L économie mondial

Guerre russe en Ukraine : le FMI redoute des conséquences « dévastatrices » sur l’économie mondiale
Une escalade du conflit en Ukraine aurait des conséquences économiques « dévastatrices » au niveau mondial, a prévenu samedi le Fonds monétaire international (FMI). La flambée des prix de l’énergie et des matières premières ajoutent à la poussée inflationniste que connaissait déjà le monde avant l’offensive russe en Ukraine. Alors qu’un accord avec l’Iran sur le nucléaire apportait l’espoir de pouvoir compter sur le pétrole iranien, la Russie pourrait torpiller les négociations.
« Dévastatrices ». C’est ainsi que le le Fonds monétaire international (FMI) a qualifié les conséquences économiques au niveau mondial d’une escalade du conflit en Ukraine.

Outre le conflit lui-même, les sanctions occidentales imposées à la Russie « auront aussi un impact substantiel sur l’économie mondiale et les marchés financiers, avec des effets collatéraux pour d’autres pays », a également averti le FMI. Même si les prévisions restent soumises à une « extraordinaire incertitude », « les conséquences économiques sont déjà très sérieuses », constate l’institution.

Le baril de pétrole tutoie les 120 dollars
La flambée des prix de l’énergie et des matières premières en général, avec un baril de pétrole désormais proche de 120 dollars et le prix du mégawattheure (MWh) de gaz qui a dépassé les 200 euros en Europe, ajoutent à la poussée inflationniste que connaissait déjà le monde avant l’offensive russe en Ukraine en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19 et d’une crise de logistique mondiale.

« Le bond des prix aura des effets dans le monde entier, en particulier sur les ménages modestes pour lesquels les dépenses alimentaires et d’énergie représentent une proportion plus importante » de leur budget que la moyenne, anticipe le FMI.

La facture ne sera pas « indolore » pour les Français avait prévenu la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili vendredi sur France Info. En France par exemple, l’assureur-crédit Euler Hermes estime que les dépenses énergétiques des ménages français pourraient s’envoler de 400 euros cette année, pour atteindre 2.800 euros.

« S’ils veulent limiter l’impact de la crise ukrainienne sur leur croissance économique, les Etats n’auront d’autre choix que d’appliquer des mesures publiques de soutien aux ménages », estime Ana Boata, directrice de la recherche économique d’Euler Hermes, qui évalue à 17 milliards d’euros l’enveloppe nécessaire pour la France.

Aides du gouvernement
Le gouvernement est de nouveau contraint de sortir le carnet de chèques pour soutenir entreprises et ménages. Mercredi, Emmanuel Macron a demandé au Premier ministre d’élaborer « un plan de résilience économique et social » pour répondre aux difficultés qui découlent du conflit, notamment la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, qui auront « des conséquences sur notre pouvoir d’achat demain ».

Déjà, le « bouclier tarifaire » sur le prix du gaz est prolongé jusqu’à fin 2022, a annoncé vendredi sur France Info, Barbara Pompili Décidé en octobre, le blocage des tarifs du gaz pour les particuliers devait en principe prendre fin en juin 2022. Pour quel coût? Jusqu’ici, le budget 2020 mobilise 1,2 milliard d’euros pour compenser ce gel auprès des fournisseurs de gaz. Une enveloppe qui s’alourdira donc nécessairement.

Pour l’heure, les prix à la pompe flambent. Et ce n’est que le début. Jeudi sur RMC, le président de Système U, Dominique Schelcher, a indiqué s’attendre à une « hausse brutale du carburant dans les jours à venir » en France. La veille, l’Union française des industries pétrolières (Ufip). avait alerté sur un probable risque d’augmentation des prix à la pompe « de quelques centimes par litre », alors qu’« on était déjà dans des plus hauts historiques ».

Les prix du blé et du maïs explosent
Outre le prix de l’énergie, celui du blé et du maïs explosent. Vendredi, le premier a augmenté de 7,92% à 412 euros la tonne, le second 6,33% à 403 euros la tonne, battant eux aussi des records sur le marché européen. L’Ukraine étant un pays central dans l’approvisionnement de matières premières agricoles. Du côté des métaux, le nickel a dépassé la barre des 30.000 dollars la tonne, une première depuis 2008.

Sur le terrain, les combats continuent. L’armée russe a attaqué à nouveau samedi le port stratégique de Marioupol et continuait d’avancer ailleurs en Ukraine, avec toujours de féroces combats autour de sa capitale Kiev.

« En raison de la réticence de la partie ukrainienne à influer sur les nationalistes ou à prolonger le ‹ cessez-le-feu ›, les opérations offensives ont repris depuis 18H00, heure de Moscou », soit 15H00 GMT, a déclaré le ministère russe de la Défense.

