La grande peur de l inflation

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La grande peur de l’inflation
Jean-Pierre De La Rocque Il y a 2 heures
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Des signaux qui clignotent© SOURCE : BALTIC FREIGHTOS INDEX Des signaux qui clignotent
Alimentée par la flambée des matières premières et la crainte d’une surchauffe aux Etats-Unis, la menace inflationniste pèse sur l’activité économique et les marchés financiers. Est-elle fondée ?
Envolée du prix des matières premières essentielles dont le pétrole, de 30 à plus de 100 % sur un an, petit frémissement à la hausse des indices des prix, tensions sur les taux d’intérêt à long terme américains : depuis un bon mois, le spectre d’une spirale inflationniste - façon années 1970 - refait surface, comme les bourgeons au printemps. Ironie de l’histoire, avant le coronavirus nombre d’économistes s’inquiétaient du risque de déflation pendant la pandémie. Et beaucoup cherchaient la lumière de la reprise au bout du tunnel. Aujourd’hui, c’est le virus de l’inflation qui obsède certains d’entre eux. Quel retournement!

A priori, la perspective d’un retour de l’inflation dans une économie mondiale qui a connu son plus grand choc depuis un peu plus d’un demi-siècle paraît logique et saine.

« Toute la question est de savoir s’il s’agit d’un rebond Ă  court terme ou d’un phĂ©nomène inflationniste consĂ©quent et durable Â» , s’interroge Ludovic Subran, chef Ă©conomiste d’Allianz. Mais alors que la Chine est repartie sur les chapeaux de roue et que les Etats-Unis devraient afficher une croissance de 6,5 % cette annĂ©e, certains signaux ne sont guère rassurants. Heureuses de voir leurs carnets de commandes se remplir, nombre d’entreprises industrielles occidentales qui se fournissent en Chine - de l’électronique Ă  l’automobile en passant par le BTP - doivent faire face Ă  des hausses de prix consĂ©quentes sur certains composants ou sur les matières premières (lire page 66) .

« L’industrie est le premier secteur Ă  ĂŞtre reparti, constate Bruno Cavalier, Ă©conomiste Ă  Oddo BHF. Mais les usines n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©truites, elles ont juste Ă©tĂ© fermĂ©es. Une fois les goulets d’étranglement rĂ©sorbĂ©s, l’offre s’ajustera Ă  la demande, la tension sur les prix des matières premières et de certains biens industriels devrait retomber. Â» D’ailleurs, les prix Ă  la production chinois (sortie d’usine) sont plutĂ´t orientĂ©s Ă  la baisse sur un an (- 1,5 % en mars).

Pourtant, pendant que les industriels s’alarment de voir leurs marges rognĂ©es par cette flambĂ©e des prix, Wall Street se fait aussi du mouron. L’indice Dow Jones plane Ă  des niveaux stratosphĂ©riques et certains investisseurs craignent qu’une remontĂ©e des taux d’intĂ©rĂŞt, visant Ă  freiner l’envolĂ©e des prix, entraĂ®ne une chute des marchĂ©s actions et un dĂ©gonflement de la bulle immobilière. D’autres ont peur que la Re-serve fĂ©dĂ©rale ne rĂ©agisse pas assez vite pour casser les anticipations inflationnistes. Jerome Powell, prĂ©sident de la Fed, s’évertue Ă  tous les rassurer :« Nous nous attendons Ă  ce que l’inflation augmente au cours de l’annĂ©e, mais elle ne sera ni particulièrement importante ni persistante Â» , a-t-il dĂ©clarĂ© le 22 mars lors de son audition Ă  la Chambre des reprĂ©sentants. Ajoutant :« Nous avons les outils nĂ©cessaires pour faire face Ă  cette situation, si elle devient problĂ©matique. Â»

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Scénario noir
Pas sûr que ces déclarations suffisent à désamorcer les critiques de Larry Summers, ex-secrétaire au Trésor des Etats-Unis sous la présidence Clinton, contre l’administration Biden, coupable, selon lui, d’appliquer la politique macroéconomique"la moins responsable" depuis quatre décennies. D’après lui, le programme Biden pourrait entraîner l’économie américaine dans une spirale inflationniste, couplée à une hausse vertigineuse des taux d’intérêt. Provoquant un alourdissement du coût de la dette, alors que les Etats s’endettent actuellement à des taux nuls, voire négatifs.

Force est de constater qu’en additionnant les 1 900 milliards de ce plan à celui de 900 milliards adopté en décembre 2020, le soutien public à l’économie américaine représente 13 % du PIB. Sans compter les 2 000 milliards de dollars du vaste plan d’infrastructures que le président américain vient d’annoncer. Du coup, Olivier Blanchard, ex-chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), s’inquiète lui aussi d’un potentiel dérapage inflationniste comparable à celui des années 1960-1970 (lire page 60).

