Au plus haut depuis douze ans, le Cac 40 approche les 6 000 points
En hausse de 25 % depuis janvier, la Bourse de Paris défie la morosité et l’incertitude.
HERVÉ ROUSSEAU
BOURSE Le CAC 40 approche les 6 000 points ? Cela semblait incongru en début d’année et plus encore cet été, au plus fort de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. La perspective est à portée de main. Vendredi, l’indice phare de la Bourse de Paris s’est hissé à près de 5 950 points, un pic inconnu depuis plus de douze ans, bien avant les deux dernières crises financières, celle des subprimes (2008) et celle de la dette souveraine (2011).
Après un millésime 2018 éprouvant, la Bourse de Paris affiche une forme éclatante. Depuis janvier, le CAC 40 s’est adjugé plus de 25 %. En tenant compte des dividendes, la hausse des valeurs françaises flirte avec les 30 %.
Le CAC 40 pourrait vite battre son record historique de 7 000 points, atteint en septembre 2000, avant l’éclatement de la bulle internet. L’euphorie boursière est quasi générale : à Wall Street, les deux indices phares (Dow Jones et Nasdaq) ont battu leur record historique depuis belle lurette et volent de sommet en sommet.
«Les marchés boursiers, qui broyaient du noir fin 2018, minés par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et la crainte d’une récession mondiale, ont fait volte-face en début d’année », constate Frédéric Rollin, stratégiste chez Pictet AM. Les banques centrales ont repris le gouvernail dès les premières semaines de janvier. « Elles ont abreuvé les marchés de liquidités et tiré les taux d’intérêt vers le bas », explique Catherine Garrigues, directrice de la gestion actions Europe chez Allianz GI. Pour cette experte, c’est le principal moteur de la hausse des actions. Même constat chez Schroders, où l’on estime que les actions doivent surtout leurs belles performances aux politiques généreuses des banques centrales.
De fait, l’extrême faiblesse des taux d’intérêt laisse peu de choix aux investisseurs. Un phénomène que les boursiers nomment « Tina », acronyme de « There is no alternative ». Pour obtenir du rendement, ils doivent accepter de prendre une part de risque et se tourner vers les marchés actions. « La bonne tenue de l’économie mondiale et des résultats des entreprises a fait le reste », explique Christian Parisot, responsable de la stratégie chez Aurel BGC.
Pourtant, le cœur n’y est pas tout à fait. La hausse des marchés s’est d’ailleurs faite dans de très faibles volumes, témoignant du peu d’entrain des investisseurs. « C’est une hausse de misère », lance Catherine Garrigues. Cette hausse est, par ailleurs, concentrée sur une poignée d’entreprises très performantes.
Le luxe affole les compteurs
Parmi les plus beaux parcours à la Bourse de Paris en 2019, on retrouve, une fois encore, les champions français du luxe, des entreprises peu sensibles aux cycles économiques. LVMH, le numéro un mondial, s’envole ainsi de plus de 57 % depuis le début de l’année. Le groupe dirigé par Bernard Arnault est devenu la première capitalisation de la zone euro, avec une valeur en Bourse supérieure à 205 milliards d’euros. Du jamais-vu pour une entreprise française. Hermès International grimpe de plus de 35 %, L’Oréal de 30 %, Kering de 32 % et Pernod Ricard, que bon nombre de gérants classent dans le secteur du luxe, s’adjuge encore 19 % et porte sa hausse à 65 % en trois ans.
La valeur de ces entreprises a grimpé de 148 milliards d’euros cette année et dépasse désormais les 530 milliards d’euros. Au point de bouleverser la physionomie du CAC 40, aujourd’hui largement dominé par le luxe (près de 30 % de sa pondération). Ces entreprises surfent sur l’appétit insatiable des pays émergents pour les produits haut de gamme, synonymes de réussite sociale.
La même dynamique porte les spécialistes des hautes technologies comme STMicroelectronics (+ 76% en 2019) ou Dassault Systèmes (+ 35%), deux entreprises très pointues dans leurs domaines respectifs, ainsi que les champions de l’aéronautique Airbus (+ 62,5%) ou Safran (+ 42 %).
Après sa hausse fulgurante, bon nombre de professionnels estiment que le CAC 40 aurait besoin de faire une pause. Ils la jugent même salutaire. Pour les stratèges d’Aurel BGC, elle pourrait intervenir après le 15 décembre. Une date qui s’annonce décisive dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Donald Trump doit alors confirmer ou abandonner les droits de douane supplémentaires qu’il compte imposer au géant asiatique.
«S’il ne transige pas, les marchés reculeront nécessairement. Et s’il se montre conciliant, ceux qui ont misé sur cette issue empocheront leurs bénéfices. » Dans les deux hypothèses, le marché risque de souffrir. Pour mieux repartir plus tard ?
Le Figaro - samedi 16 novembre 2019