EXANE

Edito

Les marchés actions des pays développés restent soumis aux anticipations de politiques monétaires : bien qu’aucune nouvelle décision n’ait été prise ni par la BCE ni par le Fed, les bons chiffres de croissance et d’emploi US ont conduit de nombreux investisseurs à décaler leurs anticipations de date de tapering de mars à décembre-janvier. Cela s’est traduit par une correction des marchés actions. Notons que cette évolution du consensus tend à faire converger ce dernier avec les attentes de la recherche Exane.

Les dernières semaines ont également été riches en événements du côté européen notamment avec la réunion mensuelle de la BCE, de bonnes nouvelles en Espagne et en Italie, ainsi que des avancées politiques en Allemagne.

La question des modalités d’investissement sur les marchés émergents est également une question majeure pour le début 2014. Nous tenterons d’y apporter des réponses, aux moins partielles, dans la 2nde partie de ce document.

** BCE**

Jeudi 4 décembre s’est tenue la réunion mensuelle de la BCE, qui a de nouveau surpris les marchés, négativement cette fois-ci. La BCE a en effet adopté un ton moins accommodant qu’attendu, en maintenant son statu quo sur les taux alors même que les prévisions d’inflation ont été revues à la baisse : 1.4% pour 2013 (vs 1.5% précédemment) et 1.1% en 2014 (vs 1.3% précédemment). La BCE a cependant rappelé qu’elle était « prête à utiliser tous les instruments possibles » si cela était nécessaire.

Concernant un éventuel LTRO, M. Drahgi a indiqué qu’il souhaitait dans un premier temps s’assurer « que cette opération ne sera pas destinée à subventionner la formation de capitaux par le système bancaire par le biais d’opérations de carry trade ». Cette précaution est probablement destinée à rassurer le board de la BCE et en particulier ses représentants allemands, défavorables à un nouveau LTRO tant que des efforts de reformes structurelles complémentaires ne seront pas décidés. Quoi qu’il en soit, il apparait qu’un LTRO deviendra rapidement nécessaire dans un contexte de pressions déflationnistes renforcées.
En effet, bien que l’Allemagne n’y soit pas favorable, un nouveau LTRO paraît nécessaire pour que le refinancement des Etats périphériques puisse se réaliser en 2014 sans un regain de tension sur les marchés de dettes souveraines. Ce type d’opération a en effet été central pour absorber les nouvelles émissions périphériques lors des deux dernières années.

D’après nos économistes, un LTRO ciblé, une nouvelle baisse du taux de refinancement et un taux de dépôts négatif (brièvement évoqués jeudi) pourraient être mis en place avant fin 2014 (ECB Review, 05/12/13, Astrid Schilo, Economiste). Le principal risque pour l’Europe n’est pas tant que la croissance cale de manière endogène mais que des pressions déflationnistes continuent à se développer, ce qui compliquerait sérieusement les exercices de consolidation budgétaire pour les états périphériques.

** L’Espagne : une embellie passagère**

Les données de septembre montrent que l’Espagne est parvenue à corriger la trajectoire de son déficit public pour 2013 (Morning Meeting, 02/12/13, Florian Roger, Economiste). Cette amélioration a conduit S&P à relever son outlook de négatif à stable sur le pays (BBB-).

Nos économistes attendent une croissance de -1.2% en 2013 et +0.6% en 2014. Les moteurs de croissance pour 2014 sont une reprise de la consommation des biens durables, un rebond des dépenses d’investissement des entreprises et une légère baisse des dépenses publiques.

Malgré ces améliorations, l’Espagne a encore un effort conséquent de réduction du solde primaire à fournir pour stabiliser sa dette publique, ce qui, selon le FMI, pourrait prendre jusqu’à 5 ans. Le FMI prend pourtant comme hypothèses que l’effort de réduction du solde primaire sera substantiel (-7.6% du PIB entre 2014 et 2018) et que les pressions déflationnistes ne se renforceront pas.

Selon nos économistes, si les indices de prix ne se redressaient pas, la dette publique espagnole pourrait s’approcher des 120% dans un délai de 5 ans, sans pour autant montrer de signes de stabilisation.

Italie : Apaisement politique

La sortie de Silvio Berlusconi de la scène politique (déchu de son mandat de sénateur et rendu inéligible pour six ans à la suite de sa condamnation) devrait permettre un apaisement de la scène politique.

Cette bonne nouvelle n’efface cependant pas les difficultés que rencontre l’Italie à maintenir son déficit budgétaire sur les rails. Les données de caisses pour l’Italie suggèrent en effet que le pays n’atteindra vraisemblablement pas sa cible budgétaire en 2014.

Nos Ă©conomistes attendent, en Italie, un rebond de la croissance pour 2014 Ă  +0.7% contre -1.7% en 2013. (Morning Meeting, 02/12/13, Florian Roger, Economiste).