Tous les Ă©conomistes ne partagent pas les scĂ©narios noirs du tandem Summers-Blanchard.« Leur approche suppose une forte reprise de la consommation, une fois toute l’économie rouverte et la mise en route d’une boucle entre l’augmentation des prix et celle des salaires Â» , note Ludovic Subran. En outre, ce genre de phĂ©nomène ne se produit pas du jour au lendemain. Comme l’a soulignĂ© le Nobel d’économie Paul Krugman sur Bloomberg TV :« Les gens ne vont pas se rĂ©veiller un matin en se disant “tiens l’inflation est de retour, je vais anticiper 10 % de hausse des prix !” Â»

Tandis que Kenneth Rogoff, ex-chef Ă©conomiste du FMI, observe :« Lorsque l’inflation avait atteint deux chiffres au sein de nombreux pays riches dans les annĂ©es 1970, cette forte augmentation s’était Ă©talĂ©e sur plusieurs annĂ©es. Â» Autre diffĂ©rence : les banques centrales ne disposaient pas du mĂŞme arsenal qu’aujourd’hui pour contrecarrer l’inflation. Mais, surtout, le monde a radicalement changĂ©. Les pressions dĂ©flationnistes structurelles - la numĂ©risation de l’économie et l’effet de la mondialisation des salaires -qui s’exercent depuis la crise de 2008 n’ont pas disparu par magie avec la pandĂ©mie.

Enfin, ce dĂ©bat sur le retour de l’inflation est pour le moment plus amĂ©ricain qu’europĂ©en.« Historiquement, la corrĂ©lation entre l’inflation aux Etats-Unis et dans la zone euro est raisonnablement Ă©levĂ©e Ă  cause de facteurs communs tels que les chocs pĂ©troliers. Mais, cette fois, il s’agit du stimulus fiscal surdimensionnĂ© aux Etats-Unis, qui est spĂ©cifique Ă  ce pays Â» , estime Lorenzo Codogno, professeur Ă  la London School of Economics. Et surtout, de ce cĂ´tĂ©-ci de l’Atlantique, les vicissitudes des politiques vaccinales sont plus inquiĂ©tantes pour la reprise de l’économie que l’évolution de l’indice des prix. Et mĂŞme si, comme le prĂ©voit le consensus, l’inflation en zone euro pourrait se rapprocher des 2 %, en glissement annuel, courant 2021, ce ne serait pas la fin du monde.

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Le plan Biden peut créer une spirale inflationniste
Certains économistes, dont je suis, sont d’accord avec la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, sur la nécessité de sortir le grand jeu en matière de relance économique. Mais ils ont des doutes quant à la taille du plan d’aide de l’administration Biden et s’interrogent sur ses conséquences inflationnistes.

Si l’on ajoute ce programme de 1 900 milliards de dollars, adopté début mars à celui de 900 milliards de décembre 2020, l’effort budgétaire total atteint 2 800 milliards de dollars. En prenant un coefficient multiplicateur de la demande de 0,3, ces mesures de relance comblent la perte e production due à la pandémie, soit 900 milliards. Il n’y a plus aucune raison de s’inquiéter. En revanche, avec un multiplicateur de 1, ces programmes combinés génèrent une demande additionnelle de 2 800 milliards, ce qui risque d’entraîner une très forte surchauffe de l’économie.

Ceux qui défendent sans restriction cette relance massive font valoir que même en cas de surchauffe économique importante, celle-ci n’entraînerait pas une inflation élevée et n’obligerait donc pas la Fed à augmenter les taux d’intérêt de façon spectaculaire. Même en prenant des estimations les plus pessimistes d’Emi Nakamura, professeur à Berkeley, l’augmentation de l’inflation ne serait que d’1,25 %, ce qui n’est pas catastrophique.

Durant les dernières années, les anticipations d’inflation des agents économiques étaient rigides, insensibles aux mouvements de très court terme des prix.

Elles restaient ancrées à l’objectif d’inflation de la banque centrale. Mais en cas de surchauffe de l’économie, ces anticipations pourraient se désancrer. Dans ce cas, le taux d’inflation pourrait être beaucoup plus fort, comme dans les années 1960. De 1961 à 1967, les administrations Kennedy et Johnson ont fait tourner l’économie au-dessus de son potentiel de croissance, ce qui a fait chuter le taux de chômage à moins de 4 %. Dans le même temps, l’inflation a légèrement augmenté à moins de 3 %. Ce qui laissait penser qu’il existait un compromis permanent entre inflation et chômage. Mais, en 1967, les anticipations d’inflation se sont ajustées à la hausse.

Résultat : en 1969, le taux d’inflation a atteint près de 6 %. Et les politiques fiscales et monétaires se sont resserrées, entraînant une récession entre fin 1969 et fin 1970."

Je ne vois pas comment on peu imaginer une inflation à 10% avec des salaires non indexés…
Par contre 2% d’inflation qui appauvrissent naturellement oui c’est certain, c’est d’ailleurs l’objectif des banques centrales.

Que feront les épargnants ?
Ce qu’ils font déjà, placer leurs économies sur les fonds immobilier, qui profitent naturellement de l’inflation via l’indexation des loyers.
Ils abandonneront le fond euro, qui de toute façon ne rapporte déjà plus grand chose.

Bonjour, une évolution des prix est certes possible aux States puis en Europe, mais une inflation significative et durable serait due aux revalorisations des salaires et des revenus. Sinon, dans ce monde ouvert et en concurrence, j’imagine mal une inflation telle que celle que nous avons vécu dans les années 70/80. Mais l’économie offre tant de surprises ? En cas d’inflation à 2% par exemple, que feront les Epargnants investis en majorité sur des fonds euros à moins de 1% ?