Pourparlers lundi entre Russes et Ukrainiens
Les Ukrainiens avaient reporté quelques heures auparavant l’évacuation des civils de Marioupol, sur la mer Noire, ainsi que d’une autre ville assiégée, invoquant des violations du cessez-le-feu par les forces russes. Conséquence de la poursuite des combats en Ukraine, la crise humanitaire s’aggravait encore, 1,37 million de personnes s’étant déjà réfugiées à l’étranger, depuis le début de l’invasion le 24 février, selon les derniers comptages de l’ONU.

Le siège de Marioupol intervient au moment où les forces russes se rapprochent de Kiev, rencontrant une tenace résistance et bombardant parfois des immeubles d’habitation, notamment à Tcherniguiv, à 150 km au nord de la capitale, où des dizaines de civils ont été tués ces derniers jours. Une équipe de l’AFP qui s’est rendue sur place samedi a constaté des scènes de dévastation dans des quartiers d’habitation - alors que Moscou dit ne pas les viser - dans cette ville de 300.000 habitants qui se vidait de ses habitants, faisant craindre un destin similaire pour Kiev une fois les batteries de missiles et l’artillerie russes aux portes de la capitale.

Samedi matin, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, a admis que les Russes avaient avancé dans plusieurs directions. Il a accusé Moscou d’avoir changé de tactique et de s’en prendre aux civils après avoir rencontré une forte résistance ukrainienne, qui a mis à mal selon lui les plans russes de conquête des grandes villes et de renversement rapide du gouvernement. En dix jours de combats, les Russes ont largement progressé dans le territoire ukrainien, mais ils n’ont jusqu’ici pris que deux villes clés, Berdiansk et Kherson, sur la mer Noire.

Selon les autorités ukrainiennes, une troisième session de négociations avec les Russes se déroulera lundi. Mais les chances de parvenir à des progrès paraissent infimes, le président russe Vladimir Poutine ayant prévenu que le dialogue avec Kiev ne serait possible que si « toutes les exigences russes » étaient acceptées, notamment un statut « neutre et non-nucléaire » pour l’Ukraine et sa « démilitarisation obligatoire ».

Il a en outre souligné samedi que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, une revendication du gouvernement ukrainien.

L’Ukraine demande des avions de chasse aux Occidentaux
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a indiqué samedi à son homologue américain, rencontré en tête-à-tête, que son pays avait besoin d’avions de chasse et de systèmes de défense aérienne, qualifiant de « signe de faiblesse » le refus de l’Otan de mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine.

« Ce n’est un secret pour personne que notre demande la plus forte concerne les avions de chasse, les avions d’assaut et les systèmes de défense aérienne », a déclaré Dmytro Kouleba au secrétaire d’État américain Antony Blinken, lors d’entretiens à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne.


La Russie pourrait torpiller l’accord de Vienne sur le nucléaire avec l’Iran

Alors qu’un accord avec l’Iran sur le nucléaire apportait l’espoir de pouvoir compter sur le pétrole iranien, Moscou est intervenu dans le dossier. La Russie a réclamé samedi à Washington la garantie que les sanctions la visant à cause de l’Ukraine ne concerneront pas sa coopération avec Téhéran, avant de relancer l’accord sur le nucléaire iranien. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a en effet estimé samedi que les sanctions imposées à la Russie en raison du conflit en Ukraine avaient créé un « problème » du point de vue de Moscou concernant le nucléaire iranien. Cette demande de la Russie intervient alors que les pourparlers indirects entre l’Iran et les Etats-Unis sur la sauvegarde de l’accord de 2015 encadrant les activités nucléaires de Téhéran semblaient sur le point d’aboutir. Selon un haut responsable iranien qui s’est confié à Reuters, cette demande n’est « pas constructive » pour les discussions entre Téhéran et les puissances mondiales visant à relancer l’accord nucléaire de 2015. L’annonce de la Russie, qui pourrait torpiller des mois de pourparlers indirects intensifs entre Téhéran et Washington à Vienne, est intervenue peu après que Téhéran a déclaré avoir convenu d’une feuille de route l’organisme de surveillance nucléaire de l’ONU pour résoudre les questions en suspens qui pourraient contribuer à réactiver le pacte nucléaire.

Analyse La transmission de la politique monétaire est cassée Malgré un resserrement monétaire très rapide, l’économie mondiale semble résister.

PARIS (Agefi-Dow Jones)–Pour combattre une inflation à laquelle elles n’ont pas cru, les banques centrales ont resserré leur politique monétaire comme jamais depuis des décennies.

La Réserve fédérale (Fed) a dû relever ses taux de 450 points de base (pb) depuis mars 2022, à 4,50%-4,75%.

La Banque centrale européenne (BCE) est sortie des taux négatifs et a augmenté de 300 points de base ses taux directeurs, le taux de dépôt grimpant à 2,5%.

Si certains indicateurs (activité dans l’industrie, immobilier…) montrent des signes d’affaiblissement, notamment aux Etats-Unis, l’économie mondiale résiste.

