L’appel du 17 juin
Le 17 juin, EDF lancera un emprunt obligataire d’un milliard d’euros à destination des particuliers. Cet appel public au bas de laine des épargnants français remet au goût du jour une pratique que bon nombre d’entreprises de la zone Euro avaient oubliée depuis des lustres. Cela faisait plus de 15 ans qu’EDF n’avait pas émis une obligation à destination des investisseurs individuels.
C’est une parfaite illustration des changements actuels dans le cycle du crédit qui oscille entre intermédiation et désintermédiation. La physionomie du marché de la dette d’entreprise est en train de changer sous la double impulsion de banques qui ne veulent (peuvent ?) prêter davantage et d’entreprises qui cherchent à diversifier l’origine de leurs ressources.
Mais à quoi servent les banques si elles ne prêtent plus ? Depuis quelques mois, vous nous posez souvent la question, avec des commentaires rarement flatteurs pour ces intermédiaires du monde de l’argent, chargés de toutes les turpitudes mais surtout de la responsabilité de la crise que nous traversons aujourd’hui.
Bien sûr, nul ne peut nier que la banque remplit difficilement son rôle actuellement et que sa Valeur Ajoutée est parfois bien limitée. Mais s’en apercevoir aujourd’hui, c’est un peu « tirer sur l’ambulance » : si la banque ne fonctionne pas à court terme, il est plus important de se demander quand et comment elle renaîtra.
En effet, nul doute que les banquiers seront toujours des éléments prépondérants dans notre économie de marché : pour avancer, le monde a besoin d’intermédiaires « grossistes » spécialisés dans les métiers de l’argent. Plus le monde bancaire est dynamique, plus l’argent circule et fait progresser l’économie.
Mais cette matière première indispensable a circulé un peu trop vite dans la période récente… Excès de vitesse qui a provoqué l’intervention de la puissance publique et la quasi-nationalisation du système bancaire. Ne nous trompons pas, pour avoir connu dans les années 80, un monde bancaire nationalisé (les 3 grandes banques françaises l’étaient depuis 1945…) et l’encadrement du crédit, nous savons que les aides actuelles des Etats sont ponctuelles et que les nationalisations multiples pratiquées dans l’univers anglo-saxon, ne sont que des avatars de l’histoire libérale.
L’intervention de l’Etat pour pallier la défaillance des individus est un mouvement « classique » qui s’est développé très largement après la crise des années 30 (la SNCF en 1937 pour faire face à la déroute des entreprises privées de chemin de fer) et surtout après la seconde guerre mondiale dans des pays occidentaux soucieux de contrôler l’économie dans l’intérêt de tous : GAZ DE FRANCE, EDF, UAP, AGF, BNP, SOCIETE GENERALE étaient nationales il y a encore quelques années.
Il est logique que la puissance publique réfléchisse régulièrement à piloter la distribution des richesses créées par son économie nationale. Après guerre, la pensée était particulièrement « communautaire » et l’essentiel des moyens de production a été accaparé par les Etats d’Europe Continentale. Au XXIème siècle, le décor a changé et les inégalités sociales ressortent surtout en période de crise (certains sont licenciés alors que d’autres touchent encore des bonus…) à l’image de celle que nous traversons aujourd’hui.
Nos sociétés modernes tentent de pallier ces inégalités de revenus en faisant jouer aux organismes sociaux le rôle de redistributeur des richesses entre les ménages. Le récent rapport Cotis sur la répartition de la Valeur Ajoutée en France est, sur ce thème, très éclairant : « le partage de la Valeur Ajoutée entre salaires (67%) et profits (33%) est à peu près stable depuis 20 ans » mais, en revanche, la part des salaires reçue en direct par le salarié est en « très faible croissance depuis 20 ans au profit du financement de la protection sociale sous toutes ses formes ». A force de vouloir bien faire…
L’exemple d’EDF qui se passe d’intermédiaire pour faire profiter en ligne directe les épargnants de sa rémunération solide (4,5%) et durable (5 ans) peut servir d’exemple à la puissance publique… Il est peut-être temps de limiter le nombre d’intermédiaires pour redistribuer directement les richesses de l’entreprise à ceux qui la produisent.