Edito
A la faveur des 1ers signes de reprise en zone Euro et d’une année électorale en Allemagne, l’année 2013 a été une année plutôt calme pour les actifs risqués en zone Euro.
Il nous semble que de nouvelles questions sont désormais posées. Nous en avons plusieurs fois évoqué deux en particulier : le risque politique et le risque de déflation.
Hormis ces questions pouvant déboucher sur des réponses anxiogènes ou pas, il existe un certain nombre de sujets d’enthousiasme pour les mois à venir.
Risque politique : Une impatience grandissante sur la formation d’un gouvernement en Allemagne
Certains officiels Allemands et en particulier Horst Seehofer (1er ministre CDU de Bavière) estiment que le SPD cherche à « inverser le résultat des élections » qui avaient abouti à une large victoire de la CDU (41,5% pour le CDU vs 25,7% pour le SPD). Ces prises de positions démontrent que la tournure actuelle des négociations ne convient pas au parti conservateur.
L’effet négatif d’une grande coalition entre 2005 et 2009 sur l’électorat du SPD (le SPD avait ensuite réalisé le plus mauvais score de son histoire) est probablement à l’origine de son manque de souplesse actuel : quelle que soit l’issue des négociations, elles devront être validées par la base du SPD le 14 décembre. Le résultat de ces négociations devra donc très clairement pencher à gauche pour emporter l’adhésion des 470 000 membres du SPD.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les demandes du SPD puissent porter sur la remise en cause des réformes du marché du travail pourtant votées il y a 10 ans par G. Schroder , issu du SPD (« Agenda2010 »), ni sur l’abaissement de l’âge de départ à la retraite. La plupart des décideurs économiques Allemands sont inquiets de ces exigences. Les 5 membres du « Conseil des experts économiques Allemands » ont également exprimé cette inquiétude .
La situation devrait se clarifier à l’issue de la fin des négociations en vue d’une coalition le 27 novembre. Un échec des négociations, un refus de la base SPD lors du référendum du 14 décembre ou un gouvernement ne pouvant mener qu’une politique consensuelle fortement marquée à gauche, pourraient renforcer un scénario de nouvelles élections générales.
Cette situation s’est déjà présentée en Grèce et aurait pu se présenter en Italie. Si elle se présentait en Allemagne, elle aurait probablement un caractère anxiogène plus marqué.
Craintes de déflation : Certains pays Européens restent sous pression - La collaboration de la BCE n’est pas forcément acceptée par tous.
Pour le 5e mois consécutif, la croissance dans la zone Euro est restée positive.
Les données récentes spécifiques à la France n’ont pas été bonnes :
Les chiffres d’emplois et de commandes en France ont fortement chuté : ils se dégradent depuis 23 mois consécutifs.
La croissance a été négative de 0,1% en France au 3e trimestre.
L’indice Markit PMI a chuté sur un plus bas depuis 5 mois à 48,5%.
Cependant :
L’indice Markit PMI reste nettement au-dessus de son niveau de Janvier à 43%.
La BdF reste optimiste et prévoit une croissance de 0,4% au 4e trimestre.
Au même moment, les chiffres qui concernent sphériquement l’Allemagne sont bons : l’indicateur flash PMI est ressorti à 54,5%, soit un plus haut depuis 9 mois, et la croissance devrait pouvoir atteindre 0,5% pour l’ensemble de l’année 2013.
Au total, ces divergences sont à l’origine de réactions non homogènes quant à la politique menée par la BCE et en particulier la décision de baisser les taux courts prise le 7 novembre . Cette décision a été approuvée par la majorité des 23 membres mais les 2 représentants Allemands ont voté contre, estimant que le timing n’était pas le bon.
Plusieurs économistes et medias Allemands ont ensuite repris les critiques face à cette décision, jugeant qu’elle avait été prise dans l’intérêt des pays du Sud de l’Europe.
Les intérêts à CT au sein de la zone Euro risquent donc de diverger dans les mois à venir :
Les Allemands , sensibles à la rémunération de l 'épargne des ménages, ne sont pas favorables à des taux trop bas .
Les pays du Sud sont entrés en déflation et peuvent avoir besoin de mesures spécifiques pour éviter qu’elle ne se prolonge.
La France pourrait basculer dans le camp des pays du Sud et les derniers chiffres macro confirment la faible croissance et la tendance à la déflation.
Nous estimons que la BCE est prête à utiliser des mesures non conventionnelles. Elle ne devrait pas choisir de passer à un taux de dépôt négatif mais choisira probablement l’option d’un nouveau LTRO. Afin de satisfaire les exigences de rigueur Allemandes, elle devrait attendre que les pays périphériques et/ou la France prennent des mesures pour corriger leurs dérapages budgétaires actuels.
Malgré ce contexte contraignant, de nombreuses questions apportent des réponses pouvant être à l’origine d’un certain enthousiasme :
l’Irlande, qui sort du plan d’aide de l’UE
Les US, qui rassurent les marchés en équilibrant le tapering et la foward guidance
La Chine, qui lance un vaste programme de réformes
Histoire d’une recovery : Fin du bail out Irlandais.
Le 15 décembre 2013, l’Irlande quittera le programme d’aide de l’UE et du FMI. Elle bénéficiait de cette aide depuis 2010. Le pays a réussi à boucler son financement jusqu’à 2015. Cette sortie du plan d’aide s’effectue sans filet : L’Irlande ne demandera pas de ligne de crédit de précaution. Les taux de refinancement du pays avoisinent aujourd’hui les 3.5%, inférieurs à ceux de l’Espagne ou de l’Italie.