Elle est en partie aidée en ce début d’année par la réouverture de la Chine qui profite principalement à la zone euro.

Le spectre de la récession s’est donc éloigné ces dernières semaines, ce qui semble contredire la logique de transmission d’une politique monétaire restrictive à l’économie.

« La politique monétaire influe sur la demande et sur l’activité à travers différents canaux de transmission », souligne William de Vijlder, chef économiste chez BNP Paribas.

Il s’agit du niveau des taux d’intérêt, du crédit bancaire, du bilan des emprunteurs et des prêteurs, de leur capacité à prendre des risques et du canal du taux de change.

« Compte tenu de la diversité des mécanismes de transmission, les effets des changements des taux directeurs ne se matérialisent qu’au bout de délais longs et variables », poursuit l’économiste, pour qui les enquêtes sur le crédit bancaire sont de bons indicateurs avancés de cette transmission.

Le décalage dans le temps entre la politique monétaire et son impact sur l’économie réelle atteint en général 12 à 18 mois.

Lorsque l’inflation reste élevée et inerte comme actuellement et qu’une partie du chemin a déjà été effectuée, les banques centrales, et donc les investisseurs, se demandent combien de hausses de taux supplémentaires sont nécessaires pour ramener l’inflation sous contrôle sans risquer un resserrement excessif.

Sur les marchés, les investisseurs semblent désormais convaincus que les banques centrales vont devoir accentuer leur resserrement monétaire.

Les marchés monétaires ont nettement revu en hausse leur prévision de taux terminal pour la Fed et la BCE, à près de 5,5% et de 4% respectivement.

Des taux voués à rester aussi élevés tant que l’inflation n’aura pas donné les signes d’une véritable décrue vers la cible des 2%.

Pour beaucoup, le chemin risque d’être long.

Il le sera d’autant plus que certains éléments conjoncturels et des évolutions structurelles ont un impact sur le décalage de transmission de la politique monétaire.

« Ce cycle pose un défi assez difficile dans l’identification de la durée du décalage pour diverses raisons », souligne Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank.

L’une d’elles est l’évolution de la masse monétaire. Aux Etats-Unis, par exemple, elle a connu en 2020 le plus grand pic en glissement annuel depuis la Seconde Guerre mondiale, puis en 2021, avant qu’elle ne recule en 2022 pour la première fois depuis 1948.

« Le PIB nominal américain a généralement assez bien suivi la masse monétaire depuis 1831 », poursuit le stratégiste. Mais cette corrélation n’a pas été aussi forte depuis 2020.

Dans ce contexte, le PIB, qui n’a pas pleinement réagi à l’envolée de la masse monétaire, pourrait rester élevé plus longtemps avant de se contracter.

Enigme de l’emploi

Mais la principale inconnue reste l’évolution de l’emploi. La résistance du marché du travail, en plus de l’excès d’épargne, explique en partie celle de la consommation et de l’économie.

Les taux de chômage sont historiquement bas aux Etats-Unis comme en Europe. Le bond des créations d’emplois en janvier a témoigné de la force persistante du marché du travail américain, notamment dans le secteur des services.

« L’une des principales raisons de la lenteur anormale de la transmission de la politique monétaire à l’économie est un marché du travail qui reste très tendu aux Etats-Unis », relève Florian Ielpo, responsable de la stratégie macro chez Lombard Odier IM.

Alors que les créations d’emplois pour février seront publiées le 10 mars, les inscriptions au chômage ont de nouveau reculé la semaine passée.

Dans la zone euro, l’emploi est aussi la variable qui ralentit la transmission de la politique monétaire. « Nous sommes plus enclins à penser que les surprises en matière d’emploi repoussent les récessions et augmentent les chances de pics de taux directeurs plus élevés et d’un pivot plus lent, plutôt que de rendre la récession moins probable », affirment pour leur part les économistes d’Oxford Economics.

« Une récession sans hausse du chômage n’existe pas », rappelle Florian Ielpo.

Pour ce dernier, l’effet de la politique monétaire est déjà perceptible sur l’économie américaine un an après le début des premières hausses de taux.

Il estime que cela devrait être le cas à partir de septembre dans la zone euro d’autant que le stimulus lié à la réouverture de la Chine commencera à faiblir.

« Si l’emploi tient au cours des prochains mois, le risque que les taux aillent bien plus haut est réel », prévient toutefois le stratégiste de Lombard Odier IM.

Les banquiers centraux veulent absolument éviter une thérapie de choc à la Volcker (ancien président de la Fed, ndlr), avec des taux directeurs supérieurs à l’inflation.

Une économie qui ne ralentit pas et une inflation qui reste inerte pourraient les obliger à être beaucoup plus restrictifs, avec des conséquences potentiellement néfastes pour l’économie.

« Comprendre le décalage dans la transmission de la politique monétaire à l’économie devrait être le thème macroéconomique le plus important des 12 à 18 prochains mois », conclut Jim Reid.

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