-t-il.
Joe Biden, le président élu, multiplie par ailleurs les initiatives pour trouver un compromis avec les républicains sur un nouveau plan de relance, avant même son investiture, prévue le 20 janvier, ce qui participe également à rétablir la confiance.
« Mais c’est surtout la perspective d’un vaccin efficace contre le Covid-19 qui a éclairci l’horizon pour les investisseurs », estime Yann Cordier, gérant chez Turgot AM. Dans le même temps, les banques centrales restent à la manœuvre. Lors du Forum annuel des instituts monétaires de Sintra, en fin de semaine dernière, Jerome Powell pour la Fed et Christine Lagarde pour la BCE ont réaffirmé leur engagement à soutenir l’économie.
Les marchés mondiaux se projettent dans l’après Covid-19 et les investisseurs ont changé leur fusil d’épaule. Ils se tournent vers les secteurs sinistrés par la crise qui offrent désormais un peu plus de visibilité pour les trimestres à venir. Les compartiments les plus entourés en Bourse ces derniers temps sont l’aéronautique, la banque, l’immobilier coté ou encore l’hôtellerie.
Parmi les plus fortes hausses depuis début novembre à la Bourse de Paris, on retrouve ainsi le titre de la compagnie aérienne Air France KLM avec un bond spectaculaire de plus de 60 %, Airbus (+ 45%) ou encore Safran (+ 40%). Le spécialiste des services pétroliers Vallourec a plus que doublé de valeur depuis le début du mois. Société générale grimpe de près de 45 % depuis début novembre et BNP Paribas, qui avait un peu moins souffert, d’environ 40 %. Dans le tourisme Accor s’offre un rebond comparable.
Les techs précieusement conservées en portefeuille
À côté de ces valeurs cycliques, les secteurs structurellement endettés, qui faisaient figure de repoussoirs, reviennent également en force. Les foncières qui ont été envoyées au tapis avec la fermeture des centres commerciaux et la généralisation du télétravail ont vivement rebondi. Klepierre a pratiquement doublé de valeur depuis le début du mois tandis qu’Icade et Mercyalis ont grimpé d’environ 60 %. « Désormais plus confiants sur les perspectives de croissance, les investisseurs se tournent naturellement vers des valeurs sensibles à l’inflation comme l’immobilier côté et la banque », explique Yann Cordier, chez Turgot AM.
Les spécialistes se montrent toutefois prudents sur la poursuite du rebond. Jean-Jacques Friedman, directeur des investissements chez Natixis WM, note que « depuis le début de la crise sanitaire, les valeurs cycliques ont connu plusieurs faux départs ». Pour lui ces bonnes nouvelles ne balayent pas toutes les incertitudes. « Certains secteurs mettront des années à retrouver le niveau d’activité qui était le leur avant la pandémie, de nombreuses entreprises sont très fragilisées et d’autres ont vu leur modèle totalement transformé », explique ce spécialiste.
Les professionnels conservent d’ailleurs précieusement en portefeuille les grandes valeurs technologiques auprès desquelles ils se sont réfugiés dès le début de la crise sanitaire. « L’économie risque de mettre du temps à se redresser réellement et les champions de la croissance, comme les Gafam américaines (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ou les géants français du luxe, les fameux Khol (Kering, Hermes, L’Oréal, LVMH), conservent de solides atouts », estime ainsi Jean-Jacques Friedman.
Après avoir longtemps été au ban de la communauté financière, Elon Musk, vient d’ailleurs d’arracher une belle revanche. Son groupe Tesla est entré en début de semaine dans le prestigieux Standard & Poor’s 500.
Le Figaro - mercredi 18 novembre 2020