La fiabilité des indices obligataires en question
Dans la même lignée que l’article 2 marches au-dessus.
Les Echos - DĂ©cembre 2011
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Au même titre que les actions, les obligations servent de support à des indices, utilisés comme « benchmark », autrement dit comme référence, pour mesurer la qualité d’une gestion. Ils sont aussi utilisés en sous-jacents de produits, tels les certificats, les contrats à terme, les options… Près de 30 % des encours totaux des ETF (« exchange-traded funds »), ou fonds indiciels cotés, sont ainsi investis dans les indices obligataires. Le principe de base des grands indices obligataires, c’est que plus l’endettement d’un Etat ou d’une société augmente, plus ils pèsent lourds dans les indices. « La logique économique est difficile à saisir, estime Noël Amenc, directeur de l’Edhec Risk Institute. Les entreprises font appel à la dette en fonction du niveau des taux d’intérêt et de leur besoin de financement, et non pas en fonction des besoins des investisseurs. »
Aujourd’hui, en raison de la crise de la dette de la zone euro, des Etats pèsent lourd dans les indices. Trop lourd. Ce qui inquiète les investisseurs. Comment justifier que l’Italie « représente environ 23 % dans les indices obligataires souverains traditionnels, alors que sa contribution au PIB européen ressort à 17 % », illustre Fabien Dornier, directeur de la gestion chez le fournisseur d’ETF et d’indices Ossiam. « La dette de certains pays ayant été récemment sous la pression des marchés, les indices en ont souffert. » Les investisseurs se retrouvent exposés à un risque plus grand. Sans compter que « ces indices peuvent alimenter le stress. Il y a notamment des distorsions liées à la liquidité des instruments et sur les prix servant à leur valorisation, fournis en interne par les banques, qui constituent elles-mêmes ces indices », indique William Halff, analyste risques Tikehau IM.
Une étude récente de l’Edhec Risk Institute a révélé de même que la construction des indices obligataires « corporate » n’était pas optimale. Elle montre que les expositions aux taux d’intérêt et au crédit sont relativement instables. Cette conclusion n’est pas neutre pour les investisseurs dans l’élaboration de leur allocation d’actifs, notamment pour la couverture de leurs engagements de passif. « Dans la catégorie « investment grade », nous avons constaté une forte instabilité de la duration mais aussi du risque de crédit lui-même des principaux indices obligataires, confirme Noël Amenc. Pour un investisseur désireux de maîtriser ces risques et notamment d’assurer une couverture de son passif, il est donc nécessaire d’avoir une gestion active du risque de crédit et de taux de son portefeuille d’obligations « corporate ». Dans le cas d’un ETF, et plus généralement d’une gestion passive, cette gestion n’est pas possible et est de facto assurée par les décisions des émetteurs. »
Les soubresauts des marchés ont amené gérants et investisseurs institutionnels à s’adapter. « Au plus fort de la crise en 2008, des risques de duration, de crédit, de liquidité sont devenus plus aigus, incitant à une plus grande segmentation, par liquidité, par notation, par monnaie », explique Sylvain Favre-Gilly, directeur clientèle institutionnelle chez BlackRock France. D’autres critères se révèlent plus pertinents pour la construction des indices. Pour les Etats, « le ratio dette/PIB, le niveau de financement des retraites, le niveau des déficits, présents ou futurs, ou les spreads de taux avec l’Allemagne peuvent être retenus afin d’évaluer la capacité de chaque pays à rembourser sa dette, suggère Fabien Dornier. Ces méthodes doivent également s’assurer de la liquidité des titres sous-jacents. »
Avec les « zinzins », l’heure est au sur-mesure. Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a ainsi opté pour une sélection des titres dans l’indice sur la base du critère du PIB. « Quand on vient nous voir, vu la taille de la société, on attend de nous plus qu’une gestion indicielle. Nos portefeuilles sont plus concentrés que ceux qui reflètent les indices. Les risques sont mieux étudiés. Cela évite d’aller dans les mauvais dossiers », explique Sébastien Barbe, directeur général de Schelcher Prince Gestion. Les investisseurs se demandent de plus en plus s’ils doivent se reposer sur les agences de notation pour mesurer le risque souverain, dont le travail nourrit les grands indices. Changement d’époque.