Allemagne : quel avenir pour la coalition ?

L’accord conclu le 27 novembre entre CDU-CSU et le SPD à Berlin est un premier pas vers un gouvernement de coalition. Cependant, cet accord devra d’abord être approuvé par les militants du SPD. Les résultats sont attendus le 14 décembre.

Cet accord a été arraché suite à des concessions majeures consenties principalement pas le CDU-CSU, la création d’un salaire minimum et l’aménagement de l’âge de départ à la retraite étant les plus emblématiques.

Bien que la coalition soit soutenue par 66% de la population allemande, certaines questions quant à l’efficacité d’un gouvernement de coalition se posent. Angela Merkel se retrouverait restreinte par un programme réorienté à gauche. Or, bien que l’Allemagne semble être en bonne santé, plusieurs facteurs inquiètent :

  • La croissance de la productivitĂ© du travail a Ă©tĂ© deux fois moins importante que celle observĂ©e en Espagne sur les 10 dernières annĂ©es
  • Les investissements publics et privĂ©s, Ă  17% du PIB, se sont effondrĂ©s de plus de 20% depuis le passage Ă  l’Euro
  • L’Allemagne est le pays d’Europe ayant implĂ©mentĂ© le moins de rĂ©formes depuis le dĂ©but de la crise de l’Euro.

Cette coalition offre cependant un point positif pour l’Europe : le SPD semble plus enclin à soutenir des réformes européennes telles que l’union bancaire.
Après une année 2013 décevante, la question des modalités d’investissement sur les marchés émergents est peut-être la plus complexe pour le début 2014. Bien évidemment, les situations locales sont contrastées et fortement influencées par les perspectives politiques et parfois géopolitiques.

Des réformes structurelles doivent être mises en place : elles l’ont été dans certains pays et ont de fortes chances de l’être dans d’autres. La réalité de leur mise en place sera déterminante pour les choix d’investissements à venir.

Dans un premier temps, d’après l’équipe d’allocation d’actifs d’Exane, ce sont les investissements en dette émergente souveraine en USD qui présentent le moins de risque de downside. (Morning meeting, 09/12/13, Emmanuel Kragen, responsable de la recherche émergents).

** Chine : un risque de conflit Ă  surveiller**

"Pourra-t-on maintenir une économie globale alors que les tensions entre les autocraties montantes et les démocraties en déclin se renforcent ?». Telle était la question posée à la fin du XIXe siècle par le renforcement de l’Allemagne impériale. La suite est connue.

La Chine du XXIe siècle est-elle sur le point de s’approprier le rôle de l’Allemagne au début du XXe siècle ?

La « zone d’identification de dĂ©fense aĂ©rienne Â» imposĂ©e par la Chine est une provocation : elle crĂ©e des recoupements territoriaux avec le Japon et n’est reconnue ni par le Japon ni par la CorĂ©e du Sud. Les Etats Unis sontliĂ©s au Japon par un traitĂ© d’assistance militaire. Afin de tester la volontĂ© chinoise, les USA viennent d’envoyer deux bombardiers B-52 dans cette zone, sans prĂ©venir les autoritĂ©s Chinoises, dans le but de mettre Ă  l’épreuve leur attachement Ă  ces nouvelles règles.

Xi Jinping, actuel prĂ©sident de la RĂ©publique Populaire de Chine et fils d’un vice premier ministre de Mao Zedong, a bien mis en place moderniser l’économie. Il reste cependant perçu comme nationaliste, tout comme son « adversaire Â» japonais Shinzo Abe.

La Chine semble avoir beaucoup à perdre à provoquer un véritable conflit militaire : les USA sont supérieurs quant à la maitrise navale, la Chine a besoin des importations de matières premières arrivant par la mer et les réserves Chinoises (40% du PIB) sont détenues en grande partie à l’étranger et aux USA. Cependant, historiquement, il n’y a jamais eu de période pendant laquelle la Chine et le Japon furent simultanément puissants : la Chine semble vouloir assoir sa domination sur cette zone.

Il s’agit d’une situation périlleuse. Un net renforcement des tensions affecterait les marchés émergents et l’ensemble des marchés de capitaux. Le scénario le plus probable reste celui d’une accalmie suite au voyage de Joe Biden en Chine la semaine prochaine.

** Brésil : une croissance décevante**

Dans un registre moins inquiétant mais ayant eu des conséquences marquées sur la performance des marchés : les chiffres de croissance au 3e trimestre 2013 au Brésil ont été négatifs (baisse du PIB trimestrielle de 0,5%). Cette baisse trimestrielle est la plus forte enregistrée depuis le début 2010, alors que nous nous attendons à une recovery du taux de croissance en 2014. Cette baisse est probablement l’une des causes de la baisse de l’indice IBOV de 11% depuis le début novembre.