La situation n’est cependant pas simple, avec une croissance qui reste faible (+0.2%) et une dette supérieure à 120% du PIB. De plus, le chômage avoisine les 30%. Une croissance soutenue est nécessaire pour que cette sortie se fasse sans accrocs.
Point positif : le secteur bancaire s’est assaini. Il ne reste plus que trois établissements nationaux : Bank of Ireland et Allied Irish Bank, ainsi que Permanent TSB. Les deux premiers sont bien capitalisés et devraient redevenir profitables bientôt. La restructuration de Permanent TSB n’a pas commencé et il n’y a pas de profits attendus avant 2017. La prochaine étape pour le secteur est de franchir les stress tests de la Banque Centrale Européenne en 2014.
Le gouvernement a maintenant pour objectif de réduire son déficit à 2,9% du PIB d’ici 2015, juste sous la barre des 3% imposée par l’UE, vs 7,3% aujourd’hui.
L’Irlande se dirige donc plutôt dans la bonne direction : elle sera le premier pays de la Zone Euro à s’affranchir de l’aide financière européenne. Le pays va toutefois rester sous surveillance intensive de l’Euro zone.
Sans être un modèle absolu, l’Irlande prouve que les pays périphériques en crise peuvent profiter de l’aide de l’Europe pour trouver des solutions au moins partielles.
US : La FED souhaite désamorcer les anticipations de hausse des taux
Le discours tenu par J. Yellen devant le congrès américain a été particulièrement dovish. En se montrant davantage préoccupée par le chômage que par l’inflation, elle a laissé entendre que la Fed resterait durablement accommodante. Cette intervention a eu pour effet de désamorcer les anticipations de hausse des taux et ainsi, de rassurer les marchés.
Yellen a estimé qu’il fallait continuer à soutenir la reprise aux Etats-Unis, le chômage étant sur des niveaux encore trop élevés et l’économie « loin de son potentiel ». Elle a également mis en avant sa volonté de réduire les risques d’une nouvelle crise financière en mentionnant notamment les nouvelles règles de capitaux et de liquidités réclamées aux établissements bancaires.
Yellen semble avoir la volonté de développer la forward guidance et maintenir ainsi les taux aussi bas que possible et ce pendant la plus longue période possible. Une des options envisageables serait de baisser l’objectif du taux de chômage à partir duquel une hausse des taux sera discutée. En effet, la Fed s’est engagée à maintenir les taux de refinancement à zéro jusqu’à ce que le taux de chômage tombe sous les 6,5%, pour autant que l’inflation reste inférieure à 2,5%. Aujourd’hui à 6.5%, un passage à 5.5% de taux de chômage attendu permettrait d’allonger la durée pendant laquelle les taux resteraient à 0%.
La passation Yellen / Bernanke, qui doit avoir lieu le 31 janvier 2014, devrait donc se faire dans la douceur et ne pas laisser apparaitre de différence majeure de stratégie. Bien que la Fed semble de plus en plus inconfortable avec le trade off gains/risques de la politique d’achats d’actifs dans un contexte ou la situation macro-économique s’améliore, elle souhaite éviter que le tapering ait un « effet papillon » comme cela semblait se profiler en septembre.
Chine : le temps des réformes
Pékin a rendu publique sa feuille de route pour réformer l’économie chinoise d’ici 2020. Les nouvelles mesures annoncées visent à ouvrir davantage le pays à l’économie de marché d’ici à 2020, notamment en autorisant les investissements privés dans de nombreux secteurs réservés jusqu’ici aux entreprises d’Etat.
Plusieurs objectifs de réformes économiques majeurs ont été annoncés :
Réduction des privilèges des groupes d’état : d’ici 2020, ils devront reverser 30% de leurs bénéfices au gouvernent (vs 5% à 15% aujourd’hui). Réduire ainsi les liquidités de ces entreprises publiques favorise un environnement plus concurrentiel.
Ouverture du capital des entreprises publiques : les entreprises publiques vont être ouvertes aux capitaux privés. De plus, le nombre de secteurs ouverts aux investissements étrangers va être élargi.
Accélération de la convertibilité du Yuan : la Chine élargira progressivement la marge de fluctuation du Yuan pour le rendre plus souple et permettre une évolution davantage liée au marché.
Libéralisation des taux d’intérêts : la Chine confirme sa volonté de libéralisation de ses taux d’intérêts après que la Banque Centrale Chinoise ait levé son contrôle sur les taux d’emprunts en juillet. Cependant, les taux de dépôts restent encadrés.
Autorisation de création de banques privées : les établissements bancaires à capitaux privés devraient être autorisés et les processus d’introduction en bourse modernisés.
Liberté de circuler : dans le but de recentrer l’économie chinoise sur la consommation et les services, le gouvernement veut réformer le permis de résidence, en allégeant les restrictions sur le séjour dans les villes afin de favoriser l’exode rural.
Les terres deviendront monnayables : les agriculteurs devraient pouvoir monétiser les terres qu’ils cultivent (qui restent tout de même propriété de l’état). Ils pourront également s’en servir comme caution pour des opérations financières.
Réformes des prix de l’eau, des carburants, de l’électricité et d’autres ressources clés, afin de les lier aux évolutions des marchés.
Mise en place d’un groupe destiné à superviser les réformes économiques, qui devrait permettre de faire avancer ces réformes.
Mesures de natures politiques et sociales : interdiction de la rééducation par le travail et assouplissement de la loi de l’enfant unique.
Cette panoplie de nouvelles mesures, bien que peu précise et n’évoquant pas de réel agenda, laisse entrevoir une volonté de réforme qui serait bénéfique à l’économie chinoise.
La devise Chinoise nous semble pouvoir profiter de cette situation nouvelle : nous devrions assister à un renforcement de sa parité.