Cette croissance décevante est en partie le fruit de l’impopularité de D. Roussef couplée à des vagues successives de hausses du taux SELIC qui atteint désormais 10% (6ème hausse consécutive depuis mars 2013) : ces hausses visent à lutter contre un renforcement de l’inflation désormais proche des 6% pour le CPI, inflation elle-même affectée par la récente baisse du Real.

L’évolution du Real risque de rester perturbée en 2014 alors que les la balance des comptes courants continue de se dégrader, impliquant une poursuite de la hausse des besoins de financements externes. Nos économistes estiment que le risque de baisse du Réal est toujours présent alors que la devise semble toujours surévaluée en terme réels (vs moyenne des 5 dernières années) et que la note de risque attribuée par l’équipe d’allocation d’actifs d’Exane reste moyenne (Teach In émergents, 6 décembre 2013, E. Kragen, Economiste).

Néanmoins, grâce à ses réserves de change, le Brésil ne nous semble pas vulnérable d’un point de vue du risque de défaut sur sa dette souveraine (niveau d’indice de vulnérabilité extérieure proche de 25%, soit l’un des plus solides parmi les pays émergents) et le taux de chômage continu de diminuer malgré un marché du travail peu flexible (Taux de chômage inférieur à 6%).

Si des rĂ©formes structurelles Ă©taient menĂ©es dans le domaine du marchĂ© du travail comme dans celui des infrastructures, elles pourraient servir de catalyseur Ă  une revalorisation du marchĂ© actions (aujourd’hui « fairly valued Â»). Les Ă©lections gĂ©nĂ©rales du 5 octobre prochain risquent de ralentir la mise en place de rĂ©elles rĂ©formes bien que la rĂ©cente dĂ©cision d’investir pour la rĂ©novation de deux des principaux aĂ©roports du pays ainsi qu’une autoroute aille dans la bonne direction.

** Inde : optimisme quant aux Ă©lections Ă  venir**

Dans un registre plus optimiste, la situation en Inde pourrait évoluer positivement à l’occasion des élections devant avoir lieu en mai 2014 : le rebond du marché, de 32% en EUR depuis le point bas atteint le 28 août 2013, semble être lié en partie à un espoir d’alternance politique.

Les élections ayant eu lieu dimanche 8 décembre, dans 3 états, ont en effet donné la victoire au parti de droite dirigé par Narenda Modi. Ce résultat renforce les perspectives de victoire des partis de droite pro business et plus réformateurs que le parti du congrès au pouvoir. Pour le moment, le résultat final reste néanmoins incertain.

Durant le mois de novembre, les investissements étrangers vers les marchés actions Indiens se sont élevés à 1,3 BUSD.

Conclusion Emergents :

Ne pouvant considérer en scénario central une dégradation militaire en Chine et ayant l’espoir de reformes structurelles décidées au Brésil et en Inde, nous observons avec intérêt les marchés actions émergents.

A court terme, le profil de risque de la dette émergente nous semble cependant plus attractif : l’équipe d’allocation d’actifs considère que la classe d’actifs dette émergente souveraine en USD ne présente qu’un risque de downside limité à 2,9% en cas de hausse des taux US jusqu’à 4% et d’écartement des spreads à 430bp. L’upside serait de 9,7% dans le scénario optimiste (taux US à 3,5% et spread émergents/US à 300 bps). Des opportunités peuvent exister sur des pays tels que le Pérou, le Maroc, l’Inde et l’Indonésie. Il faudra par contre éviter certaines situations individuelles extrêmes telles que l’Ukraine, le Venezuela et l’Argentine malgré leurs niveaux de rendement particulièrement attractifs.

Europe : ça se complique
in the US, we trust!

Les indicateurs avancés européens plafonnent. La BCE est restée inactive, faisant courir un risque d’overshooting de l’€/$. L’Union bancaire achoppe autour du m écanisme de résolution. Les tensions géopolitiques sont montées d’un cran avec la crise ukrainienne Bref, la séquence devient un peu plus compliquée en Europe, même si fondamentalement la reprise semble bien ancrée et même si les investisseurs continuent structurellement de repondérer cette zone géographique dans leur portefeuille, après l’avoir délaissée durant les années de crises souveraines.

Comparativement, les Etats-Unis offrent un visage encore plus séduisant. La croissance devrait nettement accélérer aux T2/T3 2014, avec la fin des perturbations climatiques. Les entreprises devraient profiter du reflux des taux (baisse des taux souverains et contraction des spreads de crédits) pour investir et les gains de productivit é laissent présager une hausse des créations d’emplois.

Dans notre allocation d’actifs, toujours majoritairement portée sur les actifs risqués, ces éléments nous ont principalement conduit à augmenter le poids des actions US vs Europe et à renforcer les actifs convexes dans la poche européenne.

La suite dans le document joint
Bonne lecture

LinXie